De près on dirait une île !

De près on dirait une île !

Lorsqu’une île naît des flots à quelques encablures du célèbre phare de Cordouan, c’est toute la géographie physique des cartes marines qui boit le marigot. Quatre hectares les pieds au sec, une nouvelle aventure commence pour l’estuaire de la Gironde !

J’ai découvert Cordouan et son phare à consonance espagnole, cet été, à pleins petons, le temps d’une marée. Aux côtés de Vincent que j’ai déjà interviewé à deux reprises pour nous conter ses connaissances des phénomènes tempétueux en ces régions et son amour immodéré de la faune et la forêt. J’avais pris place sur son voilier. Car en plus d’être une encyclopédie vivante de la nature sur terre et sur mer, cet homme formidable sait manier la barre et gonfler les voiles.

Quel étrange ballet entre ces incessants vacanciers charriés sur des barges de débarquement et les autochtones à voile et à moteur, qui venaient mouiller à marée basse l’ancre de leur chemise au banc de sable sous un Phébus au mieux de sa forme, rieur et chafouin à plein. Planteurs de parasol au cul calcifié dans les eaux, épure d’un dimanche à la campagne qui aurait troqué les prairies au trémolo contre une éclade de moules à l’escale farcie de sable chaud.

Adieu carte marine, veaux élevés sous la mer, Jules Verne chaviré et vos gueules les mouettes… A vu de nez pelé, on le situe le zigue sablonneux à 7 km de la pointe de Grave, 2,7 km du phare monument érectile datant du XVIe siècle et 10 km de Royan.

Bon, les bancs ça vient, ça va, avec tous ces courants et ces tempêtes d’hiver qui ramènent leur tronche à souffler la gouaille et ail ail, bonjour les dégâts ! Sous couvert du méchant Klaus survenu en janvier 2009, certaines langues déliées lui
incombent la nouvelle fluctuation de cette bouche de terre surgie des flots du néant. Les géomètres mesurent le bébé, lui content les grains de sable. Déjà quatre hectares dans la balance !

Comme argument massue, histoire de réveiller les portugaises ensablées des tulipes qui se chauffent au gaz méthanier. Imaginez ces gigantesques bateaux remplis de leurs cargaisons explosives se planter le cul dans un banc de sable et tirer au flanc leur feulement étincelle et ça en serait fini de l’existentielle île aux mille visages. Reflet de l’inutilité d’un porc méthanier dont ne veut aucun habitant des deux rives.

Bernard Giraud ne s’y est pas trompé : « Cette formation dunaire vient nous confirmer que dans une dynamique estuarienne les déplacements de sable sont à prendre en compte. Et qu’un chenal de navigation est précaire. C’est un argument à retenir contre cette implantation. Le projet de terminal méthanier a été un trait d’union entre les deux rives. Le mouvement du littoral ne pourrait-il pas en être un autre ? »*

Déjà, quelques bestioles batifolent parmi les touffes de cakiles maritimes et la vie reprend son droit. Même qu’on aurait repéré un étron fou de goéland. Les scientifiques se disent chic, chic un nouveau terrain de jeu à explorer.
Espérons seulement que cette nouvelle terre vierge de traces d’humanos fétides, ne sera pas souillée par des bides remplis de la bière des supporters et autres teufers en fureur.

J’ai osé détourner dans le titre de mon article un fameux ouvrage d’Eric Holder. Pour me faire pardonner, je vous donne quelques excellentes nouvelles du cher ami. Outre l’adaptation de son roman « Madame Chambon » avec Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon au cinoche sur tous vos écrans de lumière en octobre, Eric Holder sera l’invité d’honneur de la 7ème édition du salon du livre de Sainte-Hélène dans le Médoc, le dimanche 25 octobre. Ne boudez surtout pas votre plaisir de rencontrer cet auteur si délicieux avec sa tronche d’humanité fraternelle qui nous ressemble et qui sait si bien nous parler et nous causer dans les mots. Hélas, ce jour là je ne pourrai être présent à cette grande fête puisque je naviguerai avec je l’espère du bon vent dans les voiles.

* Source : l’excellent article de Philippe Baroux « « Une île surgie des eaux de l’estuaire » in Sud-Ouest du mercredi 14 octobre