J’étais un chef de gang…

J'étais un chef de gang…

Lamence Madzou a dirigé l’une des principales bandes de l’Essonne – les « Fight boys » - il y a près de vingt ans. Il a contribué à plusieurs reportages dans des quartiers de banlieue. J’étais un chef de gang est un document brut sur les violences urbaines mais également un intéressant témoignage sur l’environnement socioculturel des cités au cours années 80/90…

Dans J’étais un chef de gang, Lamence Madzou évoque sans détour son parcours, celui d’un chef d’une bande de Corbeil-Essonnes composée d’une centaine de membres. Ce récit est le fruit de douze longs entretiens entre Madzou et la sociologue Marie-Hélène Bacqué, auteure de nombreux travaux sur les quartiers populaires.

J’étais un chef de gang, document âpre, offre rétrospectivement une réflexion d’une brûlante actualité sur les violences urbaines et le phénomène des bandes dans les cités. Le témoignage de Madzou est d’autant plus intéressant qu’il n’est pas issu d’une famille figurant parmi les plus défavorisées, comme le signale Marie-Hélène Bacqué.

Né à Brazzaville en 1972, il arrive en France en 1977, à l’âge de cinq ans, pour rejoindre son père, un enseignant au Congo, ayant obtenu un détachement à l’ambassade à Paris où il s’occupe d’étudiants. Madzou évoque son enfance dans un environnement familial difficile puis relate l’historique de sa bande, les Fight boys - assimilée par les médias de l’époque aux Zoulous - dont l’un des points de ralliement est l’Agora d’Evry.

C’est en tout cas un témoignage percutant sur les bandes des années 80/90 : les affrontements au Forum des Halles ou à La Défense, l’appropriation du territoire (les lignes de RER), la place des filles dans le gang ou encore la dimension raciale des bandes figurent parmi les nombreux thèmes évoqués.

En outre, le récit de Madzou offre un court mais intéressant aperçu de l’environnement culturel des cités : le mouvement hip-hop, l’influence latente de la Zulu Nation d’Afrika Bambaataa, la fascination chez les bandes d’un certain cinéma américain, ou encore l’importance des discothèques, lieux habituels de rassemblement.

Le témoignage de Madzou évoque, sans concession, sa reconversion dans le bizness : drogue, racket, trafic de voitures… Rétrospectivement, sans état d’âme il commente ainsi cette période :

« L’argent change les rapports : je n’étais plus la crapule finie, infréquentable. Tout le monde m’adorait, j’existais. C’était une période d’opulence. J’avais sept voitures, un téléphone Motorola dernier cri, je bouffais au resto, je portais des costards, il y avait des mecs pour conduire mes caisses et transporter mes parents, mes frères et ma meuf. » […] (page 100)

Madzou connaît la prison. Expulsé au Congo en 1997, il est confronté aux atrocités de la guerre. Dans J’étais un chef de gang, il relate des faits particulièrement terribles.

J’étais un chef de gang est un document saisissant, encore d’actualité…

J’étais un chef de gang, Lamence Madzou, suivi de « Voyage dans le monde des bandes » par M.-H. Bacqué, éditions La Découverte, 245 pages, 2009