Vil manque.

Vil manque.

Wilma écrit le manque. Comme une thérapie lacanienne où Freud joue parfois les invités surprise, dans un no man’s land où tout est intellectualisé pour ne pas que l’être sombre dans le néant.

Le manque d’amour comme une plaie ouverte que seul le tout azimut des mots alignés, empilés, jetés au hasard, parvient à calmer le temps d’un livre, le temps d’un souffle pour repousser un peu plus loin la solitude, l’autodestruction, la perte des repères, la perte de poids lorsque la vie est trop lourde.

Ecrire plutôt que crier, crier en écrivant, tuer l’absence pour ne pas aller flinguer l’autre en vrai. Tuer le père, l’amant, l’amour, le dictateur d’un cœur blessé, celui qui a fait jouir dans un environnement émotionnel et passionnel. Celui qui est parti avec une autre et qui ne reviendra plus.
Celui que l’on ne peut plus réunir et réinventer, raconter et décrire que par l’auto fiction. Comme un lien final pour en découdre enfin et se libérer de son fantôme. Casser la chaîne.

Articuler dans les phrases la haine, la douleur et les souvenirs mêlés pour se faire du bien et du mal à la fois. Bâtir une cathédrale de mots et de beautés et prier que le souvenir ne reste pas.

Wilma écrit une lettre dans une bouteille à l’amer goût d’une rupture mal encaissée, laissant une femme chavirée par ses souvenirs, junkie de l’amour, sempiternellement désormais privée de sa dose dans l’hypothalamus et le vagin.
Ecriture moderne, images saisissantes, crudité des sentiments, des mots et des constructions narratives. Juxtapositions de toutes les époques de la souffrance comme un bal d’adieu.

Wilma la juive qui déteste les tatouages, à cause des marquages de peau des camps, trempe sa plume pour Sidi King, roi d’un pays typé, archétype d’un royaume englouti à jamais perdu.

Annie Spindler pour son premier roman nous traîne dans l’intime, frise l’impudique et le pathos sans jamais le traverser, continue d’écrire le manque à la frontière du réel dans une mécanique bien huilée, dans un rythme audacieux et fort.

La rupture comme un déclic, mélangeant toutes les histoires, ramenant à l’enfance, au père, à la mère. L’amour et la mort toujours liés comme au paroxysme de l’orgasme où l’autre dit « je pourrais mourir après cela ».
Le manque comme une expérience artistique unique, belle, tragique, le moment infime où le drame engendre la création ininterrompue, celle qu’on ne maîtrise plus. Celle qui guérit parfois.

Un roman qui se lit d’un trait qui nous montre qu’à la fois toutes les histoires d’amour sont différentes, sont uniques et se ressemblent étrangement aussi.
Un morceau d’humanité en un court roman explosif. Tout un pan de la mémoire collective amoureuse pourrait bien s’écrire avec cette verve-là. A lire absolument.

"Wilma" d’Annie Spindler. Editions Que.

Le livre ne sera disponible qu’à partir du 1er juin.

"Wilma" d’Annie Spindler. Editions Que.

Le livre ne sera disponible qu’à partir du 1er juin.