Dites-le avec des fleurs pourpres ! !

« Ce n’est pas parce que l’eau est calme qu’il n’y a pas de crocodiles » Extrait.

Une épidémie d’attaques à main armée portant, entre autres, des masques de Carnaval à l’effigie du Président Bill Clinton frappe une Amérique proche d’avant le 11 septembre. Nous naviguons entre New-York et Washington au sein d’une nation inquiète et stéréotypée sous l’œil attentif de CNN et du dieu Média. Mais qui est donc le vilain coupable qui fait perdre le sommeil à des millions de braves gens, serait-ce donc ce sous-Hannibal Lecter du dimanche qui se fait appeler en toute mégalomanie "Le cerveau", un vulgaire mangeur de Pizzas qui élimine sans regret ses complices, les uns après les autres ?

Ce serait trop facile mais pourtant James Patterson n’a pas hésité à l’écrire sur plus de trois cent pages pesantes et plates - fort heureusement tout cela est imprimé en gros caractères et en en une écriture plus que compréhensible puisque d’un niveau comparable à une bonne rédaction de seconde. Bon, n’exagérons tout de même pas car ce n’est pas exactement « Le Cerveau » qui est la tête pensante de cette mauvaise blague, c’est presque plus compliqué que cela, car comme le dit la quatrième de couverture, « Il ne faut pas oublier qu’un fou peut en cacher une autre ». On frémit rien qu’à cette pensée redoutable ! Ne nous voilons pas la face plus longtemps, l’intrigue de James Patterson est plus que tirée par les cheveux, et malheureusement ce n’est pas le style de son auteur qui sauve l’ensemble.

Il faut être d’excellente humeur et de bonne composition pour suivre ce scénario ultra convenu d’une Amérique qui joue à se faire peur avec des pistolets et des attaques de braqueurs qui dorment dans des Holiday Inn et qui mangent de manière déséquilibrée. Soyez les bienvenus dans un pays qui est fasciné par les catastrophes de masse à grande échelle médiatique et dont toute la presse s’empare aussitôt pour créer une psychose savamment orchestrée qui sera un moteur idéal pour l’économie locale.

C’est d’ailleurs un des rares intérêt de ce livre ; nous montrer, tel qu’il est, tout un peuple de paranoïaques chauvins qui a besoin en permanence de se rassurer et de se trouver intouchable et indestructible en chantant son hymne patriotique. De petites jeunes filles au visage de poupon portant des Nike et savamment instrumentalisées suffisent à semer le trouble dans la ville. L’Amérique a peur, elle a peur d’elle-même. Mais elle devrait davantage craindre le ridicule de la situation et trouver ses solutions plutôt que de se complaire dans ce malaise-là.

« Les roses sont rouges, les violettes sont bleues » cette chanson puérile accompagne le livre comme une rituel, c’est une musique d’ambiance qui colle bien à la naïveté du pavé de ce monument de la série « suspense et compagnie » de chez Lattès. Je ne doute pas que le livre trouve un public peu critique qui se laissera emporter par cette psychologie mince comme du papier à cigarette, mais il faut bien avouer qu’il n’y a guère matière à s’enthousiasmer au beau milieu de ces champs de fleurs rouges fades. On a souvent l’impression au hasard des lignes où l’on croise le FBI, le NYPD, le ministère de la justice ou le président de la Citibank, d’assister à la mauvaise caricature d’un pays qui nous emprisonne dans de fausses images de lui-même. Le service secret américain n’hésite pas à s’auto-congratuler : « Fidélité, Bravoure Intégrité » n’est pas un vain mot dans cette société puritaine-là.

Le héros récurrent de Patterson, Alex Cross, a cette fois fort à faire. Prendre soin de Christine qui a souvent les yeux rouges mais qui lui a permis de redécouvrir l’amour. Ah ! Christine qui porte mieux que personne les pantalons bleu marine et les chemisiers de soir jaunes. Alex doit de plus prier pour sa fille Jannie que les médecins ne sont pas sûrs de sauver mais pour qui il rester le « meilleur des papas du monde ». Tous les ingrédients sont là pour faire pleurer dans les chaumières et émouvoir la lectrice, le pathos ça compte quand il y a des malheurs, cela dédramatise !

James Patterson est l’un des romanciers les plus lus aux Etats-Unis, ce qui est somme toute assez cohérent. L’auteur utilise les codes et les angoisses de son pays pour témoigner à sa modeste manière sur les mécanismes intrinsèques de son peuple. Le problème c’est que son histoire est cousue de fil blanc, est très consensuelle et sertie de bons sentiment à l’eau de rose rouge, évidemment. « Ses thrillers nerveux et mouvementés figurent régulièrement en tête des listes de best-sellers » nous dit encore l’éditeur. Eh bien c’est justement ce qu’on lui reproche : utiliser les recettes d’un succès facile mais sans aucune grâce ni aucune âme pour nourrir l’œuvre. Résultat, même les fleurs des plus belles couleurs fanent très vite !

« Rouges sont les roses », James Patterson, Lattès, 2002, 352 pages, 20 €.

« Rouges sont les roses », James Patterson, Lattès, 2002, 352 pages, 20 €.