Israël met la pression pour un article jugé antisémite

Israël met la pression pour un article jugé antisémite

Un journaliste a mis le feu aux poudres en proposant la semaine dernière un article suggérant l’existence d’un trafic d’organes sur les victimes de l’armée israélienne. L’État hébreu met les autorités suédoises en demeure de le condamner avant la visite officielle du chef de la diplomatie de ce pays scandinave en Israël.

Fermement condamnée au conseil des ministres hebdomadaire par Israël, la neutralité suédoise choque le gouvernement israélien. Stockholm s’est dissocié de l’attitude de son ambassadrice à Tel Aviv en invoquant la liberté d’expression, tandis que l’auteur de l’article incriminé, Donald Boström, a expliqué mercredi être préoccupé par les accusations, sans toutefois pouvoir garantir leur véracité. "Cela me préoccupe dans le sens où je voudrais qu’on enquête sur ces accusations, c’est vrai", a-t-il déclaré à la radio israélienne. "Mais, savoir si elles sont vraies ou pas, je n’en ai aucune idée".

Paru dans les pages culturelles du journal populaire Aftonbladet, l’article suggère un lien entre la récente arrestation d’un juif américain de New York accusé d’avoir voulu acheter un rein à un ressortissant israélien pour le vendre 160.000 dollars à un patient américain, avec des allégations de résidents palestiniens mettant l’armée palestinienne en cause dans un trafic d’organes. Une photo d’un homme avec une cicatrice sur toute la longueur de son torse, prise apparemment après une autopsie, illustre son propos. Le journaliste cite enfin le porte-parole de l’armée qui rejette ces accusations, affirmant que les autopsies sont la procédure de routine.

L’article a fait grand bruit en Israël, où certains commentateurs l’ont comparé aux croyances médiévales qui voulaient que les juifs tuent les enfants chrétiens pour leur sang. Daniel Seaman, chef du service de presse du gouvernement, a ainsi jugé qu’il jouait "sur d’abominables thèmes antisémites". L’ambassade de Suède à Tel Aviv a qualifié l’article de "choquant et exécrable, autant pour nous, Suédois, que pour les citoyens israéliens". Une déclaration qui n’a toutefois pas été reprise à son compte par le ministère suédois des Affaires étrangères, à Stockholm.

"Nos fils ont été utilisés comme donneurs d’organes involontaires", accuse une mère de famille de Naplouse, et Donald Boström rappelle une rumeur de trafic d’organes datant de 1992, pendant la première Intifada. Le corps d’un jeune homme capturé par l’armée israélienne aurait été rendu à sa famille cinq jours plus tard, enveloppé dans un drap vert d’hôpital. Il avait été ouvert du menton jusqu’à l’estomac, alimentant de légitimes interrogations chez ses proches, qui se sont transformées en rumeurs. Le journal israélien Haaretz rapporte dimanche que le plus grand journal suédois, Sydsvenskan, s’est moqué de cette affaire en assurant que ses propres journalistes avaient eu vent de cette histoire comme d’autres, et l’assimilant à la théorie de la conspiration.

"C’est un article qui déshonore la démocratie suédoise et l’ensemble de la presse suédoise", a déclaré le porte-parole du ministère des relations extérieures israélien, et dimanche, le ministre Avigdor Lieberman a fait monter d’un cran la tension entre Tel Aviv et Stockholm. "Je suis stupéfait de la décision du gouvernement norvégien de célébrer le 150ème anniversaire de Knut Hamsun, qui admirait les Nazis" ! Et de fourrer tout le monde scandinave dans le même sac, afin de mieux stigmatiser la tradition de neutralité suédoise en avivant les rancunes voisines. La Suède assure en ce moment la présidence de l’Union Européenne.

"Le gouvernement suédois se cache derrière le cloaque de la liberté d’expression", explique Avigdor Lieberman dimanche à des étudiants du centre universitaire Ariel. "Pourtant, quand des caricatures désignant le prophète Mohammed ont été publiées, le ministère des Affaires étrangères suédois a envoyé une lettre de protestation au président danois". Ce que les autorités de Tel Aviv reprochent à celles de Stockholm est autant leur complaisance à l’égard de la cause palestinienne que la façade de neutralité de leur diplomatie.

"La crise perdurera tant que le gouvernement suédois n’aura pas changé d’attitude à propos de cet article antisémite", a déclaré le ministre des Finances Youval Steinitz à la presse. "Celui qui ne le condamne pas n’est pas forcément le bienvenu en Israël". Mais la tension demeure formelle entre les deux pays, l’État hébreu espérant une attitude plus conciliante de la part des dirigeants occidentaux pour ce qui concerne la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens.

"Il n’est pas question d’annuler ou de reporter cette visite, mais il est évident que ce différend, s’il n’est pas réglé, jettera une ombre inquiétante sur les entretiens", a expliqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Jérusalem, Ygal Palmor.