Des semaines pour statuer sur Caster Semenya

Des semaines pour statuer sur Caster Semenya

"Il faudra attendre deux à trois semaines pour avoir la réponse des experts", a prévenu Pierre Weiss, secrétaire général de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF), et donc savoir si Caster Semenya est considérée comme une femme ou comme un homme.

La morphologie de la championne sud-africaine Caster Semenya fait peser des doutes sur sa performance de mercredi à Berlin, aux Championnats du Monde d’athlétisme. Victorieuse du 800 mètres féminin avec 5’55"45, elle devance aisément Janeth Jepkosgei pour le Kenya et Jennifer Meadows pour le Royaume-Uni. Mais son apparence et son comportement ont décidé l’IAAF à effectuer des tests de féminité sur la jeune championne.

Caster Semenya est la révélation des championnats du monde à Berlin. À 18 ans, cette athlète de demi-fond a véritablement percé cette année, en remportant une médaille d’or sur la même distance en junior, le 31 juillet dernier, aux Championnats d’Afrique. Sa corpulence et sa morphologie, ainsi que sa voix grave, un bassin étroit et de larges épaules font plus penser à un homme qu’à une femme. C’est pourquoi la fédération lui a fait subir des tests à son arrivée à Berlin.

"Pour l’instance internationale", Caster Semenya "est une sacrée épine dans le pied", relève une agence de presse internationale. Alors que les interrogations fusent de toutes parts, l’IAAF se met en devoir de protéger l’athlète en la soustrayant aux sollicitations de la presse. "Elle est jeune, elle n’est pas préparée à répondre aux questions que vous êtes en droit de lui poser, il y a six mois, personne ne la connaissait", a expliqué Pierre Weiss.

En Afrique du Sud, les doutes qui s’expriment sur la légitimité de l’athlète à concourir chez les femmes fait scandale, et les officiels locaux les considèrent comme un type de discrimination. Le président de l’athlétisme sud-africain, Leonard Chuene, estime qu’en colportant cette rumeur, les médias cherchent à "détruire" Caster Semenya. "Mais ils ne réussiront pas", a-t-il prévenu dans les colonnes du Sowetan. Le patron du comité olympique, Gideon Sam, juge que "sa victoire est d’autant plus remarquable qu’elle a dû faire face aux allégations des médias à propos de son sexe".

"C’est ma petite fille", déclare son père, forcément sollicité. "Je l’ai élevée et je n’ai jamais douté de sa féminité. C’est une femme et je peux le répéter un million de fois". Encore totalement inconnue voici quelques semaines, la jeune femme vient d’un village reculé, où elle a vécu avec sa grand-mère, sans électricité ni eau courante, pendant ses années de lycée. Son entraîneur Michael Seme repousse lui aussi les spéculations sur le sexe de sa protégée, reconnaissant qu’elle devait souvent répondre aux questions de ses camarades dubitatives.

Caster Semenya est-elle un cas de triche ou d’hermaphroditisme ? Sa grand-mère, Maphuthi Sekgala, 80 ans, a raconté au journal britannique The Times que sa petite-fille, étudiante en première année de sport, a toujours été moquée pour son aspect masculin, et pour avoir été la seule fille dans l’équipe locale de football. C’est peu de dire, en effet, que son cas demeure étrange. Un commentateur a souligné qu’elle était la seule à prendre le départ du 800 mètres en bermuda, tandis que ses concurrentes portaient une culotte.

Le cas le plus connu de triche en la matière est celui de Stanislawa Walasiewiz, athlète américaine née le 11 avril 1911 en Pologne, et dont l’acte de naissance portait le prénom de Stanislas. La championne, plus connue sous le nom de Stella Walsh, figure toujours au palmarès olympique. Elle se distingue la première fois en décrochant la médaille d’or aux Jeux Olympiques de 1932 à Los Angeles. Après une longue carrière sportive, la supercherie fut découverte après son décès le 4 décembre 1980 à Cleveland.

En ce qui concerne Caster Semenya, "Ces examens de vérification de sa féminité sont une procédure extrêmement complexe", a déclaré Nick Davies, porte-parole de l’IAAF. "Nous ne disposons d’aucun élément déterminant qui aboutirait au fait qu’elle ne soit pas autorisée à courir". Les athlètes participant aux olympiades dans l’antiquité concourraient nus de manière à ne pas prêter à polémique au moment où ils effectuaient leurs performances sportives.