C’est Tintin pour retrouver l’Arctic-Sea !

C'est Tintin pour retrouver l'Arctic-Sea !

D’un côté, la presse allemande prétend que le cargo disparu depuis le 30 juillet se trouve quelque part au large des îles du Cap-Vert, de l’autre, la Commission de Bruxelles et l’assureur du navire se refuse à donner le moindre crédit à un acte de piraterie maritime. Le point sur une histoire largement inspirée d’un album de bande dessinée.

L’Arctic-Sea est un cargo de près de 4.000 tonnes. Il appareille du port finlandais de Jakobstad (Pietarsaari) le 23 juillet avec une cargaison de bois pour Béjaïa en Algérie. La marchandise est estimée à 1,16 millions d’euros, le navire est affrété par un groupe forestier scandinave, il appartient à un armateur russe, la société Vladimir Kleimenov, et bat pavillon maltais. L’arrivée du fret était prévue pour le 4 août en mer méditerranée. C’est toujours aussi simple dans le transport maritime…

Depuis mercredi, c’est le branle-bas de combat dans toutes les marines de la région. L’Arctic-Sea aurait été attaqué le vendredi 24 juillet par un commando affirmant appartenir à la police antidrogue suédoise, mais les autorités de Stockholm, averties, ne semblent au courant de rien. Le dernier contact avec le cargo remonte au 28 juillet à 2H52, quand son radio contacte les gardes-côtes à Douvres. Dans la nuit du 29 au 30 juillet, il est repéré au large de Brest. Interpol lance un avis de recherche international le 3 août.

L’Arctic-Sea a-t-il été victime d’un acte de piraterie maritime, comme il en existe tant ces derniers temps au large des côtes somaliennes ? "Nous n’avons pas l’intention de considérer cette affaire comme étant liée à la piraterie en premier lieu en raison du lieu et des circonstances de l’incident", a déclaré un employé du Bureau Maritime International, Cyrus Mody, ajoutant que son service n’a jamais entendu parler d’attaque dans les eaux territoriales suédoises. Selon un porte-parole de la garde côtière suédoise, le dernier détournement de navire dans cette région a eu lieu au XVIème siècle.

Pour la Commission Européenne, l’Arctic-Sea aurait été attaqué deux fois près des littoraux suédois et portugais, selon le porte-parole de la Commission européenne lors d’un point presse vendredi matin. "Selon les informations de la Commission européenne, basées sur les contacts radio avec le navire, il aurait été attaqué deux fois près du littoral suédois et portugais", a déclaré Martin Selmayer. Volte face dans l’après-midi : la même autorité émet des doutes sur la thèse de la piraterie dans la disparition du cargo battant pavillon maltais.

"Sur la base des informations actuellement disponibles, il semble que ces actes, tels qu’ils ont été rapportés, n’ont rien à voir avec des actes traditionnels de piraterie ou de vol en haute mer", a déclaré Martin Selmayr à l’agence de presse Reuters. "Des appels radio ont semble-t-il été reçus de ce bateau qui a été soi-disant attaqué deux fois, d’abord au large des côtes suédoises, puis au large des côtes portugaises". Il faut dire qu’un peu plus tôt, le Financial Times Deutschland rapportait que le navire avait été repéré au large du Cap-Vert, un archipel situé à l’ouest des côtes africaines occidentales, dans l’océan atlantique.

"Il y a un certain nombre de bateaux qui ont été repérés depuis hier dans l’Atlantique et qui pourraient correspondre à l’Arctic-Sea", a confirmé le capitaine de frégate Jérôme Baroé, du service d’information des armées français. Un navire de guerre russe fait route vers la zone où se trouverait le cargo avec ses 15 hommes d’équipage, mais le feuilleton pourrait bien tenir le public en haleine quelques jours de plus, tant il est facile de maquiller un navire de transport de marchandises de ce gabarit. Sa disparition, la perte de tout contact avec l’Arctic-Sea et l’inquiétude de l’armateur sont plutôt singulières dans le cadre d’un trafic maritime banal.

Les scénarios les plus farfelus naissent dans les gazettes : coup de main pour s’emparer d’une cargaison de drogue embarquée clandestinement, coup fourré des services secrets lié à un trafic d’armes… Les idées ne manquent pas. Le bois transporté par l’Arctic-Sea n’a pas plus de valeur qu’un autre fret du même type et les services de renseignement russes ont depuis la révolution d’octobre utilisé les navires au départ des ports finlandais comme moyen de transmission et de transport. Mais rappelez-vous cette histoire parue d’abord en 1941 dans le journal belge Le Soir.

Le reporter du Petit Vingtième s’intéresse à la mort d’un marin retrouvé noyé dans un port, à cause d’une boîte de crabe dont un morceau d’emballage a servi pour écrire un message codé. Tintin s’embarque à bord du Karaboudjan, un cargo commandé par le capitaine Haddock, un ivrogne manipulé par son second, lequel finit par s’emparer du navire à cause de la drogue que renferment les fameuses boîtes de crabe. Ainsi débute l’histoire du célèbre album d’Hergé : Le Crabe aux Pinces d’Or ! Les malfaiteurs à l’origine de la disparition de l’Arctic-Sea ont-ils trouvé leur inspiration dans les aventures de Tintin ?

Toujours est-il que l’histoire concorde point par point. Par ailleurs, il est d’usage dans les services secrets d’utiliser la littérature populaire pour lancer un certain nombre de messages codés à destination de l’adversaire. Il semble d’ailleurs que l’époque y soit propice en ce moment dans les milieux de pouvoir russes.