L’AlterTour de France par un altercycliste havrais

L'AlterTour de France par un altercycliste havrais

Stéphane Madelaine est membre du collectif havrais des objecteurs de croissance (ChOC) et du Parti de la décroissance. Début août, il roulait courageusement avec les altercyclistes qui réclamaient un monde sans dopage.

Le Mague a fait la connaissance de Stéphane Madelaine lors du passage de l’AlterTour au Havre. Notre ami est professeur dans un lycée. C’est aussi un objecteur de croissance plein d’humour qui a été candidat à diverses élections. Ce n’est pas qu’il soit spécialement électoraliste. Non, il veut juste donner un peu de son à ses convictions. Aux dernières Européennes, sa liste a obtenu au Havre 132 voix sur 34000 suffrages exprimés. Soit un score de 0,38%. Pas mal pour un parti qui, en toute logique, n’imprime pas de bulletins de vote !

Si son animal fétiche est l’escargot, Stéphane Madelaine (short rouge sur la photo) a prouvé qu’il sait allier lenteur et détermination. Après avoir préparé l’accueil de l’étape havraise de l’AlterTour le 30 juillet, il n’a pas hésité à enfourcher son VTT pour accompagner les maillots verts jusqu’à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, terminus de l’AlterTour et épicentre du Camp Action Climat qui, début août, protestait contre la création d’un aéroport.

Le Mague : Bon. Pas trop crevé ? Tu as avalé combien de kilomètres depuis Le Havre ?

Stéphane Madelaine : Il y a quelque années, je t’aurais répondu au kilomètre près, mais là, ça n’était pas ma préoccupation. 80 kilomètres par jour du 29 juillet au 8 août, ça fait 800 kilomètres environ ? J’aurais pu en faire moins, mais il ne pleuvait pas assez souvent pour que je monte dans l’AlterBus ! Dès qu’il fait beau, je préfère être dehors, à bavarder avec les « copines » et « copains » sur mon vélo. Le plus fatiguant, ce n’est pas le vélo, ce sont les nuits écourtées par la fête et le froid matinal. Dur destin que celui d’AlterCycliste !

Le Mague : J’ai suivi votre progression sur le site Internet de l’AlterTour. Quelques étapes semblaient bien sympathiques. Quels moments vas-tu retenir ?

Stéphane Madelaine : Je retiens l’accueil chaleureux de la municipalité de Saint-Jouin-Bruneval. Les élus attendaient visiblement de pied ferme le passage de l’AlterTour pour partager leur combat contre le port méthanier... et une choucroute de la mer locale. Je retiens aussi le weekend de repos à Domfront où Adèle et Tanguy avaient carrément organisé une fête. Plusieurs stands d’associations étaient réunis sur le site. La soirée festive a rassemblé 2 ou 300 personnes. Des associatifs m’ont confié que c’était la première fois qu’ils rencontraient les autres assos de la région. C’est aussi cela l’AlterTour : créer du lien sur son passage. Je retiens enfin la fin de soirée improvisée avec les joyeux muzicos du groupe les Quincailloux. Tant qu’on n’allait pas se coucher, ils jouaient. Tant qu’ils jouaient, nous restions. Vers 2 heures, les Quincailloux ont cédé de fatigue. Les AlterCyclistes sont vraiment des champions ! Et puis... il y a tout le reste.

Le Mague : Des débats ont aussi ponctué le parcours de l’AlterTour. Tu gardes lesquels en mémoire ?

Stéphane Madelaine : Je n’ai pas le droit d’oublier deux brillantes conférences. À Villerville avec Gilles-Eric Séralini, auteur d’ouvrages pédagogiques sur la microbiologie incluant les OGM. Je me suis délecté, allongé dans l’herbe, en me faisant masser les pieds. Du côté de Guignen, Nicolas Supiot nous a passionnément expliqué les recherches qu’il réalise seul sur les semences paysannes. Il est obligé d’inventer des protocoles d’expérimentations parce que plus aucune institution n’a gardé ces savoirs. Ses résultats sont précieux. C’est aussi ça, les alternatives concrètes : inventer et expérimenter ce que personne d’autre n’a exploré.

Le Mague : Une belle équipe d’altercyclistes a participé à l’édition 2009. De quels horizons politiques, syndicaux et associatifs viennent ces altermilitants ?

Stéphane Madelaine : Nous sommes tous plus ou moins partisans de l’industrie productiviste. Des amateurs de sports de compétition et plus précisément de sports mécaniques. Nous pensons que le bien-être collectif passe d’abord par l’esprit de concurrence : les hypermarchés sont la preuve flagrante que ça fonctionne. Nous pensons tous que pour nourrir la planète, il faut recourir à l’agriculture intensive et aux OGM. Les écologistes et autres objecteurs de croissances sont des rabat-joie.

Le Mague : Cette façon de militer me plaît bien. Aller au devant des expériences alternatives, au devant de gens et d’idées différentes mais convergentes me semble très enrichissant. En plus, il y a une belle cohérence entre la pensée et l’action. Nous sommes loin de « l’hélicologie » de certains donneurs de leçons... Penses-tu que ce type de militantisme va se développer ?

Stéphane Madelaine : Les militants de terrain, ce sont d’abord ceux que les Altercyclistes rencontrent. L’immense force de l’AlterTour est de les relier les uns aux autres tout en les mettant médiatiquement en lumière à son passage. Il joue aussi un rôle pédagogique interactif : tout le monde apprend de tout le monde : les accueillants, les altercyclistes, le public, les médias. Nous naviguons perpétuellement entre plusieurs rôles : les AlterVacanciers (la fête, les copains), les AlterMilitants (soutenir les actions des accueillants), et AlterApprenant (s’instruire tout le long du parcours). En « off », c’est moi qui ai inventé « l’hélicologiste » en parlant de Nicolas Hulot. Je n’étais pas encore militant. Le journal La Décroissance l’a repris dans un de mes courriels. J’en suis assez fier !

Le Mague : Dans certaines villes, l’AlterTour a été reçu par des élus de diverses tendances. Vous avez croisé des gens pas forcément en phase avec des sujets comme la décroissance. Comment se sont passés les rencontres. On ne vous prenait pas trop pour des illuminés ou, au mieux, pour des utopistes ?

Stéphane Madelaine : Je n’ai pas souvenir d’accueil glacial. Les accueillants nous attendaient toujours. Il faut quand même dire que je suis arrivé après le passage à Penly. La rencontre a été basée sur un malentendu qui a généré des tensions. Les AlterCyclistes n’étaient pas venu pour manifester, mais seulement pour se renseigner et discuter cordialement de l’EPR. Ce que n’avait pas compris la direction qui a fermé le centre d’information pendant le passage de l’AlterTour. Il faut dire qu’avec leurs maillots verts, les 40 AlterCyclistes, âgés de 7 à 77 ans (véridique), ont des allures de dangereux ultra-gauchistes-anarcho-terroristes. « Il y en a même qui n’ont pas de téléphone portable, pensez-vous ! » La préfecture ne s’y est pas trompée : elle nous a fait suivre par la gendarmerie pendant toute la traversé de la Seine-Maritime. Sait-on jamais, qu’il nous prenne brusquement l’envie de chevaucher nos AlterCyclettes pour aller à l’assaut d’une centrale nucléaire !

Le Mague : L’AlterTour est animé par des bénévoles partisans de l’autogestion. Comment ça se passait au sein du groupe dans la vie quotidienne, pour le partage des tâches ou les prises de décision ?

Stéphane Madelaine : J’ai envie de citer Claude Njiké-Bergeret dans Agis d’un seul cœur : « Chacun peut trouver une tâche en fonction de ses capacités. Tous nos travaux se font à la tâche. Nous savons qui a du travail, qui lance une campagne de culture maraîchères ou qui laboure son champ et, en fonction de ses capacités, de sa disponibilité, de ses besoins en argent ou en nature, chacun peut trouver une tâche dans le champ d’un voisin ou d’un ami, qui aura de fortes probabilités à son tour de travailler un jour chez celui qu’il l’emploi. » Cette année, les principaux z’organisateurs se sont concentrés sur les tâches qu’ils étaient seuls à pouvoir remplir (médias, inscriptions, coordination avec les accueillants). Pour le reste, ils ont lâché prise et nous ont fait entièrement confiance pour nous organiser. À partir du moment où personne n’est explicitement contraint, tout se fait naturellement. Ceux qui préfèrent faire la vaisselle ne se sentent pas obligés de réparer les vélos et inversement. Moi, mon rayon... ce serait plutôt le vélo. Hum ! Ambiance détendue, pas de timing rigide, pas de peur du vide spatio-temporaire. On adore ne rien faire ! Certes, tout n’est pas toujours rose. Alors, pour lever les éventuelles tensions et nous recentrer sur un fonctionnement commun, nous avons organisé quelques cercles de parole. Mathieu, le coordinateur de l’AlterTour mène depuis quelques années une expérience de vie en communauté avec des jeunes amis de Besançon. Certains étaient présents au début de l’AT. Ils font preuve d’une maturité et d’une richesse humaine dont nous ferions bien de nous inspirer. Chapeau bas.

Le Mague : L’AlterTour s’est terminé à Notre-Dame-des-Landes au cœur du Camp Action Climat. Ça ressemble à quoi un village autogéré ?

Stéphane Madelaine : J’en étais resté à l’image des festivals rock tels que les Eurocks de Belfort : Massive-Attack, Radiohead et Slayer, c’était quelque chose aussi ! Je m’attendais donc à ce genre d’ambiance, odeurs de fritures, sol imbibé de bières et jonché de gobelets et de festivaliers imbibés eux aussi. Rien de tel : un site hyper propre, des esprits sereins, une alimentation saine et bonne, des militants calmes et respectueux. Certes, nous n’étions pas si nombreux. N’étant arrivé que le dernier jour, je ne peux pas dire si ça a un rapport avec l’autogestion. En tout cas, après une semaine « ils » n’avaient pas l’air de se taper dessous !

Le Mague : Et maintenant ? Une altercycliste me disait au Havre qu’il y aurait pour elle un avant et un après AlterTour. Comment revient-on d’une telle vélorution ? Quelles leçons tire-t-on de cette vie communautaire nomade ?

Stéphane Madelaine : On en revient complètement à l’envers, mais les idées plus claires. Très bonne question, tu es un bon journaliste. En dehors de la dimension militante et pédagogique de l’AT, sa force repose sur l’itinérance, la vie en extérieur et la vie communautaire. Rien de tel pour réaliser que dans le quotidien nous avons tendance à nous enchaîner à des contraintes artificielles. « Moins de bien, plus de liens » dit le dicton ! La concrétisation de cette prise de conscience est très personnelle et intime. Suite à l’AT 2008, certains d’entre nous ont changé de vie. Il en sera peut-être de même pour 2009.

Le Mague : Carte blanche pour conclure. Si tu veux ajouter quelque chose, c’est le moment...

Stéphane Madelaine : Je voudrais spécialement remercier notre sponsor principal, Chuequa, fournisseur officiel en tentes deux secondes. Le best-seller des bivouacs ! Bon… Au lieu de perdre ton temps à interviewer des cyclistes en sandalettes, tu ferais mieux de préparer ton AlterCyclette pour l’AT 2010. Cette fois-ci n’oublie pas de ton casque et de t’inscrire...

Revivez l’événement sur Le journal de l’AlterTour 2009 (revue de presse, album photos, témoignages...).

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