Burkini : Nos grands-mères habillées au bain !

Burkini : Nos grands-mères habillées au bain !

Carole s’est vue refuser l’accès au bain de la piscine d’Émerainville, en Seine-et-Marne, parce que son maillot n’est pas aux normes occidentales.

Française de souche, et convertie à l’Islam, Carole s’est acheté un "burkini" à Dubaï, dans les Émirats Arabes Unis, afin d’allier plaisir du bain avec rigueur religieuse. Ce costume de bain, mis au point par une styliste australienne d’origine libanaise en 2007, couvre tout le corps de la femme, y compris la tête. Il est fabriqué en polyester, tout comme les maillots de bain modernes, à la seule différence que la surface de tissu permet encore plus de fantaisies à la créatrice de mode.

C’est seulement après avoir enfilé ce costume conforme aux standards islamiques les plus rigoureux que notre musulmane de fraîche date s’est vue en compagnie de ses enfants, interdire l’accès au bain. Elle avait pourtant demandé la permission, s’était même renseignée auprès de plusieurs piscines avant de s’y rendre. À vrai dire, c’est à la troisième fois que le maître-nageur, sans doute auparavant sermonné, lui a interdit de se baigner dans cette tenue. Question d’hygiène.

"Je comprends que ça puisse choquer", reconnaît Carole devant les journalistes du quotidien régional. "Surtout que nous sommes en France… Mais ce qui m’ennuie, c’est qu’on m’a fait comprendre qu’il s’agissait d’un problème politique". Elle souhaite porter le problème devant la justice, quelques semaines seulement après la sévère mise en garde de Nicolas Sarkozy à propos du voile intégral : "La burka n’est pas la bienvenue sur le territoire de la République française", a répété le chef de l’État devant les parlementaires réunis en congrès à Versailles le 22 juin dernier.

Pour le responsable des piscines du secteur, Yannick Decompois, "Il ne s’agit nullement d’un problème de laïcité, mais tout simplement d’hygiène, comme pour l’interdiction des shorts de bain", explique-t-il. "Cette dame peut sans problème venir voilée à la bibliothèque". À part se plonger dans la lecture, les plaisirs nautiques y sont tout de même limités. Pour autant, ce fonctionnaire territorial pourrait jeter un coup d’œil dans les livres d’histoire qui y sont remisés, pour se rendre compte que nos grands-mères et nos arrières grands-mères se sont baignées tout habillées.

Pour autant, les femmes de jadis, au début du XXème siècle, avaient elles aussi un sens aigu de l’hygiène. Il suffit pour s’en convaincre d’aller visiter les anciens lavoirs qui subsistent encore dans quelques localités rurales d’Ile-de-France, pas très loin d’Émerainville, donc. En ce qui concerne les plaisirs des bains de mer à l’époque, de relire un petit livre de Paul Morand confondant d’érotisme, conçu avant la guerre comme un charmant petit guide pratique des lieux de baignade sur le littoral européen. On y découvrira l’essentiel des fantasmes de nos arrière-grands-pères pour distinguer la peau blanche comme du lait à travers le tissu mouillé des costumes de bain de l’époque.

Le "burkini" est un vêtement moderne, dans des matières synthétiques identiques à celles des maillots de bain que nous portons. Pour Carole, il n’y a guère de différence entre les combinaisons polyuréthane que nos champions de natation ont porté aux championnats du monde à Rome, car elles couvrent également la plus grande partie du corps. Le bain est avant tout un loisir occidental, apparu au tournant du XXème siècle, et popularisé par les congés payés. Les populations musulmanes ont longtemps été tenues à l’écart de ce plaisir, comme elles le furent d’à peu près tous les progrès enregistrés dans les pays occidentaux et industrialisés.

Mais avant l’ère industrielle, des femmes se sont baignées avant la mode du bain. Ici le tableau peint par Louis-Léopold Robert (1784-1835), représentant deux baigneuses du début du XIXème siècle. L’œuvre est exposé au musée des Beaux-Arts de Nantes. La nudité des femmes, toujours très appréciée par les hommes, ne fut réellement acceptée que très tardivement, et petit à petit avec la libération des mœurs dans les années soixante-dix. Aujourd’hui, avec les jeans taille-basse, les tatoos sur les fesses et le piercing au nombril, la pudeur n’est plus de mise.

Et après le string, que reste-t-il à découvrir pour exciter nos sens ?