Londres dément la torture sans l’exclure

Londres dément la torture sans l'exclure

Des témoignages d’anciens prisonniers accusent les services de sécurité britanniques d’actes de torture lors d’interrogatoires musclés. Le gouvernement de Grande-Bretagne a démenti une éventuelle collusion de ses avec des services secrets étrangers pour le traitement des suspects de terrorisme détenus ailleurs que sur son territoire.

Ce démenti formel des ministres des Affaires étrangères David Miliband et de l’Intérieur Alan Johnson se sont élevés contre les allégations contenues dans le rapport parlementaire rendu public dimanche, et exprimant des inquiétudes concernant la coopération des services de sécurité britanniques avec leurs homologues étrangers. Ils ont exclu tout lien entre l’Intelligence Service avec des services secrets dans les pays où les suspects de terrorisme sont exposés à la torture.

"Tous les complots et les attaques les plus sérieux sur le Royaume-Uni ont un rapport évident avec l’étranger depuis une dizaine d’années", ont écrit les deux ministres britanniques dans le Sunday Telegraph. "Nos services doivent y collaborer avec leurs équivalents à l’étranger. Aussi devons-nous veiller attentivement à ne pas nous compromettre dans la torture ou les mauvais traitements".

L’Angleterre est devenue une cible privilégiée des attaques terroristes menées depuis l’étranger depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Le 7 juillet 2005, des bombes ont éclaté dans le réseau de transports publics de Londres, et les auteurs des attentats auraient reçu une formation au Pakistan pour perpétrer ces actes meurtriers, qui se sont soldés par la mort de 52 personnes.

La Grande-Bretagne a intensifié ses efforts en matière de renseignement, alors que l’opposition conservatrice pressait le gouvernement de Tony Blair de ne pas être assez persuasif dans les interrogatoires menés sur les prisonniers faits dans des pays où la coalition alliée s’est impliquée militairement. Les parlementaires du comité des Affaires étrangères ont émis dimanche un avis sur des liens étroits que l’Intelligence Service aurait entretenus avec l’Inter-Services Intelligence (ISI) du Pakistan.

"Si le Royaume-Uni doit, par nécessité, maintenir des rapports avec les services secrets pakistanais, nous éprouvons beaucoup d’intérêt pour les allégations selon lesquelles la nature des relations des officiers britanniques avec l’ISI ont pu les mener à devenir complices de tortures", ont présenté les députés britanniques dans leur rapport sur les droits de l’homme. Selon eux, continuer à utiliser les informations des services secrets étrangers qui ignorent les demandes britanniques passées en ce qui concerne l’arrêt des actes de torture sur les suspects pourrait constituer une collusion dans la torture elle-même.

"L’utilisation d’indices pouvant être régulièrement obtenus sous la torture, particulièrement dans les cas où demeure obscur que les protestations au sujet du traitement n’ont pas été suivies d’un quelconque changement du comportement de la part des services de renseignement étrangers, pourrait être interprété comme de la complicité d’un tel comportement", souligne le rapport parlementaire.

L’Attorney General Patricia Scotland estimait en mars dernier qu’il s’agissait là de raisons suffisantes pour lancer une enquête criminelle sur les accusations portées par le ressortissant britannique Binyam Mohamed, selon lesquelles des officiers du renseignement britannique se sont rendus complices des actes de torture qu’il a subis au Maroc avant d’être envoyé au camp de détention de Guantanamo. Le rapport du comité des Affaires étrangères se révèle conforme à celui du comité des droits de l’homme, rendu le 4 août, réclamant une enquête indépendante et complète au sujet d’éventuelles complicités britanniques dans la torture.

David Miliband et Alan Johnson ont signalé que la coopération de la Grande-Bretagne était parfois sujette à une appréciation fine, et avait été arrêtée dans certains cas parce que le risque de mauvais traitements s’est avéré trop important. "Si l’obtention d’informations de la part de prisonniers peut mener à des suspects, si les questions proposées pour être formulées aux prisonniers, ou si l’intervention directe de nos services sont exigées pour chercher à réduire au minimum, et si possible à éviter, le risque de mauvais traitements… il n’est pas possible d’éliminer tout risque" !

Les parlementaires ont estimé que la Grande-Bretagne devrait encore utiliser l’information obtenue par des services alliés, même obtenus sous la torture dans la mesure où elle est susceptible d’épargner des vies humaines. "Le gouvernement a le devoir d’employer l’information qui lui parvient, de quelque source qu’elle vienne et de quelque manière qu’elle soit obtenue, s’il pense qu’elle évitera les pertes humaines".