L’église catholique investit dans les contraceptifs

L'église catholique investit dans les contraceptifs

Pendant que le pape Benoît XVI part en croisade pour la paix et contre la contraception, un de ses établissements financiers investit dans des entreprises liées à la fabrication des armes de guerre, de cigarettes et de produits contraceptifs.

Le responsable de la Pax-Bank Winfried Hinzen a répondu dimanche matin en catastrophe aux questions de Dom Radio, une station de radio catholique allemande, concernant les actions détenues par son établissement financier chez le laboratoire pharmaceutique américain Wyeth, qui fabrique des pilules contraceptives (158.867 €), British American Tobacco et Imperial Tobacco (870.950 €), et BAE Systems (577.970 €). La banque, fondée par les prêtres catholiques en 1917, est le plus ancien établissement financier confessionnel d’Allemagne.

C’est l’hebdomadaire Der Spiegel qui a soulevé le lièvre : "Qu’une encyclique papale de 1968 rejette les moyens de contraception artificiels est manifestement apparu à la banque moins important qu’un rendement séduisant"… Et l’organe de presse de détailler les parts détenues par ce fonds ecclésiastique dont le siège se trouve à Cologne chez les producteurs de pilules contraceptives, l’industrie du tabac et les marchands d’armes. Son président, Christoph Berndorff, a confirmé l’information et fait dès samedi amende honorable : "Nous regrettons cela et corrigerons immédiatement l’erreur lundi, sans que les clients ne soient lésés".

Pax-Bank, qui se faisait fort jusqu’à dimanche sur son site Internet de se placer "sur les besoins et désirs spécifiques de ses clients ecclésiastiques", s’est tournée vers des investissements plus solides et d’un bon rapport après avoir subi une sévère déculottée avec la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, ce qui l’a tout récemment conduit à garantir à hauteur de 98% les 15 millions d’euros en chiffons de papier acquis par ses clients auprès de la banque d’affaires américaine. C’est donc tout récemment que l’établissement religieux a investi dans le laboratoire pharmaceutique Wyeth, en mars 2009. Mais il s’agit "d’une toute petite partie des revenus générés", plaide à la radio Winfried Hinzen.

En revanche, les activités de British American Tobacco et Imperial Tobacco sont bien identifiées, ainsi que celles de BAE Systems, qui fabrique des avions de combat et des sous-marins atomiques. Par rapport à l’ensemble de ces allégations, Winfried Hinzen a répondu : "À mon grand regret, oui" ! S’il s’attache à minimiser le rôle de sa banque dans les activités industrielles et l’aspect secondaire des activités contraceptives, le financier jette un voile pudique sur les motivations de l’institution. "Nous avançons qu’on ne devrait justement pas tout faire avec l’argent", explique-t-il. "Par conséquent, une fois encore : ce qui est allé de travers, on ne peut que le regretter sincèrement".

Le scandale est important en Allemagne, où les églises et l’État marchent de concert pour la promotion d’une éthique des affaires publiques et privées. Il n’existe pas de séparation formelle entre les faits religieux et politique, et les églises reçoivent des subventions publiques. Les Allemands relèvent dans cette affaire un double langage pratiqué par les institutions, qui est à remettre dans le contexte de la crise financière. Là encore, le libéralisme en prend un sacré coup dans l’aile !

C’est avec un certain cynisme inhérent à l’humour anglais que le Financial Times Deutschland commente cette histoire. "Du rendement en toute bonne foi" ! Les gérants de fonds d’investissement éthiques ou écologiques font la promotion de leurs affaires avec de tels slogans, ce qui revient à dire : "Gagner de l’argent sans se salir les mains". Mais il est difficile de tenir de telles conditions, comme l’illustre la Pax-Bank catholique. Investir dans des affaires qui contreviennent à sa propre éthique est un fait très exagéré par l’opinion publique — comprendre la presse.

Ce cas montre bien les faiblesses dont sont sujets les concepts d’investissement éthiques. Ils ont deux types de fonctionnement. Avec les critères d’exclusion ou de valorisation, soit de refuser tout investissement dans des activités potentiellement en contradiction avec leurs règles éthiques, ou placer de l’argent dans des activités qui concordent avec celles-ci. Quoi qu’il en soit, les critères de sélection rendent en fin de compte toute gestion de portefeuille acrobatique. "Celui qui veut gagner de l’argent, doit s’y attendre".