La question raciale ressurgit aux États-Unis

La question raciale ressurgit aux États-Unis

Barack Obama s’est trouvé confronté à la question raciale aux États-Unis. Un vif débat prend forme à propos de l’arrestation du professeur d’université Henry Louis Gates, spécialiste de l’histoire des tensions raciales à Harvard et citoyen américain de race noire.

le premier président noir des États-Unis a déclaré mercredi que la police avait agi "stupidement" en arrêtant une éminente personnalité noire de l’Université de Harvard devant son propre domicile, engendrant une discussion venimeuse à propos du traitement des minorités par des officiers de police. Barack Obama, qui s’est exprimé sur ce cas au cours d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, reconnaît ne pas avoir tous les éléments en main pour trancher sur l’arrestation la semaine dernière du professeur d’université de race noire devant chez lui.

Henry Louis Gates, un éminent spécialiste de la question raciale aux États-Unis, de qui Barack Obama prétend être l’ami, a été amené au poste de police pour une présomption de troubles sur la voie publique à Cambridge, Massachusetts, après une altercation avec un policier de race blanche alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui. Les charges qui ont pesé au sujet de sa conduite ont rapidement été abandonnées. "Je ne sais pas — n’ayant pas été là et n’ayant pas vu la chose — quel rôle a joué sa couleur de peau, mais je pense qu’il est juste de signaler, en premier lieu, que n’importe lequel d’entre nous en serait assez fâché", a déclaré le président.

"Deuxièmement, la police a agi stupidement fait en arrêtant quelqu’un alors qu’il était prouvé qu’il était dans sa propre maison". Barack Obama en a profité pour préciser qu’il y a aux États-Unis "une longue histoire" de ciblage disproportionné des noirs et des hispaniques par la police. L’incident s’est produit après qu’une femme a signalé à la police de Cambridge qu’un homme essayait de pénétrer par la force dans la maison. Le président a plaisanté en soulignant qu’il n’avait plus guère le loisir de tripoter la serrure de son domicile actuel — la Maison-Blanche — "J’essuierai des coups de feu" !

Son intervention sur la question raciale aux États-Unis a été ressentie comme un événement marquant depuis la prise de fonction en janvier 2009 du premier président américain de race noire, et souligne combien le problème est resté vivace en dépit des avancées en matière de droits civiques et même de son élection à la présidence des États-Unis. "Hélas, le clivage racial est toujours présent, il est toujours très fort", relève le professeur en sciences politiques de l’Université de Boston. "Je pense qu’il a tenté de montrer à une majorité de non-minoritaires ce qu’il en est quand on est noir ou latino" !

Un certain nombre d’Américains du Massachusetts signalent qu’il a franchi une ligne de fracture en portant un jugement sur la police tout en reconnaissant il n’avait pas connaissance de tous les faits. Des sondages en ligne sur Internet indiquent un important soutien pour l’officier de police blanc. Un syndicat de policiers a également pris sa défense. "Il devrait rester en dehors de ça s’il n’a pas connaissance de tous les faits", prévient Patricia Lynch, 49 ans, consultante et diplômée de la Harvard’s Kennedy School of Government en sortant d’un café de Boston. "Pour chaque cas en particulier, vous devez seulement vous en tenir aux faits de ce cas particulier".

L’arrestation de Henry Louis Gates a suscité une forte émotion nationale, et les faits ne sont pas totalement éclaircis. Le professeur interpellé y voit la persistance d’une discrimination, ou profilage racial, même dans une des villes les plus libérales des États-Unis. La police prétend qu’il a été arrêté le jeudi de la semaine dernière pour "disorderly conduct", ce qui correspond en France aux troubles ou à la rébellion à dépositaire de l’autorité publique. Elle l’accuse de ne pas s’être montré coopératif, de refuser de présenter ses papiers et de "s’être comporté de façon intempestive et véhémente" en criant à plusieurs reprises à l’attention du policier devant témoins.

Henry Louis Gates, 58 ans, directeur du Harvard’s WEB Du Bois Institute for African & African American Research, est une éminence culturelle aux États-Unis, vu comme l’un des "25 Américains les plus influents" cités par Time Magazine en 1997. Il est l’ami de Barack Obama et d’autres célébrités noires comme Oprah Winfrey. "C’est le président des États-Unis", a déclaré le sergent James Crowley à la radio, l’officier qui a constaté les faits. "Je soutiens le président sur un point, et je trouve décevant qu’il se commette dans une affaire locale".

Les problèmes ont commencé quand une femme a signalé à la police qu’un homme tentait de forcer l’entrée de la maison. Henry Louis Gates a déclaré qu’il n’arrivait plus à ouvrir la porte de son domicile à son retour de voyage en Chine, car elle était endommagée. L’altercation s’est produite avec le sergent James Crowley, dont il exige des excuses, ce que l’officier de police estime ne pas avoir à faire. L’affaire a retourné l’opinion et le démocrate Patrick Deval, premier gouverneur noir de l’État du Massachusetts depuis 2006. Il se déclare "vraiment bouleversé" par cette arrestation.