Licenciements massifs mal vus aux États-Unis

Licenciements massifs mal vus aux États-Unis

Beaucoup d’entreprises ont aussi réduit les coûts de main d’œuvre aux États-Unis de façon radicale et sans états d’âme pour modérer les effets de la crise économique, mais elles se rendent compte des inconvénients de coupes sombres dans leur personnel au moment où elles vont avoir besoin de toutes leurs forces vives pour redresser la tête au moment de l’embellie.

"Si vous taillez assez loin dans la chair, ensuite vous allez trouver l’os", fait valoir David Rosenberg, économiste en chef chez Gluskin Sheff à Toronto. "La réduction des coûts n’est pas un puits sans fond". Les licenciements sont le prélude au gel des dépenses, à l’arrêt des investissements, aux budgets en équilibre ou même positif sur les fournitures de bureau, qui prouvent la pertinence de l’adage selon lequel "un penny sauvé est un penny gagné".

Un certain nombre de sociétés ont publié des résultats inattendus au premier trimestre parce que leurs budgets agressifs ont amorti les effets de leurs ventes en baisse plus qu’ils ne les ont compensés. Pour David Rosenberg, 40% de ces entreprises ont atteint la limite supérieure de leurs espérances avec ces derniers résultats. Pendant que l’on observe les résultats du dernier exercice partiel dans les deux prochaines semaines, d’autres entreprises envisagent de recommencer, alors que certaines d’entre elles l’ont déjà fait.

Aux États-Unis, le meilleur exemple a été jusqu’ici General Electric, publiant des résultats inespérés en dépit d’une baisse du chiffre d’affaires plus importante encore qu’elle n’avait été redoutée. Les raisons principales en sont la réduction des coûts et une fiscalité à son détriment. Et les investisseurs ne croient pas à la qualité et la viabilité de tels résultats, ce qui a fait retomber le cours de l’action GE de plus de 5% dès vendredi dernier.

Un autre exemple est donné par les résultats de Yum Brands, qui possède les chaînes de restauration rapide Pizza Hut et KFC, qui a dépassé aussi toutes les prévisions de bénéfices, tout en restant en deçà des attentes du point de vue du chiffre d’affaires. Le cours de l’action a perdu 8%. Mattel a enregistré un sursaut de 82% pour son bénéfice trimestriel, l’effet des licenciements étant bien supérieur à la baisse des ventes. Le marché a cependant été encouragé par la capacité des fabricants de jouets à moduler le volet social et l’action est montée de 7%.

"Jusqu’à présent, la moisson est bonne, mais il faudrait la voir comme un sac fourre-tout", fait valoir Peter Boockvar, chez Miller Tabak & Co à New York. "Ça montre que les sociétés sont capables de réduire les coûts, mais les chiffres d’affaires médiocres prouvent que nous sommes toujours dans un environnement économique difficile". Si réduire les coûts de main d’œuvre permet aux entreprises de faire front face à la récession, des universitaires et des économistes avertissent des inconvénients que ces mesures posent à leur capacité à se développer et à emporter des parts de marché.

"Si vous réduisez trop, vous serez ensuite très mal placé quand viendra la reprise", explique Russell Walker, professeur en gestion des risques à la Kellogg School of Management. D’autres insistent sur l’impact de ces licenciements sur l’épargne et un moindre accès au crédit des Américains. Les suppressions d’emploi soulagent les comptes des entreprises, mais presque un demi-million d’Américains a pris le chemin du bureau d’embauche au mois de juin. La baisse des prix du logement a ralenti aux États-Unis, mais le marché n’est toujours pas en équilibre, les ventes de biens immobiliers chutant encore de 4,9% au mois de juin.

"Rien ne prouve que vous pouvez revenir à une situation bénéficiaire en réduisant seulement les coûts", explique David Rosenberg, prévenant de l’effet boule de neige des licenciements massifs. "Quand tous les secteurs d’activité s’y mettent, ça finit par se ressentir dans la consommation des ménages" ! Fariborz Ghadar, professeur en finances au Penn State’s Smeal College of Business, indique de nombreux pièges à long terme dans l’obsession à réduire les coûts.

Une gestion toute à l’économie peut conduire à une pénurie de cadres moyens à moyen terme, et les coupes dans les dépenses de recherche et développement peuvent miner la capacité d’une entreprise à prospérer et de gagner des parts de marché. "Du point de vue des ressources humaines, de la recherche et développement et des produits, vous pouvez vous trouver devant une canalisation soudain complètement vide", présente Fariborz Ghadar, "Et quand vient la reprise, il vous faut payer plus cher les gens que vous recherchez alors que vous avez perdu la confiance de votre équipe".

Bien peu, finalement, justifient cette obsession des coûts de main d’œuvre, ou l’explique par une récession durable : "Quelques entreprises sont moins disposées à réduire leur capacité parce qu’elles supposent qu’il y aura un rétablissement", signale Peter Schiff, président d’Euro Pacific Capital, "Mais beaucoup de gens ne réalisent pas que ce n’est pas une récession provisoire : c’est un état permanent" !