2 cadres de la Deutsche Bank virés pour espionnage

2 cadres de la Deutsche Bank virés pour espionnage

La Deutsche Bank AG s’est séparée de deux cadres supérieurs après une enquête interne pour déterminer si l’entreprise a effectivement procédé à une surveillance de membres de son personnel. Le cas est explosif en Allemagne, un pays par ailleurs aux prises avec le problème que posent les anciens agents de la Stasi dans l’administration d’un pays réunifié.

Ces licenciements interviennent après que le parquet a ouvert à Francfort une enquête préliminaire pour déterminer si la Deutsche Bank ou ses hauts fonctionnaires ont violé la vie privée d’un actionnaire par des moyens frauduleux d’espionnage. L’autorité de régulation financière et celle qui protège la vie privée sont également sur les dents. Le départ de ces deux cadres supérieurs est une conséquence de l’enquête interne de la banque après les révélations en mai dernier de telles activités en son sein.

L’enquête a été menée par le cabinet d’avocats Cleary Gottlieb Steen & Hamilton et s’est concentrée sur quatre incidents de 2001 à 2007, lorsque la banque s’est mise en relations avec des enquêteurs privés pour surveiller des personnes en affaires avec elle. Des personnes ont été plus particulièrement visées, Gerald Herrmann, un ancien membre conseil de surveillance suspect de détournement d’informations et Michael Bohndorf, un actionnaire actif et virulent qui a critiqué l’établissement financier, Leo Kirch, un propriétaire d’organes de presse influent, et Hermann-Josef Lamberti, directeur opérationnel de la banque.

Une des questions a été pour la Deutsche Bank de trouver le lien entre ces quatre personnes. Leo Kirch avait attaqué la banque pour des commentaires d’un de ses directeurs, qu’il estime préjudiciables à ses sociétés. La version finale du rapport de l’enquête est attendu sous deux semaines, mais d’ores et déjà, la Deutsche Bank s’est séparée de Rafael Schenz, directeur de la sécurité de l’établissement, déjà suspendu au mois de mai, et Wolfram Schmitt, directeur des relations avec les investisseurs.

"Nous allons faire un commentaire sur les résultats de l’enquête diligentée par la banque et tout changement d’organisation opérationnelle une fois que nous aurons les conclusions de l’enquête, et continuons à coopérer avec les autorités que nous avons informées à ce sujet", a déclaré un porte-parole de la Deutsche Bank. Selon ses dires, tous les incidents se sont produits de manière isolée, de sorte qu’on ne pouvait conclure à un programme d’espionnage systématique pour collecter des informations sur les cadres dirigeants ou les adversaires de la banque. Par ailleurs, ils n’ont pas affecté les données de la clientèle.

Pour le moment, ces problèmes à la Deutsche Bank semblent être plus limités que d’autres scandales d’espionnage privé, par exemple celui qui a eu lieu chez Hewlett-Packard en 2006. L’entreprise avait déployé tout un système frauduleux pour mettre la main sur des informations à caractère privé, comme les conversations téléphoniques de membres du conseil, de journalistes et des employés. L’affaire a eu pour conséquence la démission de la présidente de Hewlett-Packard, Patricia Dunn, et de cadres exécutifs.

Mais la présente affaire a déjà fait pas mal de vagues en Allemagne, où la protection de l’intimité est farouchement sauvegardée eût égard à l’interventionnisme policier des régimes dictatoriaux qui ont sévi dans ce pays. Le départ des deux cadres dirigeants de la Deutsche Bank ne résoud toutefois pas son problème, puisque des investigations des pouvoirs publics sont également en cours. Les agents de l’office pour la protection de la vie privée a fait remonter des informations au procureur, lesquelles caractérisent une violation de l’intimité des personnes visées par l’activité d’espionnage supposée de la banque.

L’enquête préliminaire doit prendre encore plusieurs semaines avant qu’une décision ne soit prise dessus d’ouvrir une instruction. L’affaire qui touche la Deutsche Bank arrive après des histoires du même acabit chez Deutsche Telekom et Deutsche Bahn. L’an dernier, Deutsche Telekom devait admettre qu’elle pistait des milliers d’appels téléphoniques passés par les membres de son comité consultatif, avec l’aide d’enquêteurs privés, dans le but de trouver l’origine d’informations retrouvées dans les médias.

C’est pourquoi la banque a-t-elle immédiatement diligenté une enquête interne, et l’a confiée à une structure indépendante, en accord avec son directeur exécutif, Josef Ackermann. En 2001, les enquêteurs ont remarqué une surveillance sur la personne de Gerald Herrmann, à qui la banque a dû faire des excuses. Les incidents de 2006 et 2007 ont eu d’autres cibles.

En ce qui concerne Hermann-Josef Lamberti, la banque a fait appel à des détectives privés pour qu’ils s’enquièrent d’éventuelles mesures de sécurité spécifiques ailleurs que dans son bureau. Ceux-ci ont par exemple envoyé un bouquet de fleurs avec un microphone à l’intérieur pour savoir s’il s’en rendrait compte.