Montreuil : Entre répression et mensonges de l’AFP

Montreuil : Entre répression et mensonges de l'AFP

Une violente expulsion à Montreuil se solde par des blessures irréversibles. Police et médias n’ont pas fini de baver.

Les lieux. Depuis le 28 janvier 2009, une ancienne clinique de Montreuil (Seine-Saint-Denis), vide depuis des années, était occupée à la Croix de Chavaux. Pendant des mois, ce lieu a abrité une vingtaine de personnes. Sorte de centre social alternatif, La Clinique proposait diverses activités (projections de films, cantines, radios de rue, kermesses...).

Les faits. Le 8 juillet, à 6 heures du matin, plus de deux cents policiers accompagnés du RAID et d’un huissier ont délogé les habitants. Après contrôles d’identité, les fenêtres et les portes ont été murées. Des vigiles et des chiens ont ensuite monté la garde. En riposte, une énorme cantine s’est ouverte dès 19 heures à l’entrée de la rue piétonne. Près de 5000 gnocchis roulés à la main étaient prêts pour un festin. Quelques banderoles sur les façades, La Klinik fait bloc, Pour chaque expulsion. Réoccupons… Quelques tracts, des prises de parole, des feux d’artifice.

Pas de quoi affoler la maréchaussée. Pourtant, à la surprise générale, les flics lourdement équipés se sont mis à charger l’attroupement et à tirer dans le tas au flashball. Panique. Le dispositif policier avait pris en tenaille la place du marché. Plusieurs personnes ont été arrêtées pendant la charge. Cinq personnes ont été atteintes par des tirs de Flash-Ball, toutes au-dessus du torse. Parmi elles, Joachim Gatti s’est relevé avec trois fractures au visage. Paupière arrachée, globe oculaire fendu en deux, son œil ne reverra jamais plus.

Après les « bavures » policières, celles de l’AFP, l’Agence France Presse que l’on peut rebaptiser pour l’occasion Agence France Police. Le vendredi 10 juillet, à 15h01, une dépêche titrait : « Un jeune squatter perd un œil après un affrontement avec la police ». Selon de prétendues sources concordantes (en fait totalement policières), l’AFP assurait qu’un « jeune homme d’une vingtaine d’années, qui occupait, avec d’autres personnes, un squatt évacué mercredi à Montreuil (Seine-Saint-Denis), a perdu un œil après un affrontement avec la police. Le jeune homme, Joachim Gatti, faisait partie d’un groupe d’une quinzaine de squatters qui avaient été expulsés mercredi matin des locaux d’une ancienne clinique. »

En fait, ces « sources concordantes » concordent bien peu avec la réalité. Joachim Gatti, acteur et réalisateur, fils de Stéphane Gatti et petit-fils d’Armand Gatti n’était pas un squatter de La Clinique. Enfin, il n’a pas perdu son œil « après un affrontement avec la police », mais après avoir été pris pour cible par un flic armé d’un Flash-Ball. « "Nous avons bien eu connaissance qu’un jeune homme a perdu son œil mais pour le moment il n’y a pas de lien établi de manière certaine entre la perte de l’œil et le tir de Flash-Ball", a déclaré vendredi la préfecture à l’AFP. » Bravo l’AFP, la voix de son maître ! Bravo aux médias collabos qui se sont empressés de reprendre les dépêches sans vérifier leur véracité.

À ceux qui seraient tentés d’habiller Joachim Gatti avec de beaux habits « d’ultra-autonomes » désormais bien commodes pour justifier l’injustifiable, nous conseillons la lecture de la lettre ouverte de Stéphane Gatti, le père de Joachim. « Faut-il rétablir la vérité sur l’identité de Joachim Gatti ne serait-ce que pour révéler la manipulation des identités à laquelle se livre la police pour justifier ses actes, comme s’il y avait un public ciblé sur lequel on pouvait tirer légitimement ? Joachim n’a pas 20 ans, mais 34 ans. Il n’habitait pas au squat, mais il participait activement aux nombreuses activités de La Clinique Il est cameraman. Il fabrique des expositions et réalise des films. Le premier film qu’il a réalisé s’appelle "Magume".

"Il l’a réalisé dans un séminaire au Burundi sur la question du génocide. Aujourd’hui, il participe à la réalisation d’un projet dans deux foyers Emmaüs dans un cadre collectif. On devrait pouvoir réécrire le faux produit par l’AFP en leur réclamant de le publier. Il serait écrit : Joachim Gatti, un réalisateur de 34 ans a reçu une balle de flashball en plein visage alors qu’il manifestait pour soutenir des squatteurs expulsés. Il a perdu un œil du fait de la brutalité policière."

Une brutalité qui s’installe... Une nouvelle manifestation était organisée à Montreuil le 13 juillet pour dénoncer les violences policières. Une nouvelle fois, la police s’est montrée démesurément agressive. Matraquages, gaz lacrymogènes… tirs de Flash-Ball ont visé les membres et sympathisants de La Clinique, les voisins solidaires et déterminés à ne pas se laisser voler la rue par les forces de désordre.

Un message de Joachim Gatti a été lu aux manifestants : « Ce soir-là, c’est bien nos gueules qu’ils visaient, c’est bien nos gueules qu’ils voulaient casser. Cinq d’entre nous ont été blessés et moi j’ai perdu mon œil. Mais il m’en reste un. Et avec lui, une haine sourde et méchante. Et avec lui, une détermination à continuer. » Œil pour œil...

Note d’humour noir en ces temps incertains. Dans son empressement, la maison Poulaga a mis Adrien Morin, journaliste stagiaire du Monde, en garde-à-vue lors de la manifestation du 13 juillet. Voilà au moins un futur journaliste qui saura qu’il faut toujours se méfier de la police !

Le blog de La Clinique

Pour lire l’intégralité de la Lettre ouverte de Stéphane Gatti, le père de Joachim Gatti.

Le site de La Parole errante, centre international de création où travaille la grande famille Gatti.

Le témoignage d’Adrien Morin, journaliste stagiaire au Monde arrêté par erreur par la police.