L’âme damnée du VietNam s’efface

L'âme damnée du VietNam s'efface

L’ancien secrétaire de la Défense Robert McNamara est mort lundi à l’âge de 93 ans. Son nom est généralement cité à cause de l’influence qu’il a eue dans l’intervention américaine au VietNam. "Son âge l’a finalement rattrapé", précise son épouse Diana : "Il n’était pas malade. Il est mort en paix dans son sommeil".

Robert McNamara a eu aussi une brillante carrière dans l’industrie et la finance internationales, mais le souvenir douloureux qu’on lui doit demeure la guerre du VietNam. Plus que n’importe qui, hormis peut-être le Président Lyndon Johnson, Robert McNamara est devenue la cible des critiques pacifistes et le symbole d’une politique militariste désastreuse où 58.000 jeunes américains sont morts, et où la nation américaine s’est embourbée dans un entêtement catastrophique contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les opposants ont appelé l’engagement américain au VietNam McNamara’s War. Avec ses cheveux tirés en arrière et ses verres de lunettes sans monture, Robert McNamara est devenu un visage familier pour tous les Américains qui attendaient beaucoup d’une équipe formée "des meilleurs et des plus brillants" que le Président John Kennedy a rassemblé autour de lui pour l’aider dans sa tâche à la Maison-Blanche. Il a dû se retirer du gouvernement en 1968 sous la pression de Lyndon Johnson. Assumant mal sa part de responsabilité, Robert McNamara a ensuite critiqué le bombardement du Nord-Vietnam par les États-Unis.

Il a passé le reste de sa vie à tenter d’expliquer le rôle des États-Unis au VietNam, réitérant ses excuses pour les erreurs qu’il a faites, et il est devenu le sujet d’un film documentaire à succès, The Fog of War, récompensé par un Academy Award. Au cours de cette réalisation, il s’explique sur un processus décisionnel difficile pendant le conflit du VietNam et son rôle au Pentagone dans la crise des missiles à Cuba. Mais il est aussi devenu l’un des Whiz Kids, qui ont revitalisé Ford Motor après la deuxième guerre mondiale et a fini sa carrière comme président de la Banque Mondiale.

Aussi bien comme secrétaire à la Défense, que dans les autres fonctions qu’il a occupées, Robert McNamara a fait forte impression par son dynamisme et une mémoire phénoménale pour engranger les statistiques, ainsi qu’une facilité à appréhender les événements et à réagir rapidement. Robert McNamara a été appelé au Pentagone par John F. Kennedy en 1961 et a servi ces fonctions plus longtemps que n’importe qui d’autre. Il a mis ses qualités à l’organisation à contribution pour moderniser l’administration militaire pendant la guerre froide. Mais le VietNam est assez vite devenu son cheval de bataille, car il a conçu l’engagement militaire américain comme un moyen d’endiguer le communisme.

Theodore White, dans son livre The Making of the President 1968, explique que Robert McNamara cherchait en coulisses à éviter que les États-Unis ne s’engagent dans une guerre, et demandait à ce que la question soit portée au vote du Congrès. John Kennedy a autorisé l’augmentation des effectifs militaires petit à petit jusqu’à sa mort en 1963, et Lyndon Johnson a cédé aux pressions des généraux et s’est laissé entraîner dans un engagement d’importance qui s’est soldé par l’envoi de 500.000 hommes au VietNam.

Robert McNamara, convaincu la guerre pouvait être liquidée pour Noël 1965, a jeté toutes ses forces dans l’application des directives présidentielles, mais il a mal jaugé la résistance à l’intervention au VietNam et aux États-Unis. Fin 1967, il a critiqué la décision de bombarder le Nord-Vietnam à cause des conséquences néfastes sur un soutien dont les États-Unis n’ont plus du tout bénéficié au sud. Des documents du Pentagone classés secret défense ont filtré dans les colonnes du journal américain The New York Times.

Henry Trewhitt a écrit que Robert McNamara a commandé une étude destinée à aider les générations futures à éviter les erreurs faites au Vietnam par des hommes aussi intelligents et bien intentionnés que lui-même. "Quand son contenu a été diffusé dans la presse, sa satisfaction à voir son action mise au net a cependant été occultée par le choc de constater que les deux administrations ont employé des moyens mensongers pour poursuivre la guerre".

Robert McNamara se serait alors écrié : "Mon Dieu, faites que quelqu’un pense que j’aurais autorisé ça, si des gens raisonnables pouvaient en conclure que je suis un menteur" ? Robert McNamara s’est marié avec Margaret Craig, étudiante avec lui à l’Université de Californie (UCLA), dont il a eu un fils et une fille. Longtemps après son décès d’un cancer, il épouse à 88 ans une amie d’enfance d’origine italienne, Diana Masieri Byfield.