Petits trafics pour survivre en Corée du Nord

Petits trafics pour survivre en Corée du Nord

Les Coréens du Nord récemment réfugiés dans le Sud vivent dans un monde de contradictions, et si leur éducation leur inspire de la vénération pour Kim Jong-il, une vie quotidienne difficile les amène à le voir encore plus despotique qu’il ne doit être.

En fin de compte, ils affirment que la Corée du Nord se développe en spirales successives et hors de tout contrôle, son économie à deux vitesse rend les gens soupçonneux les uns envers les autres à cause d’un réseau de délation. Ils parlent aussi de ce qui paraît normal au nord, et qui ne l’est pas dans le sud. La plupart se bat pour accéder à une vie meilleure, mais ils ne sont pas certains d’en trouver le chemin dans un système capitaliste concurrentiel.

Les témoignages concordent pour dresser un tableau en demi-teinte de la vie en Corée du Nord, grâce à une succession d’impressions que livrent les réfugiés récemment installés en Corée du Sud. Leurs témoignages demeurent cependant toujours anonymes en raison des représailles et des persécutions qui pourraient frapper la famille et les parents restés à la maison. Au nord en revanche, le back-out est total en ce qui concerne la plus anodine des informations.

C’est un crime politique de parler de la famille du dirigeant suprême Kim Jong-il, mais beaucoup de réfugiés se rendent probablement compte que son plus jeune fils Kim Jong-un va probablement succéder à son père. La plupart des Coréens du nord n’ont aucune idée de Kim Jong-il, 67 ans, dont la santé est devenue chancelante l’année, et qui a trois fils. "À Pyong Yang, vous lui êtes reconnaissants de pérenniser la politique du pays", présente un réfugié, ajoutant qu’il sait que Kim Jong-il a deux filles et un fils, dont le nom est Jong-nam.

Il s’agit en réalité du plus vieux des trois fils connus de Kim Jong-il, réputé pour être tombé en disgrâce il y a plusieurs années après avoir été arrêté en tentant d’entrer au Japon avec un faux passeport. "Je ne peux pas dire que Kim Jong-il est mauvais", explique un autre réfugié, "Ce sont les gens qui écrivent sur lui qui ne font pas bien leur travail". Elle admet toutefois que les chiffres de la production agricole sont falsifiés "pour ne pas porter atteinte à l’intérêt général".

De nombreux réfugiés appellent toujours Kim Jong-il le Général, comme il leur a été enseigné par la propagande officielle, mais s’impliquent, au moins partiellement, dans ce culte de la personnalité soigneusement mis en œuvre. Ils pensent qu’il veille tard dans la nuit pour consacrer sa vie entière au bien commun. "C’est vrai qu’il s’est tellement sacrifié pour les gens", reconnaît un réfugié. "C’est pourquoi le Général a beaucoup vieilli".

La Corée du Nord est le pays le plus militarisé du monde par rapport à la population totale. L’armée d’active est constituée par plus de 1,1 million d’hommes. Le service militaire est obligatoire et peut aller jusqu’à 10 ans. Mais ces forces armées doivent tout faire pour rester invincibles, comme l’attestent les médias officiels, mais les réfugiés sont prompts à donner du crédit à cette armée mal équipée.

"Quand je la regarde, l’armée que je vois aurait fort à faire pour fuir le combat", concède un réfugié. "Mais peut-être la véritable armée, celle qui est destinée à la guerre, est cantonnée ailleurs"… Un moral médiocre et la corruption des militaires sont tellement répandus qu’il pourrait s’agir de la norme plutôt que l’exception. Des soldats perçoivent des redevances illicites de la part des marchands chinois qui franchissent la frontière.

"Nous avons coutume de dire qu’il y a un problème si vous n’arrivez pas à vous faire un capital après 10 ans de service à la frontière pour rentrer à la maison, vous marier et fonder une famille". En dépit des efforts des autorités pour empêcher toute influence étrangère, il n’existe pas de secrets en Corée du Nord, hormis en ce qui concerne les questions politiques. Les feuilletons sud-coréens sont le divertissement populaire des premières parties de soirée pour ceux qui ont la chance de posséder une antenne parabolique ou d’accéder aux DVD.

Mais la police fait la chasse aux films étrangers, qui sont interdits, et réduit souvent l’alimentation électrique pour un bloc d’immeubles et met en prison le moindre individu pris avec un DVD sur lui. "Le soir, nous modifions l’orientation de la parabole pour la tourner un peu plus vers la Chine", admet un réfugié, "de sorte que la famille puisse capter un certain nombre de feuilletons sud-coréens diffusés par des stations de télévision dans le Yanbian et dans la province de Jilin, frontalière avec la Chine".

L’approvisionnement alimentaire s’est un peu amélioré en deux ans, à cause des conditions météorologiques, mais il est toujours difficile de manger à sa faim. "Même l’année dernière, il y a eu une campagne dans la province de Kangwon pour passer à deux repas par jour", explique un réfugié. "Les soldats avaient parfois juste trois pommes de terre tous les jours". Il existe pourtant une économie de marché de marché dynamique au niveau local en Corée du Nord grâce aux biens de consommation fabriqués en Chine.

Des parcelles privées sont de plus en plus souvent utilisées pour nourrir les membres de la famille. L’économie contrôlée par l’État s’est effondrée et les marchandises que les gens devraient recevoir du gouvernement communiste ont souvent été vendues au marché noir. "Les gens ont appris à vivre par eux-mêmes", raconte un réfugié. "La capacité des Coréens du Nord à être autonomes est devenue beaucoup plus forte".

La situation alimente un mécontentement chez certains, qui constatent la dégradation des conditions de vie entre le règne de Kim Il-sung, mort en 1994, et de celui de Kim Jong-il. Les gens regrettent le fondateur de la Corée du Nord, et se demandent "Pourquoi devrions-nous payer avec son fils" ?