Les Chinois remplacent les Américains en Irak

Les Chinois remplacent les Américains en Irak

Le retrait des forces armées américaines des grands centres urbains de l’Irak ne s’est pas passé aussi bien que prévu, une série d’attentats meurtriers ont rappelé les années de guerre qui ont suivi l’intervention de 2003 contre le régime de Saddam Hussein. Et derrière une retraite américaine insatisfaisante se profilent les appétits chinois pour le pétrole irakien.

Le gouvernement irakien a de nouveau trébuché mardi dans son effort toujours repoussé de trouver de meilleurs revenus pour ses gisements de pétrole. Avec la persistance de l’insécurité et de la corruption, il a largement failli dans sa perspective de susciter des offres lucratives de la part d’une douzaine d’entreprises pétrolières internationales lors d’une enchère publique.

En supplément aux cérémonies du jour, retransmises à la télévision nationale, le gouvernement s’est attelé à confier l’exploitation des six gisements de pétrole gigantesques et de deux gisements de gaz, une affaire qui ne s’est pas avérée aussi simple qu’elle devrait l’être. Le plus gros contrat a été attribué à un consortium de BP et de China National Petroleum Corporation pour le plus grand champ pétrolifère en jeu : Rumaila, près de la ville méridionale de Bassora, dont la capacité est de 17 milliards de barils.

L’enchère, considérée par le gouvernement irakien comme étape importante pour cette jeune démocratie, est organisée le même jour que la date limite du départ des troupes de combat américaines des villes irakiennes. C’est la tentative la plus significative d’ouvrir l’industrie pétrolière aux appétits étrangers, puisqu’elle a été nationalisée par Saddam Hussein en 1972. C’est aussi le point fort d’un programme destiné à augmenter la production de pétrole à 4 millions à de barils par jour en moins de 5 ans, le niveau quotidien actuel stagnant à 2.4 millions de barils.

Mais au lieu de crouler sous une cascade d’argent comptant émise depuis les pays étrangers pour consolider une économie qui végète, les résultats de l’enchère ont montré un Irak isolé par des années d’autarcie économique, et le Ministère du Pétrole n’a pas réussi à faire valoir les aspects positifs de son offre. "Ces compagnies veulent gagner autant argent qu’elles le peuvent, aussi ont-elles fait des offres au plus bas", se désole au cours d’une conférence de presse Hussein al-Shahristani, un ministre pourtant rompu aux problèmes pétroliers de son pays.

"Pourtant, je leur ai envoyé un message selon lequel il existe des gens en Irak pour protèger les richesses de l’Irak" ! Les experts ont cependant observé un succès dans cet événement, compte tenu des circonstances politiques et l’expectative sur la façon dont l’Irak est capable de moderniser son industrie pétrolière sans être plus conciliant avec les sociétés internationales. "Il était réussi dans le sens où le ministère du Pétrole a fixé un prix et dit, c’est à prendre ou à laisser, mais n’a pas confié les gisements de pétrole aux compagnies à n’importe quel prix", souligne Ruba Husari, rédacteur d’un site Internet irakien qui couvre les affaires pétrolières du pays.

L’Irak possède environ 10% des réserves de pétrole brut dans le monde, mais son réseau d’oléoducs et toute l’infrastructure sont vieillissants, alors que plusieurs de ses gisements les plus productifs sont souillés par de l’eau à cause de leur mauvaise gestion, et ne peuvent plus produire autant de pétrole qu’ils l’ont fait par le passé. Selon des journalistes admis à observer et commenter l’enchère, le premier round du gisement de Rumaila a calé quand Exxon Mobil et un consortium de BP et Chine National Petroleum ont proposé plus que les 2 dollars du baril au-dessus d’un niveau minimum garanti de production.

Exxon a envisagé une production de 3,1 millions de barils par jour avec chaque baril supplémentaire à 4,80 dollars. Le consortium réalisé avec BP, qui a gagné par la suite, a indiqué qu’il produirait 2,85 millions de barils un jour pour 3,99 dollars. Actuellement, le gisement produit un million de barils par jour environ. Il n’y a pas eu d’offre mardi pour un gisement de gaz moins intéressant à Mansuriya dans la province de Diyala, sujette à de violents troubles. Un groupe mené par ConocoPhillips a fait une proposition pour le gisement de pétrole de Bai Hassan dans la province de Kirkouk, mais Hussein al-Shahristani l’a déclinée, la trouvant trop faible par rapport aux souhaits de son ministère.

La semaine dernière, Sinopec, géant du raffinage en Chine, a offert 7,22 milliards de dollars pour acheter Addax Petroleum, une compagnie à la fois suisse et canadienne avec une exploitation dans la région du Kurdistan irakien et en Afrique de l’Ouest. Si les actionnaires et les régulateurs canadiens de la société approuvent cette offre, ce que recommande la direction exécutive de Addax, ce serait la plus grande acquisition en outre-mer pour l’approvisionnement énergétique de la Chine.

Le gouvernement irakien à l’origine a essayé l’année dernière d’attribuer ses gisements de pétrole aux compagnies occidentales selon un processus qui n’a pas abouti. Il en est résulté objections d’un groupe de sénateurs des États-Unis, qui ont souhaité plus de transparence, et le programme initial a été remplacé par l’enchère, ce qui a eu pour effet de laisser les compagnies chinoises jouer un rôle beaucoup plus grand.