Nanterre se terre sous les tours de La Défense

Nanterre se terre sous les tours de La Défense

Il y a bien longtemps que la banlieue ressemble à ce que craignait Jacques Dutronc, et si les pavillons fleuris sont bel et bien en voie d’extinction, les gens qui y vivent de plus en plus nombreux souhaitent préserver un certain art de vivre à l’ombre des tours et des barres d’immeubles qui détériorent leur cadre de vie.

C’est le sens qu’ont voulu donner les responsables des associations de la ville de Nanterre, à leurs protestations concernant l’aménagement du territoire de cette commune des Hauts-de-Seine. Le quartier d’affaires de La Défense s’étend en effet sur les villes environnantes comme une hydre aux tentacules dévorants. "Nous voyons l’opération d’urbanisme Seine-Arche tantôt comme une menace", avertit Bernard Perraudin, "tantôt comme une opportunité".

C’est aussi parce que l’établissement public (EPAD) destiné à organiser la mutation de la ville de Nanterre affiche un déficit de plus de 150 millions d’euros que les habitants craignent un aménagement des lieux au détriment de leurs souhaits. À cause de ses ennuis de gestion, le président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, exprime l’intention de fusionner cet établissement public avec celui de la Seine-Arche, privant les élus locaux de tout droit de regard sur les réalisations programmées.

"Bien des choses ont déjà changé, mais bien des attentes des habitants restent encore à l’état d’espoirs et de vœux", se désole Robert Benassi, au fait de son action pour Mieux vivre au Petit-Nanterre. "Nous aimerions que les projets de rénovation urbaine et sociale deviennent une réalité, une fois éteints les lampions des inaugurations". Déjà certains, comme Michel Champesme qui s’exprime pour Naturellement Nanterre, déplore pour la cité sa "densification sans nouveaux moyens de transports.

Car le projet des élus départementaux apparaît moins soucieux des attentes de la population que de celui de modifier la sociologie électorale de la ville de Nanterre, aux mains des communistes depuis avant la deuxième guerre mondiale : "ce n’est pas un jeu, et que la politique de la ville n’a rien à voir avec la politique politicienne", s’offusque Michel Parent, du Groupe d’Actions et de Propositions. Et de souligner qu’"Il y a suffisamment de place entre Paris et Le Havre pour ne pas tout concentrer près de Paris".

Dans les projets à l’étude comme pour leur réalisation, "Nous espérons de l’Etat plus de réalisme", explique Bernard Perraudin, qui défend Acri-Liberté. "Nous lui demandons aussi d’abandonner son imaginaire d’immeubles de grande-hauteur, d’oublier la Défense et de regarder Nanterre, de prendre référence sur des opérations plus équilibrées". Le renchérissement prévisible du mètre carré, comme la légitime ambition des élus de droite et du préfet Pascal Lelarge, de faire disparaître une tache rouge sur le cadastre départemental ne laisse pas de désespérer les petites gens.

"Les habitants du quartier Université ne peuvent qu’être opposés au choix ouvertement avancé dans le rapport Lelarge de construire des logements plus chers, ce qui équivaut à réserver Nanterre à la classe riche", s’exclame Hugo Ferraz, de l’association Unis Vers Cités. "Ils contestent aussi le choix, quasi-exclusif, de donner la priorité aux sièges sociaux de grandes multinationales. C’est un facteur de nouveaux déséquilibres en termes d’accès à l’emploi et de saturation des transports".

Cadre de vie, transports, commerces, autant de sujets de préoccupation pour les habitants de Nanterre, qui se voient pour la plupart condamnés à se conformer à la délicieuse injonction de François Guizot en 1840 : "Enrichissez-vous" ! Les Nanterriens se soucient donc du déséquilibre des projets d’aménagement, comme de leur réalisation effective : "Nous constatons une offre peu diversifiée, les banques et les restaurants dominant largement", constate Bernard Perraudin. Alors que Michel Mathys qui préside l’Association des Habitants du Secteur pavillonnaire Berthelot-Pascal préfère "pour le cœur de quartier, une orientation du pôle commercial vers des commerces de proximité et des enseignes complémentaires de celles qui existent aux Quatre Temps".

C’est pourquoi ressurgit la question de "La libération en surface d’espaces, par l’enfouissement de l’A86", une arlésienne que soulève Robert Benassi, et dont Le MAGue s’est déjà fait l’écho, car il "permettrait de désenclaver les quartiers du Petit Nanterre, de l’Université et du Petit Colombes". Justement, fait valoir Robert Benassi, "La programmation du tramway, limiterait la voiture, faciliterait les déplacements, l’accès à la formation, à l’emploi, à la culture, aux commerces et aux loisirs".

Et de rappeler que "Celui-ci est annoncé, mais il faut accélérer et préciser le projet. Aujourd’hui il semble que le tracé envisagé ferait passer le tramway sous terre au pont de Rouen, en laissant l’autoroute A86 à l’air libre" ! Mais avant de s’occuper de commodités supplémentaires pour les habitants de Nanterre, il convient d’en modifier l’électorat. En raison du trou dans la caisse de l’établissement public (EPAD), le ciel peut attendre, car les services du maire certifient qu’"Aujourd’hui nous avons la certitude que ces objectifs ne seront pas atteints".