Eric Bernard sur les Grandes Traversées

Eric Bernard sur les Grandes Traversées

« Eric éclectique / Eric électrique » (Dick Annegarn). Eric Bernard est un homme branché sur une pile solaire. Il nous raconte son aventure de « How do you are » à Bordeaux jusqu’à « How do you are beach » et son installation dans le Médoc, ainsi que les incidences sur son enthousiasme et son engagement pour toutes les nouvelles formes artistique de créations planétaires des grandes Traversées entre les deux rives de la Gironde.

Le Mague : Quel est le bilan des grandes Traversées de cet hiver à la Base sous-marine ?

Eric Bernard : L’édition 2008 à la Base sous-Marine représente pour nous un virage phare. Cette une édition dont on se sort du festival Novart (festival danse théâtre musique à Bordeaux). C’est une édition que nous produisons seul, au bout de 7 ans de parcours à Bordeaux où on est complètement autonome. Avec un moment très difficile au niveau communication qui est le 31 décembre, moment d’autant plus difficile puisque nous avons décidé de travailler avec un artiste qui est complètement inconnu en France. On demande de mobiliser l’attention du public à un moment où il a envie de faire autre chose où il a l’habitude de surtout ne rien faire à Bordeaux. Les 30 et 31 décembre représentent un cumul de handicap qui fait que l’idée la plus incongrue doit être la meilleure si tentée qu’elle soit réussie. On part avec aucune certitude du public et des médias, avec une nouvelle équipe et surtout un nouveau projet, avec un artiste qui est beaucoup plus qu’un danseur chorégraphe. Jared Gradinger est transdisciplinaire. Il interpelle toutes les disciplines et propose un projet de changement d’une ville. Bilan 10.000 personnes ! La une de Sud-Ouest qui dit : "Bordeaux capitale des arts urbains". On sort de cette édition renforcé, plus grand, plus en autonomie en se disant qu’on a créé une marque : les grandes Traversées.

Le Mague : Toujours plus fort et toujours plus risqué, pourquoi à présent baser les grandes traversées dans le fin fond du Médoc et à Royan ?

Eric Bernard : L’idée vient d’abord du fait que la famille a déménagé, lassée de la difficulté de vivre à Bordeaux avec des enfants. Les parcs sont peu nombreux, peu accessibles et ferment tôt. C’est une ville qui n’aime pas les enfants, ça se sent bien. Ca peut paraître étrange, mais pour moi c’est une ville qui ne me nourrit pas. Je ne vais pas au spectacle à Bordeaux, je n’achète ni mes disques ni mes livres à Bordeaux. On a voulu partir. Le hasard de l’amitié nos a fait découvrir la Pointe du Médoc il y trois ans et un petit bout de terrain à acheter où on a créé une maison de vacances informelle et assez maladroite. Le château de ma mère ! Le premier retour après l’été a été très difficile. Les enfants ne supportaient plus la ville. On s’est demandé, pourquoi on ne reste pas au Lucat ? Et le second été, on a décidé de ne plus repartir. C’est une maison que l’on a construite de nos mains. D’abord dans un projet d’économie et dans un projet d’éthique. Une application de là où nous vivons avec la famille.

Quand Paloma est arrivée, avec le garçon et les deux parents, on s’est retrouvé à quatre, selon le concept d’une famille. On s’est dit avec Virginie, la maison que nous allons habité, le nid, on va le faire nous même. Comme on n’a rien a faire n’est-ce pas (sourire), on a créé notre petite maison d’été, toute petite à peine 25 m2. On y a vécu un an dedans. Après on a lancé la construction de la grande maison dans laquelle on vit aujourd’hui au Lucat. C’est une partie assez perdue de Saint-Vivien du Médoc dans une forêt et on s’y est installé tout au fond. Nos seuls voisins sont les chevreuils et les sangliers. Nos enfants se sont retrouvés de l’appartement haussmannien bordelais à la forêt à grimper dans les arbres. Et puis, il y a eu un facteur très important qui a été l’école. Parce que Paul-Helios mon fils, est un garçon extrêmement sensible et a très mal vécu sa première année de CP à Bordeaux. Lors de la seconde année d’école primaire à Saint-Vivien où on a rencontré Marie Laure son enseignante. Marie-Laure, je pense, a sauvé une partie de l’éducation de mon fils. C’est quelqu’un qui lui a donné le goût d’apprendre et l’envie d’aller dans une école de proximité. C’est l’époque aussi où ma fille Paloma rentre à l’école et rencontre un instit incroyable avec Couki le singe !

Le Mague : O l’autre tu connais la marionnette Couki, c’est un aminche !

Eric Bernard : Ces deux enseignants qui ont plus nos enfants dans la journée que nous-mêmes ont cimenté notre désir d’être là. On était rassuré. Les enfants y sont bien, on y est bien. On va rester là et créer notre maison de famille là. Tout ça nous donne le désir de s’implanter. On a eu très peur de la solitude au fin fond du Médoc. Et très très vite, on a rencontré des gens formidables et notre solitude n’a jamais existé. De cette appellation du territoire, on s’est dit : pourquoi ne pas essayer d’apporter une partie de notre savoir faire, en dépit de Bordeaux. On a essayé de beaucoup travailler avec le Conseil Général, avec les communes. Mes premiers rendez-vous avec les maires ça n’a pas été simple. Je demande un rendez vous et ils ne viennent pas ou ils partent en plein milieu. Ca été très difficile. Et puis un jour, on a reçu un coup de fil historique. Véronique Willmann qui est chargée de la Culture à Royan m’appelle et me dit : je vous connais très bien, je veux que l’on se rencontre. Nouveau mandat, nouvelle mairie avec le maire Didier Quentin. Je lui parle de notre projet elle me dit : je suis très frustrée à chaque fois que je veux venir voir les grandes Traversées à Bordeaux, c’est toujours complet. Comment on peut faire pour travailler ensemble ? Je lui parle du projet en Médoc, elle n’en savait rien et elle me dit : si on le montait ensemble.

Le Mague : Mais du rêve à la réalité, quel est le chemin parcouru ?

Eric Bernard : Ce rêve arrive, il y a un estuaire, on va essayer de le rassembler. On commence à faire des dizaines, des centaines de réunions jusqu’au jour où on réussit à avoir autour de la table les deux régions, un sénateur, un député et on se dit : pourquoi ne pas essayer, pourquoi ne pas le faire ? Tu connais notre désir de travailler et notre désir d’entreprendre. On a un enthousiasme incroyable et à chaque fois on met tout sur la table. A chaque fois on recommence pour aller toujours plus loin. Donc, d’un petit projet du bout du Médoc, ça devient un grand projet du début des terres, interrégional avec des nouveaux publics de nouvelles formes artistiques, avec un engagement incroyable. C’est très péremptoire, parce qu’en même temps, imaginez ça ici, il faudrait deux siècles de décentralisation avant de se dire on pourrait peut-être l’imaginer. Une fois de plus, on bouscule tout en se disant il ne faut pas l’imaginer, il faut le faire. On a ce désir de faire plutôt que de se demander comment faire. Ce qui est important c’est ce qu’on fait plutôt que la manière dont on le fait. Il faut aller voir les associations de chasseurs, les écoles danse, il faut aller voir le député, le maire, le ministre. Il faut que ça se mette en mouvement. Moi je ne veux pas être dans la théorie du complot ou du chaos, mais il n’empêche pour aujourd’hui, la transformation, les changements, c’est nous tous dans notre périphérie. Donc, il n’y a rien à attendre de l’état providence, encore moins aujourd’hui qu’hier mais il faut être acteur dans cette transformation. En huit mois, là où il nous aurait fallu deux ans, on monte le projet. C’est le moment aussi où on se dit à propos de Jared Gradinger, ce garçon est tellement prolixe, il a tellement de choses à dire, qu’il faut continuer l’aventure ? How do you are part one se crêt et après c’est le How do you are beach, avec ce jeu de mot formidable (rire), et puis cela existe et c’est parti !

Ici la seconde partie de l’interview d’Eric Bernard.