L’industrie du luxe se met au "low-cost" aussi

L'industrie du luxe se met au "low-cost" aussi

L’élevage en propre de crocodiles est l’une des idées nouvelles pour baisser le coût des matières premières. Nos industriels du luxe redoublent d’efforts pour améliorer les approvisionnements de leurs produits, les coûts de main d’œuvre et d’expertise avec le ralentissement économique mondial.

En effet, la conjoncture économique empêche le secteur de l’industrie du luxe, dont les marges sont pourtant élevées, d’augmenter ses prix. Un certain nombre d’acteurs économiques se concentrent sur des initiatives originales pour leurs approvisionnements en contrôlant mieux leurs coûts. "Dans le marché actuel, quand quelque chose est vraiment cher, cela ne signifie pas que c’est forcément meilleur ; ça signifie seulement qu’il est mal optimisé", explique Jonathan Adler, créateur basé aux États-Unis à l’occasion du salon Global Luxury & Retail de New York la semaine dernière.

Tandis que le groupe de luxe français Hermès élève ses propres crocodiles dans des fermes en Australie pour satisfaire aux besoins de la maroquinerie de luxe, Jonathan Adler vise des pays comme le Pérou, le Vietnam, l’Inde et la Chine pour acheter les matières premières qu’il utilise, comme les textiles et la poterie. "Je pense que la Chine n’est plus ce qu’elle était ; et je puis le dire, puisque je suis potier, et de Chine est la dénomination commune de la porcelaine"… Mais Edgar Huber, président de Juicy Couture, une marque achetée par Liz Claiborne, se met en quête d’autres lieux de production ailleurs qu’en Chine, parce que les salaires sont à la hausse dans l’atelier du monde.

L’horloger suisse Parmigiani Fleurier a également s’occupe également de comprimer les coûts de sa main-d’œuvre : "le travail est la chose la plus chère en ce qui nous concerne", déclare Jean-Marc Jacot. "Si vous devez supprimer des emplois, cela prend ensuite trois-quatre ans pour remettre une équipe en route" ! Le constructeur automobile de luxe britannique Rolls Royce, aux mains de BMW, estime avoir de la chance de pouvoir retenir son personnel depuis qu’il a congédié le personnel intérimaire en novembre 2008, signale à Londres son président Tom Purves.

"Et depuis, nous avons conservé tout le monde (des artisans) parce que nous savons que nous avons besoin d’eux avec le Ghost à venir, et aussi parce que nous savons qu’ils fortement sont habiles et très qualifiés, ainsi vaut-il beaucoup bien mieux pour nous de les retenir", fait-il valoir. Pendant qu’il fait monter la pression avant de dévoiler son nouveau modèle Ghost en septembre, l’entreprise basée dans le Sussex a conservé tous ses artisans malgré la chute mondiale des ventes de voitures.

Si le problème de la main d’œuvre est un des principaux soucis des industriels du luxe, Patrick Thomas, le président de Hermès, a souligné que le facteur limitant de sa société reste dans l’approvisionnement des matières premières, comme les peaux exotiques et singulières. "C’est très difficile d’obtenir les matières premières… Le cachemire est déjà un problème important", convient-il à Paris. Les vendeurs de produits de luxe ont été mis au pied du mur par un double défi avec la crise économique mondiale, car certains de leurs précédents fournisseurs ont fait faillite alors que leur clientèle aisée devient économe.

"Ce n’est pas facile de changer de fournisseurs… et ce fut un problème ces six derniers mois", indique le directeur général italien de Fashion Yachts, Fabrizio Politi. "Si un fournisseur est menacé de faillite, l’entreprise perd du temps à essayer d’acheter les matériaux elle-même, ce qui implique du retard dans la construction des yachts", fait valoir Fabrizio Politi, dont l’entreprise utilise la feuille d’or et la peau de crocodile pour les intérieurs de ses navires. "Nous avons un problème pour trouver du savoir-faire. Une bonne société avec des problèmes financiers peut demander des avances ou peut-être sommes-nous dans l’obligation d’appeler directement son fournisseur".

Des géants du luxe ont déclaré qu’ils aideraient leurs fournisseurs réguliers à rester à la surface plutôt que d’avoir à leur trouver des remplaçants. Bien que l’Anglais Rolls Royce soit détenu par l’Allemand BMW, le constructeur automobile se satisfait d’un nombre restreint de fournisseurs, et ceux-ci sont également affectés par les périodes difficiles. "On ne peut pas dire que nous ne sommes pas touchés par les changements dans l’économie", explique Tom Purves : "même si nous ne prenons qu’une petite part du marché, pendant que l’essentiel se traite avec General Motors ou Chrysler, alors bien sûr, nous sommes touchés" !

"Nous avons pu gérer jusqu’à présent, et ma bonne fortune me signale de ne pas trop me réjouir de ça. C’est une période très difficile pour des fournisseurs d’automobile", plaide-t-il : "certaines entreprises spécialisées avec lesquelles nous travaillons sont très touchées. Qu’on soit très grand ou très petit, tout le monde est dans cette situation critique".