Hadopi ? Sarkozy s’en fiche un peu !

Hadopi ? Sarkozy s'en fiche un peu !

Les internautes fêtent la censure de la loi Création et Internet par le Conseil Constitutionnel, qui joue ainsi le rôle de garant des libertés… C’est Nicolas Sarkozy qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, a résumé le député Patrick Bloche, un des plus virulents détracteurs de la loi. Pas sûr, puisque l’objectif politique du projet est sans doute atteint.

Le Conseil constitutionnel a censuré les pouvoirs de sanction de l’autorité créée pour lutter contre le piratage sur Internet, infligeant un camouflet à Nicolas Sarkozy et aux artistes qui l’ont soutenu. De fait, les sages ont tué la loi Hadopi avant même sa mise en œuvre, infligeant à ses concepteurs un camouflet de taille. Ils ont également, et c’est une décision historique, conféré à Internet le statut de droit fondamental, dont on ne peut priver les citoyens qu’en cas de force majeure. Ce qui devrait influer sur les projets de filtrage du Web agités depuis quelque temps.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler au passage le peu de soutien dont dispose le chef de l’État dans la docte assemblée, qui compte parmi ses membres les plus favorables aux idées de droite, des personnages comme Jean-Louis Debré, Jacques Chirac, Guy Canivet, Renaud Denoix de Saint-Marc… Mais ils montrent cependant une grande réserve à l’égard de la personne de Nicolas Sarkozy. Les signataires de la décision du Conseil Constitutionnel ont donc trouvé fort à propos dans les arguments des internautes mobilisés pour faire échouer Hadopi beaucoup de raisons pour apparaître en garants des libertés individuelles. C’est d’ailleurs leur rôle.

L’opposition de gauche pavoise et n’a pas manqué de rappeler à Christine Albanel la menace qu’elle a lancée de remettre sa démission en cas d’échec du projet de loi. La ministre de la Culture a regretté dans un communiqué ne pas pouvoir aller jusqu’au bout de la logique de dépénalisation du comportement des internautes en confiant à une autorité non judiciaire toutes les étapes — y compris le prononcé de la sanction — du processus. Mais elle a annoncé que le volet préventif serait mis en place dès l’automne avec l’envoi des premiers avertissements.

Le député Franck Riester, rapporteur du texte Hadopi pour l’UMP, a estimé que le Conseil Constitutionnel avait même renforcé le caractère dissuasif du dispositif : ça va renforcer le caractère pédagogique de la loi parce que la sanction sera plus dissuasive ; ça impressionne plus que la sanction soit prononcée par un juge. De son côté, Jean-François Copé envisage une nouvelle loi afin de faire plier les réticences à l’usure : nous nous plierons à ce qu’a souhaité le Conseil constitutionnel ; nous ferons en sorte, par une nouvelle loi, que ces dispositions puissent être conformes à notre Constitution, a déclaré le chef du groupe parlementaire UMP en prenant la parole dans l’hémicycle.

Avec une parfaite mauvaise foi, les séides du gouvernement présentent la décision du Conseil Constitutionnel comme une régression par rapport à la loi qu’ils ont votée en notant que les sages ont souhaité que la sanction soit aggravée, que ce soit une judiciarisation et non pas une décision administrative. Une chose est sûre : les lenteurs de la machine judiciaire ne vont pas permettre une application diligente d’une loi en effet vidée de sa substance. Mais qu’on ne s’y trompe pas, les difficultés soulevées par les détracteurs du texte originel en matière de financement et d’application n’étaient pas la préoccupation du pouvoir exécutif.

Les producteurs de disques indépendants, regroupés au sein de l’Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants (UPFI), se sont dits consternés par la décision du Conseil Constitutionnel : selon nous, celle loi n’a plus aucun intérêt. Ils demandent maintenant au gouvernement de proposer rapidement au Parlement une modification de la loi Création et Internet afin de pouvoir confier au juge le prononcé de la sanction de la coupure d’accès. Chacun garde en mémoire les efforts de Nicolas Sarkozy pour s’allier les faveurs des artistes et des ayants-droit au détriment de ses détracteurs socialistes… L’opération de séduction a fonctionné au mieux, laissant la fracture béante à la veille des élections européennes.

Quant au texte de loi, personne ne s’y trompe, il ne sera pas le premier à prendre la poussière sur le bureau d’un conseiller ministériel chargé de pondre les décrets d’application. Et Christine Albanel, mise à mal par le feuilleton livré chaque jour à un public médusé en ce qui concerne les épisodes toujours plus malencontreux du vote de la loi, fournit à Nicolas Sarkozy l’occasion de faire plaisir à un autre obligé lors du prochain remaniement ministériel.

 

 


La loi n’est pas passée en lésant des artistes,
Ils n’ont pas pu sauver ainsi leur profession
Et vivront sans toucher un sou de la passion
Qui les anime encore avec des gens autistes.

Et nos élus du peuple ont là l’air de flûtistes
Devant leurs partitions touchant l’aberration,
Ils vont s’asseoir encore et brasser la potion,
Chacun pourra railler les adroits concertistes.

Hormis les beaux parleurs évitant les piquets
Avec assez d’aplomb pour laisser les roquets
Devant la niche et sans donner le mot défaite.

On ne sait pas non plus quand cela peut finir,
Pour les contradicteurs, la faveur est parfaite,
Inhumant ce qui rend l’air sombre à l’avenir !