La théorie du complot s’empare du vol AF-447

La théorie du complot s'empare du vol AF-447

La disparition quasi instantanée de l’Airbus A330 d’Air France au milieu de l’Atlantique a engendré pas mal d’interrogations dans les médias et sur Internet, que les difficultés rencontrées par les autorités à résoudre le mystère de cet accident rarissime à notre époque ont fait enfler dans des proportions qui commencent à créer un certain malaise.

Tous les jours, des dizaines d’avions à réaction traversent l’Atlantique dans tous les sens et traversent la zone du pot-au-noir où les contrôleurs aériens ont perdu la trace du vol AF-447 dans la nuit de lundi à mardi. Ces voyages transatlantiques se déroulent sans histoire, et tout le monde arrive à bon port dans la plupart des cas. Ce ne le fut pas toujours, comme en témoignent les récits pleins de romantisme épique d’Antoine de Saint-Exupéry. Les premiers courriers aériens des temps héroïques de l’Aéropostale éprouvaient en effet une grande appréhension à traverser l’immensité océanique, jusqu’à ce que Jean Mermoz disparaisse le 7 décembre 1936 à bord de la Croix-du-Sud après 24 traversées.

Les aéronefs ont fait d’énormes progrès en matière de propulsion comme en ce qui concerne la sécurité. Le transport aérien est à l’heure actuelle considéré comme le moyen le plus rapide et le plus sûr de se rendre d’un point à un autre de la planète. Pour autant, les mesures de sécurité préconisées par l’administration de l’Aviation civile sont loin d’être appliquées à la lettre, comme en témoigne le site d’information Bakchich mercredi : Air France est particulièrement exposée aux risques aériens du fait des particularités de son réseau, de l’architecture de sa base principale et enfin de son histoire récente, fait-il savoir en citant un rapport d’audit établi en juin 2006 par la Direction générale des Opérations aériennes.

La compagnie nationale est-elle à mettre dans le même panier que les transporteurs aériens low-cost ? De nombreux incidents émaillent l’histoire sociale d’une entreprise qui s’est hissée au niveau des géants du transport aérien au fil du temps, au prix cependant d’une gestion drastique des coûts et des effectifs. Il est loin le temps où le touriste français avait l’impression de respirer l’air du pays juste en apercevant un bureau de la compagnie à l’étranger… Les hésitations des porte-parole d’Air France et des différentes autorités en jeu à la suite de la disparition du vol AF-447 quelque part entre Rio et Paris n’ont pas arrangé les choses.

La communication des professionnels de l’aéronautique a d’abord insinué le doute dans l’esprit du public. Jongler avec les fuseaux horaires, les heures locales et le temps universel n’est pas une opération courante pour ceux qui se déplacent d’habitude sur des distances relativement courtes. Quand l’appareil a-t-il réellement disparu ? Pourquoi la couverture radar n’est-elle pas uniforme et universelle ? Que font les satellites qui tournoient en nombre autour de la Terre ? Autant de questions appellent les explications alambiquées des professionnels de la profession… L’hypothèse d’un attentat a ensuite été longuement évoquée, pour être abandonnée soudainement.

Après la bonne surprise de la découverte de débris supposés de l’appareil disparu par les forces aériennes brésiliennes, experts et responsables politiques prévoient une enquête longue et difficile, que les boîtes noires de l’Airbus A330 soient ou non retrouvées. Ces enregistreurs, qui émettent pendant 30 jours un signal détectable à un kilomètre, pourraient reposer à des milliers de mètres de fond. Je ne suis pas d’un optimisme total, on ne peut pas exclure qu’on ne retrouve pas les enregistreurs, a dit mercredi le président du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA), chargé d’éclaircir les causes de la catastrophe. On a bien retrouvé l’épave du Titanic, non ?

Les conditions du naufrage soulèvent aussi beaucoup de questions demeurées sans réponse à une époque où la science est réputée tout expliquer dans l’esprit du commun. Le premier bâtiment de la marine brésilienne pourrait arriver mercredi à 23H00 heure de Paris sur les lieux, à 1.200 Km au nord-est de la ville brésilienne de Recife. Un avion radar brésilien a repéré mercredi de nouveaux débris, dont une pièce métallique de sept mètres de diamètre, et une nappe de kérosène de 20 Km, à 90 Km au sud de la première zone. Mardi, des pièces métalliques, des sièges d’avion, une bouée orange et des traces de kérosène ont été repérés par un avion brésilien. Mais la présence de carburant à la surface de la mer ne colle pas avec l’hypothèse selon laquelle l’avion aurait été pulvérisé par la foudre. Des experts expliquent par ailleurs que les avions sont désormais conçus pour encaisser de tels phénomènes naturels.

Pour finir, la précipitation avec laquelle des cérémonies funèbres ont été organisées contrastent avec la retenue des autorités à faire l’aveu d’une catastrophe. Le frère de l’un des passagers de l’Airbus A330 d’Air France, a jugé inopportune la messe œcuménique en hommage aux victimes à Notre-Dame de Paris mercredi : cette cérémonie est complètement prématurée dans la mesure où l’on n’a pas de réponses concrètes, dit-il, les familles n’ont pas le temps de faire un deuil interne. Saura-t-on un jour pourquoi le vol AF-447 a disparu ? Est-il du devoir des pouvoirs publics de nous l’apprendre ?