Les méthodes de la police racistes par nature ?

Les méthodes de la police racistes par nature ?

Une étude américaine établit que le profilage ethnique est non seulement inefficace, mais désastreux pour empêcher les actes de terrorisme. Le ciblage de minorités ethnique n’aurait pas plus conduit à l’arrestation de terroristes. Les résultats pourraient avoir de grandes conséquences à tous les niveaux sur les investigations des services de police.

Suite à l’attaque aérienne du 11septembre 2001 sur les tours du World Trade Center et sa revendication par les radicaux musulmans menés par Oussama Ben Laden, la tentation a été grande d’orienter les enquêtes de police en direction de certains groupes ethniques ou raciaux, en dépit des polémiques suscitées dans le monde entier. Si le bon sens invite à imaginer que ceux-ci pourraient abriter des individus susceptibles de se prêter à l’action directe et violente, la plupart des cours de justice aux États-Unis estime qu’arrêter les personnes en raison de leur aspect, de leur religion, ou de leur appartenance est illégal.

En Europe, la situation est plus fluctuante du point de vue légal. À plusieurs reprises, l’exploitation de données, les vagues d’arrestations et la discrimination systématique au niveau local ont visé des groupes ethniques et religieux spécifiques afin de prévenir d’éventuels attentats. Dans une étude publiée mardi, Open Society Institute estime que ce profilage racial des musulmans est surtout un modèle de relations publiques conçu pour rassurer les populations juste après une vague d’attentats. L’organisation à l’origine de cette étude est un groupe de réflexion financé par le milliardaire américain George Soros pour la promotion de la démocratie.

Ainsi, l’agitation policière qui a succédé à l’explosion de bombes en 2006 dans les autobus et le métro à Londres, a conduit à l’annonce d’arrestations et de contrôles par les pouvoirs publics dans les mosquées ou des quartiers à forte population musulmane. Cette gesticulation, en dépit des bavures, a donné au public l’impression que la police agissait pour garantir sa sécurité. Le rapport publié par Open Society Institute, intitulé Ethnic Profiling in the European Union, ou profilage ethnique dans l’union européenne, conclut que ce ciblage est inefficace et contre-productif, établissant que les recherches et les arrestations n’ont eu aucune conséquence en matière pénale et peu d’effet sur la prévention du terrorisme.

Dans le même temps, le ciblage de communautés spécifiques a conduit à stigmatiser les minorités visées, en leur donnant un sentiment croissant de marginalisation. Paradoxalement, les manifestations de profilage ethnique ou racial ont diminué au cours du temps. C’est pour partie le fait qu’il n’y a pas eu d’acte important de terrorisme récemment, explique Rachel Neild, l’une des auteurs de l’étude et responsable du service justice chez Open Society Institute. Mais une des raisons pour lesquelles nous nous sentons toujours concernés est que le ralentissement du profilage ethnique n’est pas en rapport avec ses conséquences dans l’opinion publique.

Effectuer des rafles est la plupart du temps la meilleure manière de gérer des ressources limitées en matière de forces de l’ordre. Le rapport examine aussi les faits comparables aux États-Unis pour établir qu’une telle stratégie est vouée à l’échec. En réalité, la police sait qu’elle n’est pas efficace, déclare Rachel Neild. Si la contestation d’un tel ciblage se fonde sur les atteintes aux droits de l’homme et des libertés individuelles, elle n’a pas non plus grand-chose à proposer… Mais une autre étude de l’association a fait le bilan d’un an et demi de recherches sur des arrestations effectuées par la police en Espagne, en Bulgarie et en Hongrie.

Dans cette enquête, le groupe de réflexion a travaillé avec les polices locales pour collecter des données sur l’appartenance ethnique et la criminalité, pour comparer l’appartenance ethnique des interpellés avec les mises effectives en examen. Au sein de chaque site pilote, la police a profilé les gens sur leur appartenance ethnique ou leur origine nationale, rapporte cette étude. En Hongrie par exemple, la police arrêtait trois fois plus souvent des Roms que les Hongrois de souche, pour constater que le taux de délinquance avéré est pratiquement identique au sein de chaque groupe ethnique. Sur certains sites, les résultats ont même montré que les minorités ethniques étaient encore moins souvent coupables d’infractions que la majorité locale.

Une des premières conséquences de cette expérience en commun a réfréné la propension des polices avec lesquelles Open Society Institute a travaillé de suspecter les mêmes groupes ethniques de façon systématique. En appliquant des règles plus rigoureuses, le comportement de la police a nettement changé, et les erreurs sur la personne ont également diminué. C’est pourquoi les auteurs de l’étude sur le profilage ethnique estiment que non seulement un tel ciblage est inefficace, mais qu’il est de surcroît contre-productif. Pour autant, la stratégie des pouvoirs publics recherche en général plus le sensationnel que l’efficacité, selon Open Society Institute : c’est intéressant de voir comment des stéréotypes impliquent les prises de décision, déplore Rachel Neild.