La frénésie sécuritaire en débat
L’Association Française de Criminologie (AFC), le Syndicat de la Magistrature (SM), le Syndicat des Avocats de France (SAF) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) organisent, au Havre, le 25 mai, un débat sur l’état de la justice en France.
« La prison pour qui ? La prison pour quoi faire ? Pour combien de temps ? » Pour tenter de répondre aux questions posées par l’affiche diffusée par les organisateurs de la soirée havraise, le débat va commencer par la projection du film de Thomas Lacoste Rétention de sûreté, une peine infinie (2008 - 68 min). Un puissant document qui sert notamment de support à L’Appel pour l’abolition de la loi de rétention de sûreté qui a été signé par plus de 14 500 personnes et une multitude d’organisations*.
Les huit intervenants interviewés par Thomas Lacoste déconstruisent méticuleusement le populisme pénal prôné par Nicolas Sarkozy (le père fouettard qui a dicté l’adoption de la loi sur la Rétention de sûreté) et le populisme constitutionnel (qui veut appliquer cette loi par-delà les principes supérieurs du droit). Ainsi, Jean Bérard (historien membre de l’Observatoire international des prisons), Jean-Pierre Boucher (juge de l’application des peines et ancien président du SM), Christian Charrière-Bournazel (avocat et bâtonnier de Paris), Sophie Desbruyères (conseillère d’insertion et de probation et secrétaire nationale du Snepap-FSU), Claude-Olivier Doron (philosophe), Véronique Mao (surveillante pénitentiaire, secrétaire nationale de l’UGSP-CGT), Emmanuelle Perreux (juge de l’application des peines et présidente du SM) et Daniel Zagury (psychiatre expert auprès de la Cour d’appel de Paris) alertent l’opinion sur le cauchemar qui se prépare, un scénario pratiquement calqué sur Minority Report, le film effrayant de Steven Spielberg.
En voulant faire du droit des victimes le « premier droit de l’homme », Nicolas Sarkozy ne va pas tarder à enfiler le costume des précogs de Spielberg pour punir les crimes avant même qu’ils ne surviennent ! Surfant sur le fameux « sentiment d’insécurité » qui fait le régal des journaux télévisés, ruminant sur le supposé « laxisme des juges » et les criminels récidivistes (la France a un taux de récidive très faible), bavant sur la potentielle dangerosité de certains citoyens, attisant toutes les peurs…, le pouvoir s’est forgé un arsenal liberticide sans précédent depuis 2002.
Entre les lois Perben, la loi « sécurité intérieure », la loi « traitement de la récidive », la loi « lutte contre le terrorisme », la loi « égalité des chances » (sic), la loi « prévention de la délinquance », la loi « peines planchers », la loi « rétention de sûreté »…, l’État français affiche une frénésie pénale digne des régimes totalitaires. Une situation préoccupante régulièrement dénoncée par les instances européennes. En vérité, Sarkozy, grand serviteur du Capital, veut se montrer implacable avec les récidivistes… tant qu’il ne s’agit pas d’hommes affaires. Selon que vous serez puissant ou misérable… Impitoyable envers les « misérables » (mineurs, étrangers…) et clémente avec les puissants (chefs d’entreprise, rois de la finance…), voilà l’injustice idéale de Sarkozy.
Dans un état de droit, les citoyens sont généralement jugés sur ce qu’ils ont fait de répréhensible. À présent, la prison menace n’importe qui en fonction de ce qu’il est et du risque qu’il représenterait. Une logique de guerre sociale qui prend corps avec des affaires politiques scandaleuses (Coupat, Rouillan…). Et demain ? Combien de militant-e-s syndicaux, politiques et associatifs, combien de journalistes honnêtes (il y en a), combien d’entre nous, monsieur et madame Toulemonde, « précriminels » en puissance, « prédélinquants » de naissance, seront embastillé-e-s dans des prisons-pourrissoirs à cause de notre prétendue « dangerosité » ?
La prison n’est pas une solution, elle fait partie du problème. N’oublions jamais ce que disait Victor Hugo : « Quand on ouvre une école, on ferme une prison ». Sans une éducation de qualité, sans justice sociale, la paix n’a aucune chance de prospérer dans les sociétés en proie aux grands désordres socio-économiques générés par le capitalisme. Quand les puissants maltraitent les « manants », quand ils licencient des ouvriers pour multiplier leurs profits, quand ils criminalisent les opposants et protègent les truands en col blanc, aucune loi, aucune police ne pourra rétablir le calme. Qui sème la misère récolte inévitablement la colère.
Le 22 janvier 2008, lors d’une visite dans un commissariat de Bordeaux, Nicolas Sarkozy a dit qu’il n’a pas l’intention de laisser les « fauves » en liberté… Une déclaration qui nous menace tous. Ne laissons pas ce superflic peaufiner son programme « Précrime ».
Soirée-débat sur la justice en France le lundi 25 mai, à 18 heures, Université du Havre (grand amphi de l’IUT quai Frissard) avec Christian Festa (psychiatre), Sid Abdelaoui (psycho-criminologue - AFC), Hugues Vigier (avocat - SAF), Jacques Viltingot (délégué régional du SM) et Etienne Noël (avocat – OIP). Débat animé par Marc Hédrich, juge d’instruction (SM). Entrée libre.
Pour aller plus loin :
Le site Internet du Syndicat de la magistrature
Le site Internet de l’Association Française de Criminologie
Le site Internet du Syndicat des Avocats de France
Le site Internet de la Ligue des Droits de l’Homme
Le site Internet de l’Observatoire international des prisons
*L’Appel pour l’abolition de la loi de rétention de sûreté a été signé par Act Up-Paris, Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-France), Association des Avocats Pénalistes (ADAP), Association des Cliniciens du Médico social et Sanitaire, Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire, Association Française de Criminologie (AFC), Association française des Juristes Démocrates, Association Française pour la Réduction des risques, Association Justice-Action-Libertés, Association nationale des juges d’application des peines (ANJAP), Association nationale des visiteurs de prison (ANVP), Association pour la taxation des transactions financières et pour l’aide aux citoyens (ATTAC), Ban Public, La Bande Passante, Cedetim, CGT-PJJ, Emmaus France, Ensemble A Gauche, ESPOIR Santé Mentale, Fédération des associations réflexion action prison et justice (La FARAPEJ), Fédération Interco-CFDT, Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY), Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Fédération SUD Santé Sociaux, GENEPI, Groupement Multiprofessionnel Prison (GMP), Homosexualités et Socialisme (HES), Le Passant Ordinaire, Les Verts et la commission Justice des Verts, Libérez-les ! Comité de soutien aux prisonniers politiques, Ligue Communiste Révolutionnaire, Ligue des Droits de l’Homme, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS), Observatoire International des Prisons, Observatoire International des Prisons, Parti Communiste et sa commission Justice, Parti socialiste, Prisonniers Sans Frontières (PRSF), Réseau d’Alerte et d’Intervention pour les Droits de l’Homme (RAIDH), réseau d’association Peuple et Culture, Réso-réformistes et solidaires, SNEPAP-FSU, SNPES-PJJ/FSU, Souriez-Vous-Etes-Filmé-es !, Syndicat de la Magistrature, Syndicat de la médecine générale, Syndicat des Avocats de France (SAF), Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux, Syndicat National CGT des Chancelleries & Services Judiciaires, Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SNESUP-FSU), Syndicat national des psychologues, UGICT-CGT, UGSP-CGT, Union nationale des étudiants de France (UNEF), Union Syndicale de la Psychiatrie, Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé, Union Syndicale Solidaires, ZEO éditions, Zone Entièrement Ouverte…