Éric Zemmour détonne dans le PAF

Éric Zemmour détonne dans le PAF

Qui, aujourd’hui, ne connaît pas le chroniqueur emblématique de la droite française, portant la contradiction dans l’arène des plateaux de télévision et un fameux parfum de polémique jusqu’au seuil de la machine à café lundi matin ?

Si c’est grâce à Laurent Ruquier que le critique aux dents acérées s’est fait un nom dans le paysage audiovisuel, Éric Zemmour n’est pas un inconnu pour la plupart des hommes de plume, dont il précise la réflexion au long de ses chroniques éditoriales empreintes d’une plus grande profondeur qu’on ne lui accorderait après avoir écouté l’une de ses interventions au vitriol à la télévision.

Éric Zemmour aurait pu devenir haut fonctionnaire s’il n’avait échoué au concours d’entrée de l’ÉNA. Né à Montreuil-sous-Bois le dernier jour des vacances d’été, son teint chiffonné n’aurait pas fait tache au sein des grands corps de l’État, alors qu’il étonne à l’intérieur du petit écran. Après son diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris, il entre au Quotidien de Paris, où sous la houlette de Philippe Tesson, il devient journaliste au service politique.

Aujourd’hui, Éric Zemmour est grand reporter au journal Le Figaro, mais il n’a jamais voyagé plus loin que le périphérique parisien. Grand Reporter, c’est une catégorie dans la convention collective des journalistes de presse écrite et non le titre de gloire d’un homme qui a bourlingué jusqu’en Chine pour donner à voir au public des images du spectacle du monde. En fait, le voyage d’Éric Zemmour est d’abord intérieur : avec une grande rigueur intellectuelle, il analyse le quotidien qui est seulement le nôtre. Qu’on en juge :

Pour accompagner la professionnalisation du rugby, on a utilisé les méthodes de marketing qu’on avait appliquées au football. Sous l’instigation du président du Stade français, on utilise largement les codes gays : on habille nos rugbymen de maillots roses à fleurs moulants, on les fait poser nus dans des calendriers… Et que se passe-t-il ? C’est au contraire la bête, le mâle hirsute, qui fait tomber les femmes à la renverse ! Certes, elles veulent un garçon féminisé de temps en temps, pour le partage des tâches, pour faire des confidences, mais ce qu’elles désirent vraiment, c’est un mâle. L’Autre. Comme les hommes qui veulent la maman et la putain, elles veulent le fragile et la bête. Et Chabal joue le jeu à fond. Loin d’être une brute, il est très malin. (Interview pour Elle, le 6 décembre 2007).

Observateur attentif de la société du spectacle, Éric Zemmour est à présent l’analyste de celui de la politique. Quelques jours après l’élection de Nicolas Sarkozy à la magistrature suprême, il jetait déjà les bases des fondamentaux qui allaient présider à un nouveau style : la campagne révéla un Sarkozy II : patriote et social. Qui exalta Jeanne d’Arc et Jaurès, de Gaulle et Zola. C’est ce Sarkozy-là qui déjoua les pièges de ses opposants. Qui lui permit d’atteindre 31% des voix dès le premier tour. Qui redonna à la droite un électorat populaire, d’ouvriers et d’employés, de salariés parfois très modestes, réunis surtout autour du Bassin parisien, de l’Est et du Sud-Est de la France. Le Figaro, 17 mai 2007.

La politique et ses chemins de traverse donnent à Éric Zemmour l’occasion de montrer au public une des facettes de son talent d’analyste, à travers des livres comme Le Coup d’État des Juges, chez Grasset ou Le Livre noir de la Droite en 1998, chez le même éditeur. L’homme s’inscrit dans la tradition orléaniste de la bourgeoisie française, celle qui voyait en Édouard Balladur un nouvel Antoine Pinay, comme il le décrivit en 1995 dans Balladur, immobile à grands Pas. C’est pourquoi, même issu des banlieues tristes de la petite ceinture, il n’en fustige pas moins les rêves insipides portés par nos vaillants songes-creux : c’est en effet au sein des groupuscules soixante-huitards que s’opéra la grande transmutation d’une idée portée jadis par la droite réactionnaire, écrivit-il dans Le Figaro le 14 novembre 2007, la protection de la nature, en une thématique d’extrême gauche : l’écologie.

Mais Éric Zemmour est en fait un homme discret et précis dans ses observations qu’un autre siècle aurait habillé en Paul Bourget ou en Pierre Drieu la Rochelle… Ses livres sont autant de romans à l’écriture désabusée, lucide sur les turpitudes de la nature humaine : Nicolas Sarkozy ne s’en tire pas toujours à si bon compte, se désespérait-il dans Le Figaro le 14 novembre 2007 : lors de l’examen de la loi sur l’immigration, le feu a pris autour de l’ADN. Un incendie soudain et passionnel, qui relevait davantage du phantasme historique que de l’argumentation rationnelle.

Mais il est toujours possible de faire connaissance avec Éric Zemmour au fil des pages de Petit Frère, de L’Autre ou de L’Homme qui ne s’aimait pas, où l’on apprend que le critique acerbe et sans concession des étranges lucarnes sait également nous parler du monde avec un regard apaisé.