La participation de Dieudonné aux élections divise les politiques

La participation de Dieudonné aux élections divise les politiques

Dieudonné sait faire parler de lui, mais rarement en bien. Décidé à présenter une liste antisioniste aux élections européennes, l’humoriste a du mal à faire campagne, et le secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant est en train d’étudier la possibilité pour les pouvoirs publics d’interdire sa démarche.

Depuis une semaine ou deux, l’initiative de Dieudonné M’bala M’bala choque ou indispose. Nombreux sont ceux, dans le personnel politique, à redouter les interventions de mauvais goût de l’humoriste qui s’est trouvé un cheval de bataille dans la lutte contre le sionisme, et à placer le débat public en dehors des clous. Dieudonné est antisémite tout le temps, c’est absolument odieux, a déclaré Claude Guéant sur l’antenne de Radio J dimanche.

Garant du bon fonctionnement des institutions républicaines, l’Élysée estime ainsi du devoir des pouvoirs publics de mettre fin à la campagne électorale que Dieudonné mène vaille que vaille au cours de sa tournée de représentation, avant qu’elle ne commence réellement pour les tribuns professionnels. D’ailleurs, Dieudonné a de plus en plus de mal à trouver des salles pour ses interventions. Mais le comique controversé ne se laisse pas démonter par cette contrainte technique. Il a déjà reçu son public dans le bus dans une dizaine de villes à ce jour, selon les organisateurs de sa tournée.

À la Rochelle par exemple, le maire avait tenté d’interdire sa venue dans la ville en prenant un arrêté. Si l’humoriste n’a eu accès à aucune salle, l’arrêté a été cassé et il a pu accueillir son public dans son bus, stationné sur un parking. Un groupe de personnes s’était réuni à l’appel de deux associations de déportés, pour protester pacifiquement contre sa présence. À Toulouse, c’est au tour du Palladia, un hôtel toulousain de refuser la location d’une salle pour le spectacle de l’humoriste après la mairie. S’estimant trompé sur l’intitulé du contrat évoquant une conférence sur la liberté d’expression, la direction de l’hôtel vient de l’annuler.

Mais des membres de la classe politique ont décidé d’aller plus loin. Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, s’est lui prononcé pour le bannissement des listes Dieudonné : les listes dont le seul moteur est la haine n’ont rien à faire dans le débat, a-t-il dit lors de l’émission Dimanche Soir Politique diffusée par France-Inter. Le matin même, Claude Guéant avait estimé sur le Forum de Radio J que les pouvoirs publics sont en train de voir si ces initiatives tombent sous le coup de la loi. Je ne suis pas sûr que nous parvenions à les interdire, nous ne pouvons interdire que ce que le droit permet d’interdire.

En revanche, interrogée par la plus jolie speakrine du PAF, Jean-Marie Le Pen, avec qui Dieudonné s’est affiché à plusieurs reprises, s’est inscrit en faux avec les hommes politiques précédents, faisant valoir que après tout, la politique ça doit être un combat qui doit être loyal et les inconvénients de la censure sont plus graves que ceux de la liberté. Alain Soral, qui s’est séparé du Front National après y avoir contribué du point de vue doctrinal, a trouvé que c’est scandaleux ; ce qu’il a dit, là où il l’a dit, sur une radio communautaire, signifie que l’État se soumet aux ordres du lobby sioniste en France. Quoi qu’il en pense, les prises de position de Dieudonné ne participent-elles pas de la même idéologie communautariste ? Pour Olivier Mukuna, auteur de 2 ouvrages sur l’humoriste et journaliste, la première fois que j’ai interviewé Dieudonné, c’était un an avant la polémique déclenchée par son sketch. Je ne le connaissais pas et j’ai découvert une personne qui était aux antipodes du portrait que les médias en ont fait par la suite. J’ai découvert que nous partagions le même désir de vérité et un regard critique envers l’ethnocentrisme occidental ou le discours médiatique dominant.

Il estime que Dieudonné faisait l’objet d’une campagne de désinformation et de diffamation médiatique à grande échelle. Le point de départ de cette campagne, c’est le moment où plusieurs médias ont asséné que l’humoriste avait dit, à la fin de son sketch télévisé : Heil Israël ! ou Isra Heil ! en faisant le salut nazi. Affirmations fausses, invalidées à deux reprises par la justice française, mais encore répercutées aujourd’hui par certains médias et, bien sûr, répétées. Le projet d’interdire la campagne de Dieudonné serait-elle un projet pour faire glisser celle-ci sur un terrain convenu ? C’est apparemment ce que pense Benoît Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, qui déclare également dimanche : je trouve ça assez curieux. Qu’on nous dise le fondement sur lequel on entend interdire ces listes. Il a conclu en demandant par média interposé à Claude Guéant de nous faire la démonstration qu’il n’y a pas là juste un coup électoral à très court terme.