Martin Hirsch se bat contre le chômage

Martin Hirsch se bat contre le chômage

C’est officiel ! Le Revenu Minimum d’Insertion qui a eu 20 ans le 1er décembre 2008, ne fera plus partie de notre société de chômage accru. Car dans le cadre du Grenelle de l’Insertion, le gouvernement a décidé son remplacement par le Revenu de Solidarité Active (RSA) en juin 2009. Pourquoi ? Car selon ses fossoyeurs, il ne correspond plus aux « réalités socio-économiques des années 2000 » et renforce « l’assistanat ». Afin de comprendre ce que fut ce minima social, retour sur un dispositif qui fut le compagnon d’un grand nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté.

Un revenu minimum au nom de la cohésion sociale…

Le RMI est l’une des réformes majeures des années Mitterrand (1988). Ce dispositif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion garantit à toute personne âgée de 25 ans et résidant en France, le droit à un revenu décent pour vivre par le biais d’une allocation monétaire différentielle, d’une part. Et d’autre part, le droit à l’insertion, volet du dispositif qui devait être « le moteur de la sortie vers l’emploi ». Ainsi, cette aide proposée lorsque tous les autres droits sont épuisés se décline sous la forme d’un contrat entre la collectivité et la personne bénéficiaire laquelle s’engage à signer un contrat d’insertion dans les trois mois qui suivent le versement de la prestation monétaire. Par ailleurs, cette prestation permet l’accès systématique à des droits connexes : ouverture Maladie Universelle, Aide au logement, ChèLe RMI « a sauvé plus de 2 millions de personnes »ques culture, Carte solidarité transport payée à 100 %...

Le RMI « a sauvé plus de 2 millions de personnes »

Pour Michel Rocard, ancien Premier ministre de François Mitterrand (1988/1991) et principal instigateur de ce minima social, le RMI qui « fut la réforme la plus visible, la plus sympathique, la seule unanime et la plus utile pour sauver la vie à des gens », est « victime de l’échec de l’économie globale » car il était « calibré pour fonctionner en période de croissance ».

« En 1988 - poursuit-t-il pour mettre en lumière sur le contexte de l’époque, il y avait - un consensus sur le fait que le système s’est cassé, que nous sommes en chômage massif permanent pour 10 % de notre population, que rien ne permet d’espérer une baisse rapide de ce chômage, et qu’il fait apparaître une population de gens démunis ».
Et pour souligner la spécificité de la période, il déclare que « le fait intellectuel majeur, c’est que la droite n’ose plus tenir son discours sur la responsabilité des chômeurs, qui n’ont pas su profiter des occasions offertes par le marché, et que la seule chose qu’on peut faire c’est un peu de formation professionnelle … ».

Le RMI a « favorisé l’assistanat »…

« Il est totalement dépassé, déclare de son côté Martin Hirsch, le réformateur des minima sociaux qui travaille activement à la mise en place du Revenu de Solidarité Active. De son point de vue, le RMI « enferme les personnes dans des situations d’exclusion du monde du travail - et- les maintient dans la pauvreté ». Pour Claude Evin, ancien ministre chargé de la Santé, de la Solidarité et de la Protection sociale, « le système que nous avons mis sur les rails en 1988 marque aujourd’hui des limites. Le RMI avait été conçu comme une prestation subsidiaire et exceptionnelle pour quelques dizaines de milliers de familles, particulièrement éloignées du marché du travail ». Mais c’est surtout le volet « Insertion » qui, dès le début, a posé problème car « la portée - de ce droit- demeurait largement indéterminée. Certains y voyaient un droit subjectif de l’individu, avec pour contrepartie une obligation pour la collectivité de mettre à disposition des moyens. D’autres y voyaient le nœud nécessaire au niveau duquel allaient se tendre, dans le cadre d’un contrat d’insertion, les droits et les devoirs des individus. D’autres, enfin, le concevaient comme la garantie pour les bénéficiaires du RMI d’être accompagnés en prenant en compte l’ensemble de leurs problèmes… ».

« Le RMI m’a permis de manger à ma faim »…

Depuis 20 ans, le RMI a pourtant permis une protection sociale pour les plus démunis. Et beaucoup de bénéficiaires expriment leur reconnaissance à l’égard de ce minima social. Ainsi, pour Cyrille, « le RMI est à mon sens utile. C’est un ultra minimum pour manger à sa faim quand on a plus rien ». Agnès qui a bénéficié de cette prestation monétaire pendant une année a saisi l’opportunité du volet « Insertion » pour une reconversion professionnelle. « Après avoir démissionné de mon emploi de secrétaire pour harcèlement moral, raconte-t-elle, j’ai élaboré un projet d’insertion professionnelle avec la conseillère en Insertion et l’ANPE. C’est grâce à ce dispositif que j’ai pu réussir le concours de la fonction publique ».

«  Une humiliation poisseuse qui pourrait avoir le nom de servitude volontaire ».

Pour certain( e)s, le RMI est pourtant synonyme d’avilissement et d’asservissement. C’est un stigmate. C’est le déclassement social. Dans son blog, Alain Laurent-Faucon Andréol présente une image des plus négatives de ce minima social. « Le RMI - écrit-il - c’est marche ou crève, la soumission, l’humiliation, la perte de toute dignité…. Sans parler des pressions morales et des menaces à peine voilées. Si tu ne fais pas ça ou ça, « c’est la sortie du dispositif ». On te fait sentir que tu es dépendant… ». « Attendre, subir, se taire. Voilà les trois maux du Rmiste ».

« La vie au RMI – raconte Lionel qui bénéficie de ce minima social depuis plus de cinq ans- est très précaire. On a le sentiment qu’on est des bons à rien, que nous vivons au ban de la société. Nous sommes des marginaux, des gens d’en bas, des personnages de la cour des Miracles… ». « On nous parque. On nous catalogue. On nous met dans des cases. Il ne nous manque plus que des numéros. Et on finit par toucher le fond… », avoue timidement Sélim.

« Ils vivent aux crochet de la collectivité… ».

La philosophie de pensée qui sous tend le RMI découle du « solidarisme », doctrine sociale fondée par Léon Bourgeois au début du XXe siècle qui met l’accent sur « le lien fraternel qui oblige tous les êtres humains les uns envers les autres ». Ainsi « interdépendants et solidaires, les hommes ont le devoir d’assister « leurs semblables qui sont dans l’infortune ».
Chantal et Jacqueline ne l’entendent pas de cette oreille puisqu’elles s’opposent à l’effort collectif de solidarité. « Ce sont nos impôts qui financent le RMI », vocifère Chantal, une jeune femme célibataire qui gagne jusqu’à 1700 € le mois dans une boîte de téléphonie mobile. Et à Jacqueline, intérimaire d’affirmer « Moi, je travaille très dur. Je fais l’effort de me lever le matin très tôt. Je travaille comme une folle. De boulot en boulot. De boîte d’intérim en boîte d’intérim. Ce n’est pas juste que l’argent de mes impôts serve à financer ceux qui passent leur journée à ne rien faire, poursuit-elle le visage rouge de colère.

Et entre les arguments des uns et des autres, à Serge Paugam, sociologue et spécialiste des problématiques des inégalités et des ruptures sociales de préciser « il faut peut-être dire qu’il y a des choses qui ont bien fonctionné pendant toute cette période et peut-être aussi qu’on pourrait s’en inspirer davantage pour mieux réussir ces dispositifs d’insertion ».

Alors, République de « la main tendue » ou du « poing fermé » ?

Pour en savoir plus

http://vosdroits.service-public.fr/F1887.xhtml?&n=Emploi,%20travail&l