Festival d’excuses dans la classe politique
Ségolène Royal récidive en s’excusant auprès de Jose Luis Zapatero, Premier ministre du gouvernement espagnol, des propos tenus par Nicolas Sarkozy lors d’un déjeuner mercredi avec des parlementaires. Ce dernier avait déclaré que Zapatero n’était peut-être pas intelligent mais avait gagné deux fois les élections. Après le pardon au nom de la France pour le controversé Discours de Dakar, la candidate à l’élection présidentielle a lancé la mode des excuses publiques, lesquelles se sont succédées tout au long de la semaine.
Il n’y a pas si longtemps encore, les hommes politiques refusaient de reconnaître leurs erreurs. Depuis que Ségolène Royal a demandé pardon au Sénégal le 7 avril dernier pour ces paroles humiliantes et qui n’auraient jamais dû être prononcées et — je vous le dis en confidence — qui n’engagent ni la France, ni les Français, tout le monde s’empresse d’adresser les siennes, et forcément pour des paroles ou des actes qu’ils n’ont pas tenus.
Le premier en date à le faire, Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, a saisi l’occasion de l’émission politique de Canal+ le lendemain pour demander pardon aux enseignants au sujet de la déclaration controversée qu’avait faite Ségolène Royal sur les professeurs de collège qui ne feraient pas leurs 35 heures de travail : puisque tout le monde parle au nom de tout le monde, moi je peux faire comme elle. Je peux dire, m’adressant par exemple aux enseignants de France : quelqu’un est venu vous dire que vous ne travaillez pas assez, que vous devriez travailler 35 heures plutôt que de donner des cours à l’extérieur. Et bien, au nom du Parti Socialiste, chers professeurs, pardon, pardon pour ces paroles qui n’auraient pas dû être prononcées et qui n’engagent personne.
Interrogé sur cette nouvelle sortie de la plus médiatique des socialistes Yves Jégo considère qu’après la bravitude, faute contre la langue française n’ayant pas fait l’objet d’excuse de son auteur, Madame Royal invente la ridiculitude, désormais symbole de sa dimension politique… Pour le Littré, une excuse est la raison qu’on allègue pour se disculper ou pour disculper un autre. Tant pis pour Xavier Darcos et Frédéric Lefèbvre, qui considère au nom de l’UMP dont il est le porte-parole, qu’elle n’a pas été élue présidente de la République et elle ne peut pas parler au nom de la France, ni au nom des Français.
Pour Stendhal, qui s’excuse s’accuse, écrivait l’écrivain dans Le Rouge et le Noir. Quelle est donc cette tendance actuelle à présenter au nom d’autrui des excuses pour des erreurs que l’on n’aurait pas commises soi-même ? D’autant plus qu’à propos du destin de l’homme africain ou d’un chef de gouvernement espagnol, les citoyens des nations respectives n’ont que faire de ce qu’une ou un responsable politique étranger pense de leur propre façon de gérer leurs affaires… L’excuse est également très recherchée au jeu de tarot, où elle permet à celui qui l’abat de conserver un atout maître pour un meilleur coup. Mais elle ne vaut rien !
C’est pareil en politique. S’excuser pour des erreurs commises n’apporte aucun bénéfice, aucun crédit non plus à celle ou celui qui les présente. En l’occurrence, Ségolène Royal utilise la presse à tout bout de champ pour occuper l’espace médiatique. Mais elle l’attaque dès qu’elle estime avoir été présentée à mauvais escient. Au bout du compte, plus personne ne prête d’attention à ce qu’elle dit, et ses propos à l’emporte-pièce font rire plutôt qu’ils ne portent. Tout comme Nicolas Sarkozy, son adversaire en 2007, Ségolène Royal sait comment utiliser les médias. Elle a compris qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Seulement, les médias ne votent pas, et ceux qui constituent l’audience en font finalement à leur tête.
C’est pourquoi nos élites font d’habitude tout pour dissimuler leurs faux-pas. Utiliser l’excuse pour révéler ceux de ses adversaires est une formule innovante, mais Ségolène Royal aurait tort de l’utiliser trop souvent. En brisant un tabou du monde politique, elle risque de se mettre tout ce petit monde à dos. Gare à celle ou celui qui se trouve ensuite sur une black list, comme Alain Madelin, Jean-Pierre Soisson, et quelques autres. Ils doivent quitter la table et sont exclus du jeu.