La CIA s’intéresse à vos enfants !

La CIA s'intéresse à vos enfants !

Les louables efforts de Barack Obama, président des États-Unis d’Amérique, pour tourner la page d’un chapitre noir et douloureux de la politique anti-terroriste de son pays sont méritoires.

La publication partielle de 4 documents confidentiels concernant les méthodes d’interrogatoire pratiquées par la CIA et la fermeture des centres de détention secrets et de Guantanamo sont un premier pas vers un retour à des pratiques plus respectueuses des êtres humains. Mais les usages en vigueur dans les services secrets ont la peau dure, comme en témoignent les clins d’œil ludiques adressés par leurs agents aux enfants du monde entier.

Depuis le départ de George W. Bush, la CIA exprime l’intention de s’acheter une conduite. Les scandales provoqués par les outrances de la lutte contre le terrorisme ont fini par donner la nausée à tout le monde, y compris à certains de ceux qui s’occupaient des basses œuvres de la politique américaine de répression. L’agence américaine est à présent dirigée par un démocrate, Leon E. Panetta depuis le 13 février 2009. Il s’agit d’un homme sûr pour Barack Obama, puisqu’il fut le Chief of Staff de Bill Clinton de 1994 à 1997. Il était le secrétaire général de la Maison-Blanche, si l’on préfère… Mais l’ensemble du personnel et la hiérarchie de l’agence demeure, ainsi qu’une tradition bien ancrée de la manipulation et des coups fourrés.

Pour restaurer quelque peu le prestige des services secrets, Barack Obama et son Directeur du Renseignement National (DNI), Dennis Blair, proposent aux jeunes gens de jouer les apprentis espions dans les services des 16 structures américaines qui s’occupent d’espionnage. Ils recherchent ainsi 30 diplômés de fraîche date en recherche d’un job d’été pour les vacances. Les étudiants doivent avoir de bons dossiers scolaires et satisfaire à une enquête de sécurité pour pouvoir postuler à ce séminaire, qui comprendra des conférences, des voyages d’études sur le terrain dans des agences et du travail de renseignement sous la supervision d’analystes venant de la communauté du renseignement. Le programme en question s’appelle Instabilité politique — Systèmes internationaux en transition. Tout un symbole !

Beaucoup plus que Leon Panetta, technocrate et homme de gestion, Dennis C. Blair est l’homme clé du renseignement dans l’administration démocrate. Amiral en retraite depuis 2002, il a eu à s’y intéresser lorsqu’il était en charge du commandement de la Flotte du Pacifique, puis quand il a servi au Pentagone et au Conseil National de Sécurité (NSC). Il a également présidé l’Institut d’Analyses de la Défense (IDA), un think tank presque exclusivement subventionné par le gouvernement des États-Unis, et destiné à décortiquer la politique américaine de sécurité.

Autant dire que rien n’a vraiment changé à la CIA ! Le site Internet de l’agence est demeuré identique à lui-même, alors que la présidence a complètement revu la communication de la Maison-Blanche en la matière… L’identité visuelle est resté la même qu’à l’époque de Michael Hayden, son prédécesseur. Certaines pages, telle la biographie du directeur de l’agence, ont cependant été changées. Cela ne veut pas pour autant dire que la communication en ligne des services secrets américains soit obsolète, ou même incongrue. Les pages décrivant les opportunités de carrière et les moyens d’y postuler sont très bien faites, avec évidemment pour chaque poste un formulaire à remplir chez soi, sur son ordinateur !

Plus fort encore : la CIA dédie tout un secteur de son site aux plus jeunes d’entre les internautes. Des jeux en ligne amusants sont présentés à leur intention, avec toute une palette de difficultés allant croissant, et à partir de 5 ans. Les enfants ont ainsi l’occasion de s’initier aux techniques utilisées par les services secrets, à mi-chemin entre un jeu vidéo et le Cluedo™. L’emblème de l’agence est décortiqué avec une animation Flash, et plusieurs pages sont consacrées à la section spéciale K-9 — K-nine. Les chiens y possèdent tous une notice biographique des plus amicales : Elgin, par exemple, est un labrador beige, et nous raconte qu’avant d’aller à la CIA, j’ai appris à être guide d’aveugle. Mais j’avais pour défaut de m’en prendre aux écureuils. J’ai vraiment donné le meilleur de moi-même au bureau de recherche d’alcool, des tabacs et des armes à feu. J’ai rejoint la CIA à l’été 2006. Charmant, n’est-ce pas ?

Pour les adolescents, les choses deviennent plus sérieuses : les passionnés de mystère et de romans d’espionnage ont à leur disposition une documentation détaillée sur l’histoire, l’organisation et les objectifs poursuivis par la CIA. De plus, tous les conseils pratiques leur sont prodigués pour se préparer à faire carrière au sein de l’agence : les études et les qualités demandées aux agents secrets, et les différentes filières de recrutement leur sont présentées. Les méthodes d’investigation et les procédés utilisés pour arracher des informations à l’ennemi putatif ne sont cependant pas mentionnées dans ces pages.