Amos Gitai : trois villes à corps et à cris

Amos Gitai : trois villes à corps et à cris

Arte propose la sortie du coffret Amos Gitai, trois films autour de la trilogie des villes en Israël qui explorent les notions d’exils et de territoires

« Devarim » (1997), tiré du roman de Yaakov Shabtai « Pour inventaire » propulse trois hommes situés dans le blues de leur existence aux confins de la trentaine et la quarantaine à Tel-Aviv. Quel sens à leur existence veulent-ils donner ? L’amour, l’amour désabusé pour Goldman avocat en deuil de son père, l’amour conquête pour Caesar photographe en mâle de clichée et Israël pugnace qui cultive sa timidité maladive. Avec L’irrespect qu’ils portent à leurs ancêtres et aux pionniers de leur Etat, ils incarnent le désenchantement désabusé. Et ce n’est pas un hasard si justement Amos Gitai les filme à Tel-Aviv qui fut la ville créée par les pionniers juifs en 1909 !

« Yom Yom » (1997), c’est une galerie de portraits autour de Moshe prisonnier entre deux rives. Sa mère juive l’appelle Moshe et son père arabe Moussa. Comme si ce n’était pas assez compliqué, sa femme veut se séparer et sa maîtresse baise avec son meilleur ami. De cette confusion des genres sentimentaux, hypocondriaque ayant quelques fantasmes inavoués pour sa doctoresse, Moshe travaille à la boulangerie familiale et approche de la quarantaine difficile. Haïfa domine tout le tremblement de ces interactions névrotiques entre tous ces personnages et se la joue filtre magique. En effet, comparé à la situation actuelle de véritable poudrière qui frise l’étincelle de ces derniers mois en Palestine, Amos Gitai, avec la finesse qu’on lui connaît, décrit les conflits personnels sur fond culturel qui gravitent de la chambre à coucher au marché. Il nous relate sur fond de tranches de vie savoureuses avec brio et recul la tradition de coexistence pacifique entre les Arabes et les Juifs, qu’on en sort presque apaisé.

"Eden"(2001), film de contraste. En 1939, Kalman un jeune homme capitaliste prétentieux rejoint sa sœur Samantha en Palestine depuis les Etats-Unis pour faire des affaires en achetant des terres aux Arabes. Alors que Samantha jeune femme d’origine américaine est mariée à Dov Ernst qui est un architecte communiste idéaliste obsédé par le Bauhaus. Tous deux ont immigré en Palestine suivant leurs convictions sionistes. Cette adaptation très libre du roman d’Arthur Miller « Homely Girl, a life » met en abîme des idéaux opposés. Il y a aussi le personnage très attachant de Kalkosky, juif allemand et libraire sans aucune nouvelle de sa famille demeurée en Europe qui rêve de paix et d’harmonie entre les deux peuples juif et arabe. Sa compagne Sylvia est révoltée par la politique de l’occupant anglais qui interdit aux juifs l’accès à la Palestine. De ces visions contradictoires naissent des tragédies. Dov s’engage dans la Brigade juive et combat en Europe tandis que Samantha et Kalkosky rapprochent leur épiderme pour étancher leur soif d’amour inassouvi.
Durant cette période où l’utopie sioniste rayonnait pour beaucoup, Samantha se sent délaissée par les hommes qui l’entourent et se demande si vraiment cette terre est bien faite pour qu’elle y vive en toute quiétude. Amos Gitai, dans tous ses doutes ne tranche pas. Il laisse à son public son libre choix de penser et analyser la situation, même si peut-être à travers le regard de la jeune femme, on ressent une certaine amertume.

Coffret 3 DVD, durée : 5 heures, films chapitrés, audio : version originale, sous-titres : français / anglais, format écran : 16/9, format image : 1/85 (1,77 Yom Yom)
Devarim (1997), 1 h 50, avec Assi Dayan, Amos Shub, Amos Gitai, Lea König …
Yom Yom (1997), 1 h 39, avec Moshe Ivgi, Hanna Maron, Yussef Abu Warda, Dalit Kahan, …
Eden (2001), 1h 30, avec Samantha Morton, Thomas Jane, Luke Holland, Arthur Miller…
En complément : un livret de 32 pages comportant des extraits du livre « Exils et territoires – Le cinéma d’Amos Gitai » écrit par Serge Toubiana, avec la collaboration de Baptiste Piégay, coédité par les Cahiers du Cinéma et Arte Editions
Prix : 30 euros
Distribution Arte Editions
Sortie le 24 mars