Sa Majesté Bouteflika Président ad Vitam Eternam !

Sa Majesté Bouteflika Président ad Vitam Eternam !

En 1999, il fut élu Président de l’Algérie sous le signe de la réconciliation nationale. En 2004, il est ré-élu pour consolider la concorde civile. En 2009 soit cinq années plus tard, même scénario ! Ré-ré-élection à 90,24% des voix à la tête du pays… Un troisième mandat qui s’inscrit dans l’esprit de la continuité : parachever « la réconciliation des Algérien(ne)s avec eux-mêmes ». Décidément ! On dirait que l’Algérie s’agrippe éperdument à lui. Et lui aux guenilles délavées de ce pays qui ne finit pas de mourir d’une mort blafarde. Lui ? Notre Majesté le Président à vie ! Notre héros national ! Le sauveur ! Le « Rassoul » (prophète) du changement à reculons ! Et le réconciliateur de l’inconciliable ! Cet homme qui se présente comme l’icône d’une espérance nationale et qui s’accroche à l’Algérie comme une moule à son rocher !

Jeudi, les urnes ont révélé le nom de l’élu national. Sans surprise. « Le pitoyable cirque » a baissé ses rideaux de fer. Fatigués, les lièvres ont rejoint leur demeure. Pourtant, la bataille n’a pas été rude ! « Tout était joué d’avance », paraît-il.

Le président est élu ! Vive le Président !

Dans le brouhaha de la vie qui poursuit son cours, les gagnants, plus nombreux paraît-il qu’en 2004, crient haut et fort leur joie : « Le roi du changement, notre gage de sécurité a été élu par la grâce de Dieu ». Ah, combien est grande leur joie et celle de tous ceux qui ont les yeux bandés et le cerveau contorsionné ! « Longue vie à notre Président ! », crie à tue tête la foule composée d’hommes de tous âges, déguisés en robots parfaitement programmés pour la circonstance. « Que Dieu et ses anges le protègent du mauvais œil ! », chuchotent les femmes aux formes corporelles dissimulées sous des bouts de tissus rêches, sombres et usés par les rides impitoyables du temps qui stagne dans une mare de sables mouvants.

Dix années de règne, Barakat (assez) !

« Fakhamatouhou (sa Majesté) a réduit l’Algérie à la taille de ceux qui la gouvernent. Une taille médiocre ! », pleurent les abstentionnistes, les opposants à l’idée d’une présidence à vie, les chantres du renouvellement, de l’alternance politique, du changement... « Le vrai changement », écrit Yacine, un internaute. « Pas celui tant galvaudé par le vainqueur inévitable des élections présidentielles, ce Bourguiba bis ! » « Nous voulons une Algérie moderne, libre, plurielle et juste », vocifère Mohand, natif de Kabylie et farouche opposant au pouvoir central. Et à Colombien de dénoncer « cette machine de désillusion qui est en marche depuis plus de quarante sept ans et qui refuse d’arrêter sa course folle vers le désastre… Vers le néant… ».

Mais qui est donc cet homme qui fait l’objet de tant de discorde ?

De l’illusion à la désillusion…

Ah, voilà notre Majesté ré-ré-élue Président ! Cet artisan de « de la Paix, de l’Espoir, de la Réconciliation nationale » ! Cet homme providentiel qui joue le rôle d’un trait d’union qui sépare plus qu’il unit à qui on devrait penser à décerner le prix Nobel de la Paix et de la concorde ! Il le mérite bien ! La preuve …

A l’âge de 72 ans, alors qu’il devrait veiller à sa santé et à son repos, notre héros national ne parvient décidément pas à se défaire du pouvoir. Non, il l’aime trop ! S’en séparer semble une entreprise trop douloureuse pour son pauvre cœur qui bat un peu trop fort. Il y est, il y reste ! Pardi ! Il a bien raison cet homme qui aime à se définir comme « Le Réconciliateur » ! Comme le Père de tous les Algérien(ne)s, ces « privilégié(e)s » qui se payent le luxe d’avoir deux pères : le biologique et le symbolique. Comme le bâtisseur d’une « Algérie forte et sereine » ! Comme « la condition sine qua non pour un avenir radieux pour l’Algérie » ! Comme le passeur de codes comportementaux célébrant le respect, l’altérité, l’entente ! Comme celui qui créé du lien entre ceux qui aspirent à la paix et ceux qui nourrissent l’ambition démesurée de parvenir au pouvoir coûte que coûte y compris par des méthodes violentes qui tuent, assassinent, violent, massacrent, fauchent prématurément… des vies ô combien innocentes ! « Combien ? Oui, combien ? Ma mémoire saigne ! Mes larmes coulent ! ? Ils ne sont plus là ! », balbutie Linda dont le frère et le neveu ont été assassinés par des groupes terroristes.

Rassurez-vous ! Car dans son élan de miséricorde, de « pardon » et pour la « concorde civile, n’a–t-il pas exprimé son intention de « combattre sans relâche tous ceux qui tuent les civils et dressent les armes contre les citoyens ? ».Alors, ne vous inquiétez pas ! Et surtout ne craignez rien ! Car ces « gentils repentis » devenus tout à coup des héros, peuvent marcher librement dans les rues d’Alger, Béjaïa, Hadjout, M’Sila, Blida…, les poches pleines de dinars offerts en guise de compensation. Ils ne vous feront pas le moindre mal. L’œil vaillant du président justicier veille. Du haut de sa tour d’ivoire !

Que de promesses ! Que de promesses !

Et bien évidemment, sa détermination est tellement forte que pour atteindre ses objectifs de redressement national, de la bonne entente et de paix, il n’hésite pas à user de tous les moyens. L’important c’est d’arriver. Qu’importe la manière. Et tous ceux qui ont dénoncé le « viol » de la Constitution pour lever les obstacles de la limitation des mandats présidentiels sont, du point de vue des Bouteflikistes « des ennemis de la nation », instrumentalisés par « la main de l’étranger ». Et pour les contrecarrer, la consigne de voter massivement « pour prouver au monde entier que le peuple algérien est toujours debout » n’a pas cessé de fuser partout où lui et ses adeptes sont passés pour vanter les mérites de cet homme au cœur tendre et aux intentions pacifistes.

Oui. Notre Père castrateur qui « refuse de libérer la Liberté » (Nassima), cet « Algérie trotter » qui pendant moins de deux mois a passé le plus clair de son temps à sillonner les villes, n’a pas cessé de répandre la bonne parole, de distribuer des bons points, de promettre des mesures, des dispositifs, des actions, des projets de développement à profusion : « Effacement de la dette de 41 milliards des éleveurs et agriculteurs ». « Augmentation de l’Allocation forfaitaire de solidarité et du salaire national minimum garanti (SNMG) ». « Création de trois millions d’emploi ». Même les jeunes à l’avenir incertain, ces futurs hypothétiques « harragas » (migrants clandestins) ont eu leur part dans le programme du président sortant qui promettait s’il était ré-ré-élu « d’assurer une formation, offrir de l’emploi, un logement et ouvrir le champ politique à cette frange de la société » pour qui, au bout du compte, le rêve migratoire ne cesse de hanter leur imaginaire symbolisant ainsi l’espoir d’une vie meilleure et décente. L’alternative fantasmée préférée du peuple algérien. Hommes et femmes.

Ah ce grand orateur au verbe séducteur attire et leurre ! Que de promesses ! Que de promesses ! Mais pourquoi donc attendre un troisième mandat pour s’attaquer au chômage et aux maux de la population algérienne dans son ensemble ? Dix années n’ont-elles donc pas suffit ?

Et pour fermer ce cercle infernal qui ne finit pas de tourner sur lui-même comme un manège qui tourne, tourne, tourne à perdre l’équilibre, écoutez ! Oui, écoutez le message de ces milliers d’Algérien(ne)s qui vous disent en chœur : « Communiquez ! Monsieur le président à vie, communiquez avec cette Algérie qui doute pour lui montrer de la considération, pour atténuer ses doutes et faire disparaître un tant soit peu cet horrible sentiment d’injustice, de dévalorisation de soi et de non appartenance ».

Oui, Monsieur le Président, libérez cette Algérie que vous tenez en laisse. Rendez ce pays à ses enfants de manière à ce qu’ils puissent profiter des bienfaits de ses richesses.

Faites que la couleur verte du passeport redevienne pour des millions et des millions de citoyen(ne)s la couleur de l’Espoir et de la Fierté !