C’est lui le futur banquier de la planète !

C'est lui le futur banquier de la planète !

Dominique Strauss-Kahn a le vent en poupe : non seulement tous les médias le sollicitent pour prendre un avis d’expert sur les solutions à la crise, mais les chefs d’État de plus en plus de nations voudraient aussi voir le Fonds Monétaire International (FMI) qu’il dirige prendre une influence plus grande en ce qui concerne les échanges internationaux.

Dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, le sémillant directeur général du FMI se veut rassurant sur une prochaine sortie de crise. Jusque-là, rien d’étonnant à ce que DSK nous vende à peu près la même chose que nos pouvoirs publics ! La politique de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Jospin ressemble à bien des égards à celle que conduisent maladroitement Éric Woerth et Christine Lagarde… La prospérité est au coin de la rue est une phrase que d’autres ont déjà prononcée alors que tout allait de mal en pis.

Le véritable atout de Dominique Strauss-Kahn est ailleurs : c’est en effet lui qui dispose des fonds les plus importants pour relancer la machine, et c’est ce qu’il sous-entend sans fausse pudeur. Même si elle additionne un peu des choux et des carottes, la somme est considérable : 500 milliards pour le FMI, plus 250 milliards de DTS, 100 milliards pour les banques de développement dont la Banque mondiale, explique-t-il d’une voix gourmande aux journalistes venus l’interroger. À quoi s’ajoutent 250 milliards pour le financement du commerce mondial qui seront mobilisés par la Banque Mondiale et toute une série d’agences pour le commerce extérieur, comme la Coface en France.

Les DTS, ou Droits de Tirage Spéciaux, sont en effet le nerf de la guerre du FMI, comme le stipule ce document du fonds : le DTS est un instrument de réserve international créé par le FMI en 1969 pour compléter les réserves officielles existantes des pays membres. Les DTS sont alloués aux pays membres proportionnellement à leur quote-part au FMI. Le DTS sert aussi d’unité de compte au FMI et à certains autres organismes internationaux. Sa valeur est déterminée à partir d’un panier de monnaies. Aujourd’hui, les DTS sont vus par nombre de pays exportateurs comme une alternative crédible au dollar déprécié. Les États-Unis se servent jusqu’à présent de leur monnaie comme référence internationale pour les règlements internationaux, pour financer le déficit de leur balance des paiements.

Les dirigeants mondiaux du G20 réunis à Londres ont privilégié les marchés émergents avec leur plan de relance global de 1.100 milliards de dollars, dont la majeure partie sera affectée au triplement des ressources du FMI. Les pays qui s’en tirent déjà bien seront les plus avantagés par ce nouveau système, qui leur donne un meilleur accès aux réserves du FMI et les protège de l’effet de contagion des économies émergentes les plus faibles, estime un directeur de groupe de recherche auprès de la banque centrale danoise. Pour les économies qui sont déjà en mauvais état, cela ne changera pas grand-chose, renchérit-il. En ce qui les concerne, cela ne donne plus l’impression d’aller frapper à la porte du FMI avec une sébile à la main, plutôt celle de s’autoriser un découvert à la banque par précaution, justifie un spécialiste des marchés émergents. Le Mexique est ainsi devenu le 1er avril le premier pays à utiliser une telle ligne de crédit, pour un montant de 47 milliards de dollars.

Mais les pays les plus en difficulté ne sont pas les plus demandeurs. Un véritable front commun s’organise afin de trouver une monnaie d’échange stable et universellement admise. Ainsi, les agences de presse russes rapportaient le 24 mars dernier que le président de la Banque populaire de Chine Zhou Xiaochuan appuie l’initiative russe visant à créer une monnaie de réserve alternative au dollar américain. C’est un objectif stratégique autant qu’économique pour la Russie de faire pièce à l’hégémonie américaine en matière d’échanges internationaux depuis la guerre : elle a proposé mercredi de convoquer une conférence internationale au niveau des responsables gouvernementaux et des experts pour débattre de la création d’une monnaie supranationale unique. Il est encore prématuré de dire où et quand on pourrait convoquer cette conférence, l’important étant de ne pas remettre cet objectif aux calendes grecques. Cela devrait être la démarche suivante après le sommet du G20 de Londres et la conférence de l’ONU de juin, a déclaré à New York le premier vice-ministre russe des Affaires étrangères Andreï Denissov.

Et la Chine, premier partenaire économique des États-Unis, est devenue la plus en verve pour réclamer une solution acceptable pour tout le monde en ce qui concerne les règlements internationaux, d’autant plus que l’Empire du Milieu est devenu le créancier principal d’un partenaire en quasi-faillite ! Alors que Barack Obama déclarait lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche le 31 mars que la confiance dans l’économie américaine et dans le dollar était extrêmement forte, donc, qu’il ne croit pas en la nécessité d’introduire une monnaie de réserve mondiale, le gouverneur de la Banque centrale chinoise Zhou Xiaochuan a évoqué dans un article la nécessité de créer une monnaie de réserve supra-souveraine pour pouvoir restructurer le système monétaire international actuel, qui utilise la monnaie d’une nation en tant que la monnaie de réserve mondiale.

Zhou Xiaochuan a suggéré que les DTS, qui représentent un panier de monnaies internationales dont le dollar, l’euro, la livre sterling et le yen, a le potentiel de servir de monnaie supra-souveraine de réserve. Les DTS ont été utilisés comme des unités de compte entre les membres du FMI et d’autres organisations internationales depuis leur introduction en 1969. Malgré tous ces discours sur la confiance, les investisseurs sont toujours très préoccupés par leurs capitaux en dollars américains et leurs détentions des bons du Trésor des États-Unis, et ce, non seulement en Chine, mais aussi dans d’autres pays du monde, a renchéri un ancien économiste chinois du FMI.

Pour Dominique Strauss-Kahn, ces déclarations sont du pain béni. Non seulement le triplement des ressources du Fonds Monétaire International, de 250 à 750 milliards de dollars, va accentuer l’avantage des pays émergents dont les économies sont les plus développées sur leurs pairs moins avantagés, mais l’influence de son directeur général va aussi prendre une stature internationale de premier plan. Le bureau de DSK risque de devenir bien vite le point de passage obligé de la plupart des chefs d’État du monde, à commencer par celui de la France.