Élie Domota met la pression sur le gouvernement

Élie Domota met la pression sur le gouvernement

Les principaux syndicats de salariés de Guadeloupe ont fait savoir qu’ils ne participeront pas aux États Généraux de l’Outre-Mer prévus en avril et mai par Nicolas Sarkozy à la suite d’une grève générale de 44 jours dans l’île. Élie Domota, le leader charismatique du mouvement, n’a même pas daigné s’exprimer sur le sujet, mais l’un des responsables du LKP déclare leur chef n’y prendra bien évidemment pas part non plus.

Le 3 avril déjà, le collectif syndical contre l’exploitation tombait de haut en apprenant que des réserves étaient faites à l’extension de l’accord salarial conclu sous la pression des grévistes. La clause mettant à la charge des employeurs dans 3 ans les 200 € d’augmentation salariale concédés pour terminer la grève générale est soustraite du texte élaboré au ministère du Travail et des Relations sociales. Il reste quand même les dispositions qui s’appliquent immédiatement, mais pas celles qui préjugent des futures négociations de branche ou d’entreprise, ni de ce que sera le dispositif d’aide dans trois ans, concède la CGT.

À l’issue de ce délai, le protocole d’accord prévoit en effet que les entreprises devront prendre le relais des pouvoirs publics e pour le versement de la prime de 200 €. Cette clause pourrait être invalidée, au vu des fortes réticences exprimées par le directeur général du Travail Jean-Denis Combrexelle dans son rapport. Il faudra alors expliquer aux Guadeloupéens que leurs salaires vont baisser à l’issue de cette période, a précisé Marie-Pierre Itturioz (CGT). Pour elle, l’accord risque du coup d’être vidé d’une partie de sa substance. L’accord octroie, suivant un mécanisme complexe, une augmentation de 200 € par mois aux salariés gagnant entre 1 et 1,4 SMIC, en combinant une hausse de salaire immédiate de 50 € et des primes octroyées par les pouvoirs publics, 100 euros provisoirement à la charge de l’État et 50 à celle des collectivités locales.

Les syndicalistes guadeloupéens ont très mal vécu ce revirement de dernière minute, alors que toutes les garanties leur avaient été offertes par le négociateur du gouvernement, Jacques Bino. Le Medef et la FNSEA, très réticents pendant les négociations, sont satisfaits de ce que le ministère du travail ait tenu compte des arguments qu’ils ont avancés alors : la convertibilité ne peut pas être appliquée à tout le monde. Il y a des entreprises plus fragiles que d’autres. Pour Élie Domota, l’État a fait le choix de l’injustice sociale. Il veut maintenir plusieurs niveaux de rémunération dans un tout petit pays, une situation qui selon lui, ne peut qu’installer les troubles sociaux de façon durable. Pour démontrer la pertinence de son analyse, il fait savoir que nous appelons les travailleurs à la mobilisation, à la grève, dans toutes les entreprises qui n’appliqueront pas la clause de convertibilité.

Ce problème ne doit intervenir que dans 3 ans, et les leaders du LKP ont l’impression que le gouvernement leur a coupé l’herbe sous le pied. Qu’en sera-t-il de la mobilisation formidable qu’ils ont réussi à mettre en branle pour arracher des concessions après un mois et demi de blocage complet de l’île ? Autant battre le fer tant qu’il est chaud, et la principale centrale syndicale, l’UGTG, annonce que la manifestation des États Généraux qui se prépare en Guadeloupe lui semble artificielle par rapport aux attentes sociales du peuple guadeloupéen. Leur point de vue s’appuie sur le flou du programme annoncé, à savoir :

Vaste programme en somme ! Ce que les pouvoirs publics n’ont pas fait en 2 siècles sera-t-il réglé à la suite d’une telle manifestation ? Une grande consultation locale est organisée en avril et en mai, dont les résultats doivent être restitués au niveau national. À lire la page que leur consacre le Secrétariat d’État de l’Outre-Mer, les décisions seront prises à Paris, et non dans l’île, à plus forte raison dans les îles et les archipels distants de plusieurs milliers de kilomètres les uns des autres.

En effet, les États Généraux de l’Outre-Mer concernent d’abord les quatre départements d’Outre-Mer. Cependant, les collectivités d’Outre-Mer doivent aussi pouvoir participer à cette consultation. Compte tenu des réalités institutionnelles très diverses de ces dernières, il a été demandé au représentant local de l’Etat, en lien avec les parlementaires et les présidents de collectivité, de juger de l’opportunité d’organiser un tel débat et, si tel était le cas, d’en étudier localement les modalités d’une organisation consensuelle. De là à ce que les Guadeloupéens se sentent dépossédés du débat et noyés dans la masse des revendications catégorielles et territoriales, il n’y a qu’un pas !