Le poisson d’avril de Nicolas Sarkozy au G20

Le poisson d'avril de Nicolas Sarkozy au G20

Le président de la République française a émis l’hypothèse de claquer la porte du G20, qui se tient à partir de mercredi soir à Londres, ou même de ne pas s’y rendre… Problème : les États-Unis et la Chine, en désaccord avec la France à propos d’une plus grande transparence des paradis fiscaux, n’ont pas l’intention de s’en laisser conter par un petit bonhomme survolté qui représente un petit pays qui compte pour du beurre.

Nicolas Sarkozy communique à plein régime depuis 2 jours pour mettre au pain sec les paradis fiscaux, et revenir sur la loi d’airain du secret bancaire qu’ils appliquent à l’extérieur des coffres-forts de leurs établissements bancaires. Issue de l’enquête du fisc allemand sur l’évasion fiscale au Lichtenstein, une enquête de police pour blanchiment présumé de fraude fiscale a été ouverte mercredi par le parquet de Paris, concernant les sociétés Michelin, Total et Adidas. Les fonds visés : Copa, qui serait liés à Michelin, Elf Trading, qui le serait à Total, et 6 autres, qui seraient lié à certains membres fondateurs d’Adidas, sont mis en cause pour divers mouvements de fonds figurant dans les documents transmis par Bercy. Vieille affaire en réalité, qui a secoué l’Allemagne voici plus d’un an, mais sur laquelle des pouvoirs publics en mal d’argent frais et de crédibilité, sont tentés de jeter soudain une lumière crue.

Mais les paradis fiscaux ne sont pas le problème des grands pays qui gouvernent le monde, à commencer par les États-Unis et la Chine, qui voient dans ces territoires les atouts dont ils disposent pour recycler les actifs toxiques détenus par leurs banques. De nombreuses chroniques ont rappelé ces derniers temps au grand public que la plupart des pays abritent à leurs frontières et même parfois en leur sein, des territoires dotés d’une législation financière spécifique et propice aux affaires. Aux États-Unis, la Floride et le Delaware permettent aux investisseurs de faire fructifier leur argent pour le plus grand bien de l’économie nationale. Pour une somme modique, ils ont l’opportunité de créer une société holding qui gérera d’autres sociétés, en actionnant des comptes bancaires à l’étranger ou en transférant des avoirs. Ceci, sans avoir l’obligation d’ouvrir un compte sur place ou d’apparaître nominalement dans les statuts.

Situé au sud de New-York, le Delaware est le premier État de l’Union, il autorise toutes sortes de libéralités, à condition de conduire ses affaires en dehors de son territoire. Son site officiel en fait d’ailleurs la publicité : près d’un million de sociétés sont domiciliées dans le Delaware, y compris plus de la moitié des entreprises américaines et 60% de celles du classement Fortune 500. Ces sociétés ont choisi le Delaware car nous proposons un environnement complet de services incluant des lois modernes et flexibles, une cour d’arbitrage, un gouvernement local coopératif et un service des entreprises de l’État au service de la clientèle. En Chine, aux portes de l’usine du monde, Singapour et Hong-Kong bénéficient d’un statut particulier, hérité des concessions coloniales, et offrent aux investisseurs étrangers de nombreuses opportunités pour faire fructifier leurs avoirs en profitant de l’expansion fantastique de l’économie chinoise.

Or, des officiels de Hong-Kong participeront au sommet du G20 en tant que membres de la délégation chinoise. Le porte-parole du gouvernement de Hong-Kong a indiqué que c’était la deuxième fois que des officiels du gouvernement étaient invités à se joindre à la délégation chinoise pour participer à un sommet. John Tsang et Joseph Yam ont d’ailleurs déjà participé au sommet à Washington en novembre dernier. Lors du sommet de Londres seront discutés, selon les membres de la délégation chinoise, la stabilisation des marchés financiers, le renforcement du système économique et financier global, le rétablissement d’une croissance durable, et la réduction du chômage et de la pauvreté. Le porte-parole a indiqué qu’en participant à ce sommet, Hong-Kong sera capable d’obtenir davantage d’informations sur la situation économique et financière globale et sur les derniers efforts déployés par les dirigeants mondiaux pour faire face à la crise.

Pas de chance pour Nicolas Sarkozy : parmi les points sur lesquels Paris veut des progrès, Nicolas Sarkozy a notamment évoqué la question des paradis fiscaux, jugeant qu’il serait parfaitement inacceptable que des décisions concrètes ne soient pas mises en oeuvre dans les jours qui suivront ce sommet. Nous voulons très clairement qu’on précise ce qu’est un paradis fiscal, a-t-il déclaré, qu’il y ait une ou plusieurs listes de places financières qui ne coopèrent pas au regard des critères de l’OCDE, et qu’on en tire les conséquences. Mais Barack Obama vient de faire une déclaration contraire avec le chef du gouvernement britannique au cours d’une conférence de presse : nous n’allons pas nous mettre d’accord sur tous les points, a déclaré le président des États-Unis aux journalistes à Londres mercredi.

J’ai une absolue confiance dans la capacité de ce sommet à traduire un très large consensus sur la nécessité de travailler ensemble pour régler ces problèmes, a déclaré Barack Obama lors de cette conférence de presse commune avec Gordon Brown. Le Premier ministre japonais Taro Aso s’est invité mercredi dans le débat en estimant qu’il y a cette volonté forte d’ajouter un peu de conflit, un peu de dramaturgie, dans cet événement mais la vérité, à mes yeux, c’est qu’il existe une extraordinaire convergence et je suis très confiant dans la capacité des États-Unis, en tant que partenaire des autres pays, à contribuer à nous sortir de cette période difficile, a-t-il précisé au Financial Times. Mais Nicolas Sarkozy n’impressionne vraiment que ses électeurs…