La puissance maternelle en Méditerranée

La puissance maternelle en Méditerranée

La présente étude met l’accent sur le volet des représentations. Cet ouvrage s’insère donc dans la continuité des travaux poursuivis depuis 1994. D’abord par le groupe de recherche Femmes-Méditerranée (programme inter-laboratoires de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme – MMSH –) puis dans le cadre de l’UMR TELEMME (université de Provence/CNRS).

Celui que l’on nomme espace méditerranéen est considéré comme présentant des caractéristiques particulières à propos des rapports sociaux dictés selon le sexe. Et l’importance des liens familiaux. La persistance de cette légende dans le temps a contribué à identifier le bassin méditerranéen selon des canons masculins. Et une approche féminine à peine supposée. Le tout figé depuis la nuit des temps …
La réflexion ici présentée est issue des objectifs de l’atelier de recherche Femmes en Méditerranée du réseau euor-méditerranéen Ramses2. Son but est d’historiciser et de rendre visibles les modalités d’action du genre dans les sociétés méditerranéennes. Ainsi que le fonctionnement des rapports sociaux de sexe comme rapports de pouvoir éventuellement contestés ou négociés. Car, si parfois les sociétés de la Méditerranée sont considérées comme conservatrices (mœurs tribales et idéologie patriarcale), elles ont toujours été le lieu de transformation complexes. Y compris dans les rapports pères/mères. Il convenait alors de mettre l’accent sur l’enjeu constitué par la dynamique de la relation hommes-femmes.

Les interrogations menées dans cet ouvrage s’enracinent dans la protohistoire. Et même dans la préhistoire. Avec la présentation de figures mythiques originelles, elles mènent jusqu’à des œuvres récentes, littéraires et artistiques. Leur but commun est d’explorer l’imaginaire occidental, en questionnant les concepts de puissance et de pouvoir. L’imaginaire – qui est une composante majeure de toute culture – peut ouvrir à la compréhension des relations sociales dans une population donnée. Car les mythologies méditerranéennes ont inventé de "puissantes" figures.
Un ancien proverbe ne dit-il pas : "Les hommes font les lois, les femmes font les mœurs" ? Depuis Michel Foucault et Hannanh Arendt, nous savons tous que le pouvoir revêt des formes diverses. Imperceptibles. Insinuantes. Puis les anthropologues sont venus brouiller les cartes en démontrant que les rapports de genre savent s’organiser. Mais en partant du fait que tous les Hommes sortent des entrailles féminines. Ainsi la maternité est de l’ordre de l’évidence. Quand la paternité est de l’ordre du doute.

N’oublions pas que la famille a constitué – depuis le début des temps – la première structure intermédiaire entre les individus et la société. C’est à l’abri de la famille – dans la vie privée – que la puissance maternelle s’est déployée. Avec le consentement du "mâle". Et surtout avec une relative autonomie. Et une réelle efficacité. C’est cette puissance qui a été longtemps le principal fondement de l’identité féminine. S’en suivront les bouleversements que subira la cellule familiale au cours du XXe siècle. Cela suffira-t-il a annuler cette institution ? Ou cela engendrera-t-il une transformation de son fonctionnement ?
Mais avant de répondre, n’oublions pas que la puissance maternelle n’a jamais été dénuée d’effets sociaux. Depuis les cités antiques les femmes sont exclues de la citoyenneté. Cependant elles la transmettaient. Car pour engendrer un autre citoyen il fallait bien épouser une femme ...
Mais tout s’est accéléré au XXe siècle. Les frontières entre la vie privée et la vie publique n’ont cessé de se déplacer. N’est-ce pas monsieur Sarkozy ? La démocratie a bon dos. J’y vois plutôt la nuisance de la société du divertissement qui ose tout et anoblit au rang de star la première gourde venue … Mais dans les faits, la "puissance maritale" et la "puissance paternelle" ont bien reculé. Puis totalement disparu.

A l’heure où j’écris ces lignes, de jeunes mères, hautement diplômées, se déclarent désireuses de renoncer – même temporairement – à faire carrière. Afin de se donner corps et âme à leur bébé. Leur nombre croît chaque jour. Je ne crois pas qu’il ne s’agisse que d’un phénomène de mode. C’est une nouvelle révolution.
Il faut s’y faire. Nous traversons une mutation culturelle d’une ampleur insoupçonnable. La puissance maternelle n’échappe pas aux métamorphoses.
Trouvera-t-elle de nouveaux lieux et de nouveaux modes d’expression ? Je pense ici aux mères qui osent se dresser faces aux dictateurs. Je pense aussi aux empoignades verbales qui ont accompagné la revendication de la parité. Il reste encore des combats à mener pour que l’égal de l’homme soit la femme. Enfin.

Geneviève Dermenjian, Jacques Guilhaumon et Martine Lapied (sous la direction de), La puissance maternelle en Méditerranée – Mythes et représentations, coll. "études méditerranéennes", Actes Sud, MMSH, Barzakh, novembre 2008, 168 p. – 20,00 €