L’Espionnite rapporte beaucoup d’Argent

L'Espionnite rapporte beaucoup d'Argent

Deux cadres du groupe EdF ont été mis en examen pour avoir infiltré des ordinateurs appartenant à l’organisation écologiste Greenpeace, très en pointe dans la mouvance anti-nucléaire. Avec l’histoire de la filature d’Olivier Besancenot, de plus en plus d’affaires d’espionnage privé viennent sur le tapis, et ce n’est pas étonnant quand le marché de l’intelligence économique explose.

Des poursuites judiciaires ont été notifiées au n°2 de la sécurité d’Électricité de France (EdF), l’ancien fonctionnaire de police Pierre François et à son supérieur, le militaire Pascal Durieux, a-t-on appris mardi. Pierre François, ingénieur en protection de site, est soupçonné d’avoir eu recours à une officine privée de renseignement, Kargus Consultants, pour surveiller les activités de Yannick Jadot, alors une des figures majeures du mouvement anti-nucléaire. Il est poursuivi pour « complicité d’intrusion frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données », un chef de mise en examen retenu également à l’encontre du patron de Kargus, Thierry Lohro, lui-même un ancien membre des services secrets français, et d’un informaticien, qui a reconnu les faits.

EdF semble clairement impliqué dans des pratiques de barbouzes et du piratage : il y a eu de l’espionnage sur ma personne, sur mon système informatique, a déclaré Yannick Jadot ce mardi matin, en marge d’une réunion publique de la liste d’Europe-Écologie, dont il est la tête de liste pour la région Ouest. Je vais me constituer partie civile ; si l’implication d’EdF est avérée, on est là devant un scandale énorme. Cela montrerait bien que dès qu’on veut informer sur la réalité du nucléaire, on se heurte à la culture du monopole, à la culture du secret-défense, à la culture du secret, a-t-il expliqué. Ce n’est pas la première affaire d’espionnage à laquelle est confrontée Greenpeace, puisqu’on se souvient que l’un de ses anciens dirigeants avait appris qu’il était fiché par les Renseignements Généraux alors qu’il s’était engagé dans la campagne électorale pour les élections présidentielles aux côtés de Ségolène Royal. L’un des adversaires de celle-ci était alors ministre de l’Intérieur…

Mais la politique se mêle à l’heure actuelle aux affaires tout court. De plus en plus d’activités jugées sensibles sont confiées à des entreprises privées, considérées comme plus aptes que les pouvoirs publics pour les faire fructifier et les vendre à l’étranger. De l’industrie nucléaire aux chantiers navals, en passant par l’aéronautique militaire, des acteurs privés se trouvent possesseurs de savoir-faire qu’il convient de protéger, mais bénéficiaires de contrats publics, leurs interlocuteurs sont des États dont le souci principal n’est pas de faire de bonnes affaires. Une osmose est bienvenue à tous les échelons de l’organigramme de ces sociétés, où d’anciens policiers et des militaires à la retraite ou en disponibilité trouvent à compléter leur retraite.

Pour les pouvoirs publics, c’est une aubaine de pouvoir recaser des personnels dont il souhaite se débarrasser le plus tôt possible, afin de satisfaire à la doctrine de l’État modeste. Il conserve néanmoins au sein de ces entreprises des interlocuteurs dont il connaît la valeur et qui parlent le même langage. Pour ces derniers, le métier change à peine, mais les droits qu’ils ont à l’exercer sont nettement plus restreints… Les détectives privés s’inquiètent d’ailleurs de voir de plus en plus d’anciens fonctionnaires arriver sur le marché de l’intelligence économique et de la sécurité privée, dont les contours sont encore assez mal définis. Des caméras de surveillance à l’informatique en réseaux, les compétences évoluent et les opportunités de surveiller l’activité d’autrui se multiplient.

Le marché de l’intelligence économique était évalué en 2004 à 125 millions d’euros et regroupait une centaine d’acteurs. Les 20 principaux cabinets français se partagent un marché de 80 millions d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 15 à 20% par an. 7 cabinets réalisent 70% de l’activité, avec un chiffre d’affaires moyen supérieur à 5 millions d’euros, sans comparaison avec l’américain Kroll ou le britannique Control Risks au demeurant. Le salaire moyen d’un consultant en intelligence économique se situerait entre 30.000 et 35.000 euros bruts par an. 90% de l’information nécessaire aux opérations est disponible légalement. Il suffit de savoir la trouver, d’avoir le bon réseau d’informateurs, les bons outils informatiques pour aller la chercher et l’analyser. Pour se faire, il n’est pas inutile de pouvoir obtenir certaines informations auprès d’anciens collègues, lorsqu’elles sont stockées sur des fichiers administratifs, comme le STIC. Ce n’est pas légal, mais ce genre de trafic est courant.

Pour un fonctionnaire de police, offrir ou monnayer des informations couvertes par le secret professionnel s’appelle faire de la tricoche. C’est de cette manière que le site Internet d’informations Bakchich a fait valoir les fiches de Djamel Debbouze et de Johnny Halliday… Dans un tout autre genre, la manipulation qui s’est soldée par l’affaire ClearStream a été imaginée, conçue et mise en route dans les bureaux d’une des plus grandes entreprises de conception d’armes. De bien belles controverses en perspective !

 

 


Être au courant des beaux projets d’un concurrent,
C’est prendre avec malice une longueur d’avance,
Et vivre au goût du jour dans sa stricte observance
Quand tout mettre à profit n’est plus déshonorant !

L’espion qui fait affaire aujourd’hui, c’est courant
Pour demeurer sans vain travail dans la mouvance
Et trouver les bons plans sans être en connivence…
C’est ce qu’un bon esprit nous offre au demeurant.

Tout est charmant pour mettre à terre un adversaire,
Mais le mieux est d’avoir chez l’autre un émissaire,
La guerre économique œuvre au mieux des défauts.

Que le meilleur l’emporte à ce grand jeu de leurre
Et c’est au moins adroit de mettre en porte-à-faux
Un beau métier qui souffre à la question de l’heure.

 

Le portail gouvernemental sur l’intelligence économique,
Un blog avec plein d’infos sur l’intelligence économique.