Le Diabète progresse Partout plus vite que le Sida

Le Diabète progresse Partout plus vite que le Sida

Les propos du pape en ce qui concerne l’usage du préservatif pour se protéger de l’épidémie du Sida ont provoqué un tollé qu’il convient de remettre dans le contexte de la parole évangélique. D’ailleurs, la déficience immunitaire est loin d’être le seul fléau dont l’Afrique est la victime, et parmi les maladies en progrès, le diabète arrive en seconde position, et avec lui l’évolution des comportements qui se conforment à la société de consommation sur le continent noir comme ailleurs.

Celui dont il se prétend le disciple a toujours, et longtemps avant lui, cultivé le paradoxe, à tel point que la glose est nécessaire pour comprendre le sens d’un message religieux, que seuls des fanatiques désirent prendre au pied de la lettre. Bien entendu, le Sida aurait tué plus de 25 millions de personnes depuis le début des années quatre-vingt, la plupart dans les pays d’Afrique subsaharienne. En revanche, le port du préservatif protège à 90% des risques d’infection par le virus. Telles sont les données scientifiques, et nul ne les conteste.

Au cours de son périple, Benoît XVI insiste avant tout sur les aspects politiques et sociaux qui font des ravages en Afrique : l’égoïsme alimente l’appât du gain, la corruption et l’avarice, pousse au détournement de biens et de richesses destinés à des peuples entiers. La soif de pouvoir provoque le mépris de toutes les règles élémentaires d’une bonne gouvernance, utilise l’ignorance des populations, manipule les différences politiques, ethniques, tribales et religieuses et installe la culture du guerrier comme héros et celle de la dette pour des sacrifices passés ou des torts commis. Et le préservatif est comme un cautère sur une jambe de bois lorsqu’on observe l’ensemble des calamités qui accablent les populations.

Au Liberia, le gouvernement se dit inquiet face au nombre insuffisant de personnes recevant un traitement pour prévenir une infection au VIH. Ruiné par la guerre civile, ce pays demeure dans la tourmente et peine à soigner les séquelles d’un conflit dont les conséquences vont se faire sentir durant des générations. Les combats touchaient à leur fin à Monrovia. J’ai été contrainte à coucher avec un des généraux. Je suis sûre que c’est lui qui m’a contaminée, témoigne une victime. Abusée, cette femme n’a pas eu de toute façon le droit d’être protégée. Lorsque sa communauté a appris que cette femme était séropositive, cette dernière a ressenti le besoin de partir. Je n’avais pas le choix, je devais quitter la communauté et aller où les gens ignoraient mon statut, conclut-elle.

Hélas, le Sida n’est pas le seul mal dont souffrent les populations africaines, et sa prévention doit être envisagée dans un contexte global. Au Mali, dans les services de médecine interne, le diabète est la seconde cause d’hospitalisation après le Sida, et la cause de 40% de l’ensemble des consultations, d’après le ministère de la Santé, qui se base sur les données les plus récentes de 1996. Stéphane Besançon, nutritionniste et directeur de Santé Diabète Mali, une association sans but lucratif, a expliqué que le diabète était difficile à dépister et que le gouvernement menait actuellement une enquête nationale pour actualiser ces chiffres.

Le diabète, qui selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est la cause de 6% environ des décès enregistrés chaque année dans le monde, est une maladie chronique qui résulte d’une production insuffisante d’insuline par le pancréas, ou d’une utilisation inefficace par l’organisme de l’insuline produite. L’OMS estime qu’à l’horizon 2025, l’augmentation la plus significative de la prévalence du diabète sera enregistrée dans les pays en voie de développement, qui devraient abriter 75% des patients diabétiques dans le monde. Au minimum, la moitié d’entre eux n’ont cependant pas été diagnostiqués, ce qui signifie que de nombreuses autres complications médicales ne seront pas non plus diagnostiquées.

En jeu dans la progression de cette affection mortelle et lorsqu’elle n’est pas correctement soignée, incapacitante, voire invalidante, l’évolution des modes de vie à l’occidentale : les motos étant moins chères, les gens marchent tout simplement moins. L’huile artisanale, qui était autrefois fabriquée au goutte à goutte, est désormais produite et importée en masse, ce qui a des répercussions négatives sur les habitudes alimentaires, explique Stéphane Besançon. Sans l’aide des bailleurs de fonds, il est peu probable que les gouvernements pauvres accordent davantage d’attention au diabète : il n’est de secret pour personne que les gouvernements soutiendront tous les programmes sanitaires, quels qu’ils soient, que les bailleurs de fonds sont prêts à financer. Les dons des bailleurs de fonds déterminent les priorités nationales, déplore-t-il.

Longtemps traité à la marge dans les pays occidentaux, le traitement du diabète fait l’objet de toutes les attentions de leurs laboratoires et systèmes de santé, à cause de la progression des cas liée à l’évolution des modes de vie. Mais la malnutrition, ainsi que des effets secondaires de l’immuno-déficience, peuvent exposer les patients au risque de diabète. Depuis 2001, les bailleurs de fonds ont alloué près de 12 milliards de dollars au Fonds mondial de Lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. De récentes études menées au Mali et au Mozambique ont révélé qu’une personne ayant besoin d’insuline pour survivre décèderait en moins d’un an. En Zambie, cette moyenne est de 11 ans.

Le diabète, qui concerne 180 millions de patients dans le monde, est la pathologie qui connaît la plus forte progression puisque le nombre de nouveaux cas double tous les 10 ans. Cette semaine s’est d’ailleurs déroulé à Strasbourg un symposium sur le traitement de cette affection redoutable, à l’origine de complications, d’amputations et de nombreux décès. En France, le diabète est la première cause d’amputations de membres et de cécité acquise chez l’adulte, d’insuffisance rénale ou encore de neuropathie invalidante.

Mais la tentation de désigner un bouc émissaire est trop tentante, quel que soit le problème. En ce qui concerne la santé, la segmentation des difficultés est une solution pratique en termes de communication. Pour Stéphane Besançon qui s’implique dans la prévention du diabète au Mali, la question n’est pas de déterminer comment lever davantage de fonds ou créer un Fonds mondial ambivalent, mais plutôt comment redistribuer ces fonds dans le système de santé global, afin que les complications mortelles sont traitées de façon égale.

 

 


Là, le chef religieux s’exprime et nous embête,
Nous n’avons pas besoin d’un jugement moral
Car nous n’attendons pas pour un bien général
Qu’il juge à tout propos l’aune à l’analphabète.

Il n’a rien su de ces questions, mais fait le bête
Et ne dit mot sur les ferveurs d’un chant choral,
Mais nous l’entendons tous dans le sens littéral
Qui nous émeut en fait bien plus que le diabète.

Le mal certain dont souffre au vrai ce continent
Est le pillage en grand qu’ils font en gouvernant
Du sous-sol et des gens tout en éteignant l’âme !

Qu’il juge au moins à la valeur d’un poil pubien
S’il convient de passer tout un monde à la lame,
Plus le malaise est grand et plus il leur sied bien.