Putes et fières de l’être !

Putes et fières de l'être !

« ProstituéEs est un métier, laissez-nous l’exercer ». « Légalisez notre profession » et bien d’autres slogans tels que « Où ! Quand ! Comment ! Combien je prends ! Le choix me revient ! Mon corps m’appartient ! »… sont autant de revendications qui mettent en exergue une attitude relative à la prostitution qui a tendance à prendre de l’ampleur en Europe et en France. Que recouvre ce positionnement ? Quelles sont les motivations qui animent ceux et celles qui se définissent comme des « prostituéEs professionnelles » ou encore des « sex-workers » ?

Qu’est ce que la prostitution ? Un acte forcé ? Un simple échange de sexe moyennant rémunération financière et/ou matérielle ? Une opération commerciale qui réduit le corps féminin ou masculin à un objet de transaction financière ? Acte de consommation où ceux et celles qui s’y livrent sont au service du désir de la personne consommatrice ? De Domination d’un genre et d’une classe sociale sur un(e) autre ? Une activité qui avilit et déshumanise ceux et celles qui la pratiquent ? Ou au contraire, une libre disposition de son corps et de soi ? La conséquence d’un choix délibéré ? Une liberté ?

Prostitution forcée équivaut à la négation de la dignité féminine et humaine…

Du point de vue des Abolitionnistes et notamment des féministes partisan(e)s d’une prostitution zéro, cette pratique est un acte « forcé, un « fléau » voire un vice qui pervertit la société. Cette vision moraliste conçoit la prostitution comme une exploitation voire une violence sexuelles. Les personnes qui se prostituent sont conçues comme des femmes pauvres, victimes de la domination masculine agissant sous la contrainte d’un besoin économique. Ainsi, « se prostituer, « c’est être un corps public, ce n’est plus avoir un corps privé » avancent celles pour qui l’échange de sexe contre de l’argent et sans engagement affectif est « incompatible avec la dignité de la personne humaine et avec ses droits fondamentaux (O.N.U.).

La Belgique, la Suède, l’Ecosse, la Norvège, la Finlande et la France (à partir de 1946. Loi « Marthe Richard »)… ont adopté une politique abolitionniste. Dans certains pays tels que l’Ecosse, la Suède, et la Norvège, le client est un criminel passible de prison.

Prostitution choisie, synonyme de liberté sexuelle et du droit à la vie privée…

Le second courant représenté par les partisan(e)s d’une prostitution choisie prônent la réglementation de cette pratique et sa dépénalisation rejetant ainsi l’idée d’une prostitution forcée et la victimisation des personnes qui s’adonnent à ce type d’activité. Les réglementaristes mettent en avant les grands principes universels libéraux : le droit à disposer de son corps, de vivre sa sexualité selon ses propres choix et préférences, le droit à la vie privée et à l’autonomie. Par ailleurs, ils/elles défendent l’idée selon laquelle la sexualité doit être un service rémunéré comme toute autre activité professionnelle. Car, d’une part, lorsqu’elle exercée librement, elle devient non stigmatisante. Et d’autre part, la légalisation permet d’assurer la sécurité des prosituéEs. Ce régime est en vigueur dans des pays tels que les Pays-Bas et l’Allemagne.

« Putes et fières de l’être », un mouvement en plein essor. Un processus en devenir…

Nourri(e)s par les expériences et les outils du mouvement gays et lesbiennes, et pour sortir de l’ombre et de l’anonymat dans lequel les enferme les lois et les représentations sociales, les femmes et hommes prostituéEs s’organisent en France et en Europe en associations, collectifs et autres regroupements. Leurs revendications portent essentiellement sur la reconnaissance des personnes prostituées comme des travailleuses ordinaires soumises au droit du travail et à la sécurité sociale, le libre choix du statut professionnel(profession libérale, statut d’artisan), le droit à la sécurité par les forces de l’ordre, la reconnaissance d’une Journée Internationale des travailleurs et travailleuses du sexe...

« C’est un statut qui nous permet de travailler dans de bonnes conditions que nous voulons », explique Anika, un( e) androgyne au maquillage d’inspiration gothique au look du chanteur américain, Marilyn Manson, rencontré(e) à la très belle et émouvante exposition de photos « Prostituées d’Europe », de Mathilde Bouvard, abritée par le théâtre de l’Odéon à Paris.

« J’aime le sexe, rétorque Mathilda, un petit bout de femme brune aux yeux noirs bridés. Je suis une pute et je l’assume. Mon sexe, mon corps m’appartiennent. C’est pour moi un moyen comme un autre de gagner ma vie. Je ne me vois surtout pas travailler comme caissière ou femme de ménage ».

Et afin de donner de l’ampleur à leur combat, de le structurer davantage et de dénoncer la « putophobie » dont ils/elles font l’objet, ceux et celles qui se revendiquent du sex-work ont organisé en 2005 la Conférence Européenne de Prostituées à Bruxelles qui a donné lieu à la rédaction d’un manifeste et d’une déclaration des droits des travailleurs/euses du sexe.

« La Pute Pride » (la marche de la fierté des prostituéEs) est l’un des moyens supplémentaires par lequel les sex-workers défendent leurs droits et expriment leur fierté d’exercer « le plus vieux métier du monde ». Celles qui ont eu lieu à Paris en 2006, 2007 et 2008 ont mis en évidence des slogans qui expriment plus que jamais la détermination de ceux et celles qui se positionnent ni comme victimes, ni comme délinquant( e)s, ni comme coupables, de mener une lutte afin de faire aboutir leurs revendications. Ces exclu(e)s de la société, stigmatisé(e)s, contraint(e)s à la clandestinité et déterminé( e)s à se « construire par le sexe » ont dénoncé la « loi pour la sécurité intérieure » (L.S.I.) de mars 2003 qui réintroduit dans le droit français l’interdiction du « racolage passif ».

D’une part, en fustigeant les institutionnels : « Plus de caresses. Moins de C.R.S. », « Vous couchez avec nous. Vous votez contre nous »…

Et d’autre part, en criant haut et fort leur volonté de poursuivre leur activité : « Rendez-nous nos trottoirs ». « Prostitué(e), c’est un métier, Laissez-nous l’exercer ». Légaliser notre profession ». « On est belles. On est rebelles, des salopes professionnelles »…

Dans la continuité des campagnes pour les droits des personnes prostituées, se tiendront, le 20 mars 2009, au théâtre de l’Odéon, les Troisièmes Assises Européennes de la Prostitution et ce, à l’occasion de la date anniversaire de l’entrée en vigueur de la L.S.I. Par cette manifestation, les sex-workers ainsi que leurs soutiens comptent dénoncer les effets négatifs de la loi du 19 mars 2003 qui a engendré de l’insécurité, la mise à l’écart et l’isolement des personnes prostituées les plus marginalisées, la dégradation de leurs conditions de vie ainsi qu’une augmentation du nombre des infestions Sexuellement Transmissibles.

L’objectif étant de « privilégier la parole de ceux et celles qui se revendiquent comme travailleurs du sexe, rendre accessible les différents outils de prévention et faciliter l’accès aux droits médico-sociaux.

Pour aller plus loin :

"Fières d’être Putes", de Maitresse Nikita et Thierry Schaffauser, aux éditions de L’Altiplano, 2007.

Le Manifeste de Droits et Prostitution.