"La Petite Robe de Paul" contre la journée de la jupe

"La Petite Robe de Paul" contre la journée de la jupe

Premier roman de Philippe Grimbert, psychanalyste, auteur de trois essais : Psychanalyste de la chanson (1996), Pas de fumée sans Freud (1999) et Chantons sous la psy (2002), La Petite Robe de Paul (2001), mise en scène par Frédéric Andrau, nous fait pénétrer dans un univers de thriller psychologique des plus incisifs.

D’emblée, la genèse de La Petite Robe de Paul dégage un parfum d’absurdité et nous renvoie momentanément à du Ionesco loufoque : un beau jour, Paul, homme marié, sous l’emprise d’un achat impulsif, s’offre une petite robe blanche — taille 6 ans ! Un acte d’autant plus étrange que le couple, récemment séparé de leur fille majeure (Agnès), n’a point d’enfant en bas âge.

Cette robe, contrairement à celle coquine et voyageuse du film De Jurk (1995) du cinéaste néerlandais Alex van Warmerdam, végète dans une penderie, dissimulée par Paul, comme une prisonnière maléfique.

Rapidement, la découverte de cette petite robe blanche par Irène (la femme de Paul) produit des effets dévastateurs, réveillant à la fois démons et blessures familiales, entraînant le spectateur dans un vertigineux suspense psychologique ayant pour toile de fond la naissance et la mort avec au milieu, comme un gros point d’interrogation, la disparition des êtres et le douloureux travail de deuil.

Dans une mise en scène fluide et sobre, dénuée de pathos, le metteur en scène Frédéric Andrau nous fait rentrer comme par effraction dans un univers familial des plus tourmentés — celui des romans de Philippe Grimbert — dans lequel passé et présent, comme une indomptable morsure, paraissent inextricables. Cette histoire aux contours obscurs, enrichie d’une façon très stylisée par Andrau, nous livre progressivement un à un ses secrets…

Secret, mot-clé et titre du remarquable second roman de Grimbert Un Secret (2004), aux éditions Grasset ! D’ailleurs les deux romans se rejoignent par l’évocation de ces existences furtives et solitaires , liées aux caprices de l’Histoire (on naît, on meurt — sans beaucoup de sens)…

Le point de vue subjectif des deux principaux personnages, interprétés avec force par Fabrice Moussy (Paul) et Valérie Gabriel (Irène), s’inscrit dans un système narratif original, qui octroie une large part aux monologues confidences. Confrontés à leur propre énigme, ils tentent la difficile entreprise d’habiller de mots leur indicible manteau de souffrance étoffé par l’enfance d’Irène — détruite par le suicide de ses parents — ou le souvenir du bébé mort-né du couple.

D’une certaine façon, l’image de cette "petite robe blanche" les renvoie obsessionnellement à leur souffrance originelle, mais leur sert aussi de thérapie : Paul découvre l’existence de la mystérieuse petite fille à la robe blanche — en fait une demi-sœur — en exhumant de vieilles photos enterrées dans le jardin d’Olga (la mère de Paul). Dans Un Secret, un enfant en apparence mythomane découvrait l’existence — cachée bien sûr — d’un demi-frère.

La trame de La Petite Robe de Paul est — on l’aura compris — ouverte à de multiples interprétations psychanalytiques. Grimbert, dans son roman, nous donnait une clé : La petite robe blanche est à sa place, là où elle aurait dû se trouver depuis longtemps (…). Paul a enfin compris pourquoi il en a fait l’achat : il lui fallait vêtir un petit cadavre nu.

Décidément, La Petite Robe de Paul est une pièce bien curieuse…
En tout cas un excellent cru théâtral !

La Petite Robe de Paul de Philippe Grimbert,
Mise en scène de Frédéric Andrau,
Adaptation Philippe Grimbert, avec la collaboration de Frédéric Andrau,
Durée : 1 heure,
À la Maison des Métallos :

94 rue Jean-Pierre Timbaud,
75011 Paris

Métro : Couronnes (ligne 2) ou Parmentier (ligne 3).

Représentations du jeudi 19 au dimanche 29 mars 2009,
Du mardi au samedi à 20 h 30 – dimanche à 16h30,
Représentation supplémentaire samedi 21 mars à 16h30.