Louisa Hanoune : Future Présidente d’Algérie ?

Louisa Hanoune : Future Présidente d'Algérie ?

C’est officiel ! Le Conseil constitutionnel a retenu six candidats pour l’élection présidentielle du 9 avril. Cinq hommes et une femme : Louisa Hanoune. Secrétaire générale du parti des Travailleurs. Députée. Et première femme en Algérie et dans les pays arabes à briguer le poste de présidente de la République. Mais qui est cette femme que beaucoup qualifient de « vrai homme » ? Dans un pays où le champ politique est le monopole exclusif des hommes, cette figure politique féminine à la trajectoire militante riche et passionnante, parviendra-t-elle à devenir la première Présidente des Algérien (ne)s ?

Une femme hors normes qui cumule des « stigmates »…

Femme, célibataire et sans enfants dans une société où le couple et la famille sont les normes dominantes. Trotskiste, Lambertiste et « athée » au pays où l’Islam est religion d’Etat… Autant d’éléments « stigmatisants » susceptibles de peser sur les prochaines élections présidentielles.

Tantôt aimée et admirée. Tantôt méprisée et maudite, elle semble pourtant inspirer du respect, de la sympathie et de la reconnaissance de la part d’hommes politiques notamment. La presse locale rapporte qu’au lendemain de sa réélection en 2004, A. Bouteflika, l’aurait remercié lui témoignant sa fierté d’avoir osé présenter sa candidature. « C’est une manière de la remercier de ne pas avoir boycotté les élections », lance ironiquement Sadia, une opposante à notre candidate.

L’ex numéro 2 du Front Islamique du Salut (F.I.S.), Ali Belhadj. disait d’elle qu’elle était « le seul homme politique de l’Algérie ».

Ah, cette fâcheuse manie de masculiniser tout ce qui touche au politique comme si ce champ était le domaine naturel et exclusif des hommes ! Et une femme qui ose s’y aventurer doit se dépouiller et être dépouillée de sa féminité. A l’évidence, dans un pays où les femmes sont des mineures à vie, s’il leur est permis de sortir de leur place et statut, elles doivent veiller à ne pas dépasser certaines limites. Le corps féminin éveille les désirs masculins et alors halte à la fitna ! (anomie : désordre social).

Louisa Hanoune l’a trop bien compris ! Pour être acceptée et légitimer sa présence parmi les hommes, elle veille à effacer les traces de sa féminité sur son corps. Son look est un exemple parlant. Sa tenue vestimentaire est très sobre. « Jamais de tenues sexy. » « Presque jamais de couleurs chatoyantes et rayonnantes ». « Du classique vieillot », ose affirmer Ghania. « A-t-elle peur d’assumer sa féminité en public ? », poursuit-elle.

Ses cheveux très souvent tirés en arrière durcissent davantage les traits de son visage : « C’est très rare de la voir sourire en public », déclare Nabil, conseiller en communication. Si les Algérien( ne)s découvraient son vrai visage, ils/elles l’apprécieraient davantage ». Alors, Louisa, plus de sourires ! Stratégie électorale oblige !

« Sourire en public ? Quel blasphème ? Veux-tu qu’on dise d’elle qu’elle est une mauvaise fille ? Penses-tu que nous voterons pour une femme qui n’a ni mari ni enfants ? Je doute fort. Il est grand temps qu’elle rentre chez elle avant qu’il ne soit trop tard ! », rétorque Salim, chômeur.

L’appartenance de notre candidate au Troskisme semble déranger plus d’un et d’une. Ainsi, pour Nawal, éducatrice de jeunes enfants, « cette femme croule sous les contradictions. Une Trotskiste qui n’hésite pas à défendre ceux qui veulent son enfermement et sa mort ! Du jamais vu ! ». De son côté, Nassim, informaticien à Paris s’offusque : comment un pays musulman tolère qu’une femme athée soit candidate ? Le Trotskisme n’est-il pas synonyme de la négation de Dieu et de la religion ? ».

Mais qu’importe le physique et les croyances ! Car l’essentiel est ailleurs. Louisa Hanoune est une excellente oratrice. Si son look fait jaser les langues, son verbe incisif et son ton imposant, convaincant et posé semblent pourtant plaire à beaucoup car « il inspire de la crédibilité, de la sincérité et beaucoup de sérieux », explique Nanou, à peine débarquée d’Algérie.

Une femme à la trajectoire militante très riche et de très longue date...

Bien que Louisa Hanoune ne laisse presque rien transparaître de ses beaux atouts et de sa vie privée actuelle, elle aime néanmoins raconter qu’elle a mené une enfance très pauvre dans son village perché sur les montagnes de Kabylie (Est d’Alger). Très tôt, elle prend conscience des injustices de la vie. Coloniales. Puis sociales et de genre. Malgré les interdits et les difficultés , elle s’inscrit à l’université où elle étudie le droit et s’engage dans des luttes syndicales et milite auprès d’un groupe de femmes.

En 1981, elle active dans la clandestinité, au sein de l’Organisation Socialiste des Travailleurs (O.S.T.), un groupe d’extrême gauche et milite contre le Code de la famille et pour les droits culturels berbères. En 1983 et 1986, elle est arrêtée et emprisonnée pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». A sa libération, elle crée avec d’autres féministes l’association pour les droits des femmes. Dès l’instauration du multipartisme en 1989, elle participe à la création du Parti des Travailleurs (P.T.) dont elle est la porte-parole puis Secrétaire générale. Elle est également connue pour avoir dénoncé la dissolution du Front Islamique du Salut, avoir pris position en faveur de la « réconciliation » et participé avec d’autres partis à la signature de la « plateforme de Rome » pour une solution politique à la crise algérienne.

En novembre 2008, elle était de ceux qui ont dit « oui » à la révision de la Constitution avec cependant des conditions : « l’élection d’une assemblée constituante et l’instauration du système de révocabilité comme unique moyen de limiter les mandats présidentiels ». Cette militante de longue date qui défend le principe de la souveraineté nationale et dénonce la politique de libéralisation et de privatisation des entreprises publiques aspire à changer la vie des Algérien( ne)s car explique-t-elle « nous n’avons pas le droit d’abandonner les travailleurs, les jeunes, les femmes, les retraités ».

Cette femme de caractère que beaucoup accusent de soutenir A. Bouteflika affirme pourtant haut et fort qu’elle est « la seule candidate qui propose une rupture radicale et un vrai programme ». Alors, celle dont le parti « fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait » saura-t-elle convaincre les Algérien(ne)s de la nécessité de voter pour un renouvellement de la classe politique et un changement de la situation en Algérie ? Réussira-t-elle là où d’autres ont échoué depuis 1962 ?

Pour Yacine étudiant en droit à la Sorbonne, « Une femme présidente ? Ouiiii !!! Un renouvellement de la gouvernance en Algérie ? Pourquoi pas ? Mais elle ne sera jamais élue. Nous ne sommes pas dupes ! Sa participation aux élections est une manière de cautionner A Bouteflika et de rendre ces élections crédibles aux yeux de la communauté internationale. C’est une femme-alibi. Un point c’est tout ! ».

Ah, quel jugement sévère !