La Cour Pénale Internationale est-elle irresponsable ?

La Cour Pénale Internationale est-elle irresponsable ?

Les 4 membres de Médecins Sans Frontières enlevés au Soudan ont été libérés par leurs ravisseurs, a déclaré le représentant italien de l’organisation. Une infirmière canadienne, un logisticien français, un médecin italien et un ressortissant soudanais travaillant pour la mission humanitaire au Darfour avaient été capturés mercredi dans l’ouest de la région dans des conditions obscures, et c’est grâce à l’entregent des officiels soudanais qu’ils ont retrouvé leur liberté. Ils entendent ainsi montrer que la Cour Pénale Internationale (CPI) n’est pas en mesure de faire la pluie et le beau temps à Khartoum.

Ce n’est pas la première fois que les autorités soudanaises accomplissent avec succès une mission de bons offices à l’intérieur d’un territoire qu’elles contrôlent mal, ou si l’on préfère, avec une certaine désinvolture. Il y a tout juste un an, un soldat français, en mission de reconnaissance à bord d’un véhicule opérant sous l’égide de l’ONU, était abattu tandis que l’équipage s’était aventuré à l’intérieur des frontières soudanaises… Khartoum s’est borné simplement à faciliter le rapatriement du corps, sans demander plus d’explication sur la mission des membres des forces spéciales françaises interceptées dans une posture délicate.

La question du Darfour surgit périodiquement dans les gazettes à la même époque, dès que les conditions météorologiques autorisent les différentes forces armées en présence de lancer des expéditions militaires. La décision de la CPI de lancer un mandat d’arrêt contre le chef de l’État soudanais est donc intervenue à un moment critique, et toutes les parties prenantes au conflit déplorent cette idée apparemment saugrenue des juges de La Haye. Cette cour de justice internationale, opérant sous mandat de l’ONU, instruit une plainte contre Omar Hassan el-Béchir, pour :

• 5 chefs de crimes contre l’humanité : meurtre - article 7-1-a ;
extermination - article 7-1-b ; transfert forcé - article 7-1-d ;
torture - article 7-1-f ; et viol - article 7-1-g ;
• 2 chefs de crimes de guerre : le fait de diriger intentionnellement des attaques contre une population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités - article 8-2-e-i ; et pillage - article 8-2-e-v.

Mais le président soudanais n’est pas aux abois, comme le furent les inculpés yougoslaves, congolais ou rwandais… dont les chefs d’inculpation se sont dissous au fil des procédures complexes intentées par cette autorité judiciaire. En réalité, fondée sur l’exemple du Tribunal de Nuremberg mis en place après la 2ème guerre mondiale par les alliés pour juger les crimes du nazisme, la CPI dispose de moins de pouvoir et d’influence que son prédécesseur. En premier lieu, le consensus n’est pas aussi large pour soutenir l’action internationale de la cour de justice. Dans les pays tout juste sortis d’une guerre civile, les besoins vitaux exprimés par des populations abandonnées dans l’enfer des combats sont plus forts que le bras de la justice.

Bien souvent, les inculpés sont d’anciens dirigeants qui disposent de soutiens non négligeables dans certaines couches de la population, auprès desquels ils se terrent. Ainsi, les difficultés pour poursuivre des suspects tels que Radovan Karadžić ou Ratko Mladić ont émaillé les dépêches d’agence. Par ailleurs, l’action de la CPI méconnaît complètement les problèmes immédiats et les rapports de force qui s’expriment au sein des populations qui font l’objet de son attention pour requérir une quelconque sympathie de leur part. Au Cambodge, où sont jugés en ce moment les Khmers rouges par un tribunal spécial, c’est la débandade parmi témoins et plaignants : chacun a eu sa part d’horreur en responsabilité pour survivre à l’enfer.

Enfin, le souhait de désigner des coupables pour laver le peuple de la responsabilité d’une guerre injuste suppose un certain angélisme du point de vue politique et social. Tous les régimes, démocratiques ou à plus forte raison dictatoriaux, se sont employés à diluer la responsabilité des crimes qu’ils ont ordonnés dans un soutien populaire réel ou affecté. Omar el-Béchir, en l’occurrence, n’a pas de souci en ce qui concerne sa popularité. La région du Darfour, qui depuis tant de temps soulève les cœurs et mobilise les bonnes volontés, est sujette à de nombreuses convoitises de part et d’autre. L’horreur que vit la population locale a peu de poids par rapport aux ressources qui dorment sous ses pieds. Alors, de quoi Omar el-Béchir est-il réellement coupable ?

 

 


Il a fallu longtemps pour que la cour décide
De juger sans attendre un chef d’État brutal,
Et depuis ce grand jour le désordre est total,
Tant et si bien qu’elle a parlé d’un génocide.

La région tout entière est au bord du suicide
Et le conflit qu’elle ouvre est devenu frontal
Au point de voir le fruit de l’appareil mental
Du juge imbu du droit sans être assez lucide.

Les indigents du coup sont plus vite affamés
Si l’opprobre est jeté sur des gens mal famés,
Car leur pouvoir est stable et sûrement solide.

Pourquoi le juge a-t-il fléchi sous la passion
Sans s’inquiéter du sort de la foule invalide ?
L’explication reste au secret de l’instruction !