Barack Obama ne veut pas dire s’il est socialiste

Barack Obama ne veut pas dire s'il est socialiste

La fronde s’organise autour du scandale AIG pour empêcher le tout nouveau président des États-Unis de mettre en œuvre son plan de relance, et peut-être même de gouverner.

Révélée vendredi par le Wall Street Journal, organe conservateur s’il en est, l’information selon laquelle AIG s’est servi des 170 milliards de dollars injectés par les pouvoirs publics américains pour dédommager les établissements financiers qui comptent parmi ses clients, une vingtaine de grandes banques des États-Unis et d’Europe, fait scandale. Les contribuables américains, déjà mis à mal par les milliers d’hypothèques restant à honorer, le rétrécissement du crédit et les licenciements massifs, voient d’un mauvais œil l’assureur faire face à ses engagements envers les banques malmenées par la crise financière avec leur propre argent.

S’étant retrouvé a bord de la cessation de paiement mi-septembre, AIG a été renfloué par les pouvoirs publics pour maintenir à flot ce géant de l’assurance, jugé trop gros pour pouvoir faire faillite sans entraîner dans sa chute une myriade d’autres entreprises. Une partie de l’argent public est allé à d’autres établissements financiers, AIG ayant utilisé ces fonds pour payer ce qu’elle devait à des banques qui s’étaient assurées auprès d’elle contre le risque de crédit sur les produits dérivés. AIG est très fortement exposée sur le marché de ce type de produits d’assurance extrêmement juteux jusqu’en septembre de l’année dernière, mais ils se sont révélés être une bombe à retardement avec l’explosion de la bulle des crédits immobiliers à risque à l’été 2007.

Parmi les établissements bénéficiaires, la banque américaine Goldman Sachs et sa concurrente allemande Deutsche Bank ont perçu environ 6 milliards de dollars chacune entre mi-septembre et décembre 2008, écrit le quotidien sur son site Internet, citant un document confidentiel et des personnes proches du dossier. La banque américaine Merrill Lynch, désormais filiale de Bank of America, et le groupe français Société Générale ont également reçu de gros versements à la fin de l’année, ajoute le journal économique. Plus d’une douzaine d’autres banques ont également reçu de l’argent d’AIG dans des proportions moins importantes, ajoute le quotidien, citant l’américaine Morgan Stanley et les britanniques Royal Bank of Scotland et HSBC. Pressés par la presse, les établissements concernés se sont bien gardés de faire le moindre commentaire.

Le scandale est bien sûr attisé par le camp républicain, qui reproche à la nouvelle administration de se montrer dispendieuse des fonds publics. Il envisage de dépenser 250 milliards de dollars supplémentaires pour sauver les banques américaines, et estime que cette nouvelle provision inscrite au budget devrait suffire : nous allons nous assurer que le système financier est stabilisé avec les ressources à disposition ; nous pensons que les 250 milliards sont une bonne estimation et n’avons pas de raison de réviser cette estimation dans le budget, a-t-il indiqué. Mais 2 hauts responsables républicains, dont l’ancien candidat à la Maison blanche John McCain, ont estimé dimanche que Barack Obama devrait abandonner à leur sort les grandes banques américaines en difficulté plutôt que d’y injecter massivement de l’argent public.

Fermez-les, sortez-les du circuit. Si elles sont mortes, qu’on les enterre, a déclaré sur la chaîne de télévision ABC le sénateur Richard Shelby, membre républicain de la commission bancaire au Sénat. Pour lui, Barack Obama et son administration démocrate sont en train de faire la même erreur que le Japon dans les années quatre-vingt-dix, quand les pouvoirs publics nippons ont renfloué les grandes banques du pays, freinant ainsi le redémarrage de l’économie. On enterre les petites banques, on doit enterrer les grandes et envoyer ainsi un signe fort aux marchés, a déclaré Richard Shelby. De son côté, John McCain a dit sur Fox News : je ne pense pas qu’ils aient pris la décision qui s’impose, qui est de laisser ces banques faire faillite, avant d’ajouter qu’on doit vendre leurs actifs et on aura, malheureusement, les actionnaires et les autres qui prendront ça de plein fouet.

La figure montante du camp républicain, l’ultra-conservateur Rush Limbaugh, s’en prend directement à Barack Obama, en qui il croit voir un socialiste de la pire espèce. Au contraire des pays européens, le socialisme est presque un sceau d’infamie aux Etats-Unis, et ce depuis les débuts de la guerre froide et de la chasse aux sorcières entreprise par les maccarthystes. C’est pourquoi, interrogé sur la nature de sa politique, le président Barack Obama s’est défendu d’être socialiste : quand vous regardez le budget, la réponse est non, dit-il aux journalistes. si vous regardez du côté des recettes que nous proposons, nous revenons essentiellement aux taux d’imposition qui existaient dans les années quatre-vingt-dix où, si je me souviens bien, les riches se portaient très bien.

Mais Barack Obama n’a pas explicitement démenti qu’il était animé par une idéologie socialiste. Les républicains, à force de réitérer la question, pourraient s’en saisir au Congrès pour intenter une procédure d’impeachment afin de destituer le nouveau président démocrate. D’ailleurs, un grand nombre de soutien à Rush Limbaugh ont fleuri sur Internet, comme RushForPresident.com… Jusqu’à présent, seul Richard Nixon a été sérieusement menacé par une telle procédure, mais Bill Clinton s’est vu lui aussi tout près d’y faire face, à cause du scandale causé par l’affaire Monica Lewinsky.