Piratage Internet contre Hadopi : Où est la Police ?

Piratage Internet contre Hadopi : Où est la Police ?

37% des internautes convaincus de piratage sur le réseau mondial… Ainsi se dessine le visage de l’utilisateur français d’Internet selon une étude commandée par le gratuit Metro à TNS Sofres. C’est aussi le sentiment de Christine Albanel, qui se prépare à envoyer quelque 10.000 courriels par jour aux délinquants du Web. Mais la Haute Autorité supposée faire la police des écrans n’est pas encore à pied d’œuvre, et ses moyens techniques toujours sujets à caution. Les Français, quoi qu’il en soit, ont pris l’habitude de franchir la ligne jaune.

Le tableau que dresse l’institut de sondage du délinquant internaute a l’air effarant, mais il ne l’est qu’à moitié comparé aux contrevenants au code de la route : avec 17,7 millions de foyers abonnés au haut débit, la France compte aujourd’hui plus de trente millions d’internautes, parmi lesquels 37% auraient donc déjà profité de contenus téléchargés illégalement, selon cette étude réalisée sur un échantillon de mille personnes interrogées en face à face. Ramenée à l’ensemble de la population des 18 ans et plus, la proportion tombe à 26% : 73% des Français sont donc restés jusqu’ici à l’écart du piratage.

Au total, 20% des Français admettraient avoir déjà téléchargé illégalement sur Internet. La musique arrive en tête avec 18%, devant les films (13%), les séries TV (5%) et les jeux vidéo (4%). Chez les usagers quotidiens d’Internet, les usages sont sans surprise nettement plus marqués, avec 33% des répondants qui avouent télécharger de la musique, 24% des films, 11% des séries et 7% des jeux vidéo. 450.000 films seraient téléchargés illégalement chaque jour en France. Avec cette nouvelle étude, le gouvernement dispose d’un argument supplémentaire pour justifier le projet de loi Création et Internet, visant à traiter la grande masse du piratage de manière pédagogique et préventive, selon Franck Riester, rapporteur du texte.

À titre de comparaison, le produit des amendes forfaitaires encaissé au titre des infractions au code de la route s’est établi pour l’année 2007 à 573 millions d’euros. Cette année, répondant à une question du député René Dosière, le ministre de l’intérieur a établi que pour l’année 2004, les services de police et de gendarmerie ont distribué 25.843.384 procès-verbaux aux automobilistes, pour une recette totale s’élevant à un peu plus de 671 millions d’euros. Les chiffres apparaissent énormes, surtout lorsqu’on sait que le parc automobile compte 335.491 véhicules au dernier recensement… Chaque automobiliste a ainsi collectionné bon an mal an jusqu’à 10 contraventions pour l’usage de son véhicule !

La réglementation qui se met en place en ce qui concerne le bon usage des autoroutes de l’information est donc destiné à connaître une inflation rapide des mesures de police. Sans surprise, le téléchargement illégal est le plus répandu chez les couches les plus jeunes de la population. 58% des sondés de moins de 35 ans confessent ainsi avoir déjà téléchargé (47%) ou utilisés (11%) des contenus illégaux, contre 30% des plus de 35 ans. Chez les 18-24 ans, la proportion monte à 57%. Au jugé, l’amateur moyen de téléchargement apparait donc comme un homme de moins de 35 ans, actif (35%) ou non (44%). 39% des personnes interrogées reconnaissant avoir déjà téléchargé habitent en ville. 39% également sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Détail insolite : sur le plan politique, 21% des sondés qui disent télécharger ou profiter indirectement de téléchargements illégaux se revendiquent de l’UMP.

Pourtant, le droit n’a pas varié. Les internautes pris la main dans le sac ne le seront pas pour des infractions nouvelles. Ce qui change est la capacité que les pouvoirs publics veulent se doter pour réprimer le téléchargement gratuit de fichiers musicaux, de films ou de jeux vidéo… Pour le moment, nul ne sait exactement à quel montant s’élève le préjudice subi à l’heure actuelle par les ayants droit des œuvres piratées. La question devient encore plus délicate dès qu’on se préoccupe de celui des fabricants de logiciels, qui ont peut-être encore plus à craindre des us et coutumes en vigueur sur le réseau mondial. Une chose est désormais certaine, l’État n’est pas en mesure d’analyser l’ensemble des flux du réseau, pas plus que les opérateurs privés.

Une seconde certitude est donc à prendre en compte avant le débat sur la loi Création et Internet à l’Assemblée nationale : combien le contribuable français va-t-il devoir débourser pour financer les outils technologiques et le personnel adéquat ? Pour l’instant, c’est le flou le plus artistique…

 

 


Quand le réseau mondial invitait au partage,
Tout se montrait gratuit au nom de l’absolu,
Puis le commerce a fait mal au cuir chevelu
De ces marchands qui y ont vu un avantage.

Et les pouvoirs publics font face au piratage
Car ils ne vont jamais offrir tout frais moulu
Le fruit de leur aubaine à chaque hurluberlu,
Un vendeur ne doit pas recourir au chantage.

Ce n’est pas tant l’artiste assez dédommagé
Qui voit son portefeuille à ce point négligé,
Mais son brillant mentor qui se sait à la page.

Si un marché en panne a l’air bien vermoulu,
Les gens ont vu l’enfer et font tout ce tapage,
Un pouvoir leur doit l’aide à peu près résolu !

 

Avec AFP, Reuters et Le Chasseur français.