La France exclue de l’Usine à Rêves d’Hollywood

La France exclue de l'Usine à Rêves d'Hollywood

En dépit des faux espoirs dispensés tout au long du week-end dans les journaux sur les chances françaises à la cérémonie des Oscars, il faut bien avouer que l’œuvre de Laurent Cantet ne pouvait rivaliser avec Slumdog le Millionnaire, malgré l’équivalence de leur approche dans la fiction et la dose de bons sentiments également dispensée dans ces deux films de cinéma.

Entre les Murs n’est pas plus verni que le dessin animé des étudiants de l’école de l’image des Gobelins, Oktapodi, ou le compositeur Alexandre Desplat, qui s’est vu nominé dans le cadre d’une production américaine… C’est en effet Slumdog le Millionnaire, un film anglo-américain tourné en Inde, qui rafle la mise, avec l’Oscar du meilleur film avec 8 autres récompenses, consacrant cette année encore une envie indépassable d’accéder à la réussite sociale dans un contexte féerique.

C’est sans surprise qu’il a remporté les trophées tant désirés par les professionnels de la profession, en faisant de plus un carton plein avec 8 prix sur 10 nominations, lors de la 81ème cérémonie hollywoodienne. Son réalisateur, le Britannique Danny Boyle, a également emporté celui du meilleur réalisateur. Et auparavant, le film avait déjà enlevé les trophées du scénario adapté, remis à son compatriote Simon Beaufoy, de la photographie, du montage et du mixage sonore, de la musique originale et de la chanson pour Jai Ho, décerné au compositeur indien A.R. Rahman.

Pourtant, ce film à petit budget a rencontré un succès inattendu dans les salles, et a bien failli ne pas être distribué aux États-Unis. Adapté plutôt librement du premier roman d’un diplomate indien, il raconte l’histoire de Jamal Malik, un jeune orphelin qui grandit dans un bidonville de Bombay et qui participe à la version locale de l’émission Qui veut gagner des millions ?. À la surprise générale et à l’exaspération de l’animateur de l’émission, il répond correctement à toutes les questions, se retrouvant bientôt en mesure de gagner 20 millions de roupies, soit un demi-million de dollars. Quel est son secret ? Est-ce vraiment l’argent qui l’intéresse ?

Telles sont les questions auxquelles Danny Boyle se met en demeure de répondre, en offrant une fiction bien maîtrisée, qui échappe à la mièvrerie, tout en flirtant allègrement avec les bons sentiments. Grâce à une série de flash-backs, le réalisateur de Trainspotting reconstitue avec virtuosité le destin d’un jeune garçon pauvre, qui traverse les convulsions d’une Inde saisie par la fièvre de la modernité avec ses centres d’appel et ses gratte-ciels, mais encore médiévale à bien des égards. On y côtoie l’exploitation des enfants, les haines religieuses, les brutalités policières, tant de maux qui pourraient également faire songer à la société française, et qui sont également le sujet de Laurent Cantet.

Mais la comparaison ne va guère plus loin. Alors que Danny Boyle tente avec succès d’allier réalisme difficilement soutenable avec bonne humeur, Laurent Cantet s’est complu à restituer un contexte social dans un didactisme plutôt difficile à suivre… Les déboires de l’Éducation nationale et les problèmes d’insertion de notre jeunesse n’intéressent personne au-delà de nos frontières hexagonales, et il a fallu toute l’influence militante d’un président de jury britannique pour lui décerner la Palme d’Or à Cannes !

Nous sommes loin du destin de La Môme Piaf, très appréciée aux États-Unis et mondialement connue, avec les atermoiements du corps enseignant du collège Françoise Dolto… Tout un programme en vérité, qui ne pouvait pas plaire à l’usine à rêves d’Hollywood, toujours très attachée à la libre entreprise et à la possibilité pour chacun de réussir sa vie.

 

 


Ce peuple a longtemps fait tourner l’usine à rêve :
Liberté, ton nom s’écrit mieux en français depuis
Qu’il s’est traduit partout pour fonder nos appuis,
Dans la plus belle idée en tout dessein sans trêve…

En ces moments perdus, les gens sont sur la grève
Pour regarder leur propre image au fond du puits,
Et prestement fermer d’un coup sur un loup l’huis
De leur passion pour l’autre hélas un peu tôt brève.

Quand le grand cinéma s’entretient de nos mœurs,
Ce n’est pas pour donner du corps à nos humeurs
Tant il se tourne au mieux pour nous donner envie.

Ce ne sont pas nos noirs ennuis qui vont chez lui
Présenter tout le sel qu’ils nous font dans la vie,
Mais dans nos illusions les traits qui n’ont pas lui.