Un jour le maire de Marseille s’appellera Ben Le Pen

Un jour le maire de Marseille s'appellera Ben Le Pen

Le président du Front national s’est autorisé un nouveau dérapage verbal pour se remettre en selle après les échecs successifs de son parti pendant les derniers scrutins.

Jean-Marie Le Pen vient en effet d’annoncer dimanche après-midi sa participation à la campagne électorale pour les prochaines élections régionales, en déclarant qu’il se présenterait comme tête de liste en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Je serai tête de liste de l’élection régionale, a-t-il affirmé à la presse avant d’ajouter : j’espère que nous prendrons notre revanche.

C’est qu’il s’estime victime d’une manoeuvre politique aux élections régionales de 2004 : privé de sa tête de liste le FN avait fait un moins bon score qu’attendu, car la candidature de Jean-Marie Le Pen a été invalidée faute d’inscription aux rôles des contributions directes à Nice. À 80 ans, le vieux routier de l’extrême-droite entend cette fois profiter de la crise pour retrouver des voix. Il table ainsi sur un score d’au moins 10% dès les prochaines élections européennes.

La crise va être un révélateur, a-t-il assuré, écartant l’idée d’une concurrence de l’extrême gauche d’Oliver Besancenot pour ces électeurs déçus. Le FN a connu un échec relatif à la présidentielle et très sévère aux législatives, mais j’ai connu le PS à 5%. Il s’est félicité d’un récent sondage du magazine Valeurs Actuelles montrant la déception de ses électeurs qui se sont tournés vers Nicolas Sarkozy au premier tour en 2007 : plus Sarkozy ira vers la gauche, plus il libérera l’espace de droite qu’il avait indûment occupé pendant la campagne électorale de 2007, a-t-il estimé.

Et pour donner un peu de relief à sa conférence de presse dimanche, Jean-Marie Le Pen s’est livré à une énième provocation. Stigmatisant l’immigration qui, selon lui, tend à prendre l’allure d’une véritable colonisation, il s’est autorisé à faire de l’ironie à propos de Jean-Claude Gaudin, qui prétend qu’il y a 300.000 musulmans à Marseille, le jour où ils seront 800.000, le maire ne s’appellera plus Gaudin mais peut-être Ben Gaudin

Ce n’est sûrement pas la première fois que le président du Front national se livre à des dérapages verbaux pour faire parler de lui. En la matière, le 2 avril 2004, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Jean-Marie Le Pen pour un entretien au journal Le Monde du 19 avril 2003, dans laquelle il avait déclaré : le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. Mais il ne s’agit que de la suite d’une longue série d’avertissements pécuniaires, qui ont débuté à la fin des années quatre-vingt, alors qu’il avait cherché à stigmatiser le ministre d’ouverture de Michel Rocard par ce calembour de la même eau : Monsieur Durafour-crématoire, merci de cet aveu !

Qui n’a pas compris que l’un des leviers de campagne de Jean-Marie Le Pen est le relais médiatique suscité par ses dérapages verbaux, ne sait pas grand-chose de la vie politique française. L’insulte, l’ironie, les jeux de mots poujadistes en sont une constante, les limites étant imposées par les tribunaux correctionnels qui font la norme en matière de politiquement correct. C’est ainsi que Roger Salengro a été poussé au suicide après une campagne de dénigrement fallacieuse de l’extrême-droite, alors qu’il tentait d’endiguer les ligues au sein du gouvernement Blum en 1936.

Mais les propos que vient de tenir Jean-Marie Le Pen revêtent une toute autre signification après l’élection aux États-Unis d’un homme de couleur, né de l’amour d’une jeune femme autochtone et blanche pour le ressortissant d’un pays africain, à la magistrature suprême. Il conviendra donc de se féliciter le jour où le maire de Marseille s’appellera effectivement Ibrahim ben-Quelque chose, Gaudin ou Le Pen… Mais en France, nous l’avons remarqué depuis bien longtemps, le politiquement correct ferme également la porte à bien des candidats de la diversité !