Droit de Réponse à Mme Aliette Guibert-Certhoux sur l’affaire Battisti

Droit de Réponse à Mme Aliette Guibert-Certhoux sur l'affaire Battisti

La fondatrice de Critical Secret et contemptrice des tendances du réseau mondial nous adresse une lettre ouverte en réponse à l’article Lettre ouverte à Fred Vargas dans laquelle elle n’était nullement mise en cause. C’est la raison pour laquelle vous pourrez vous référer à l’article incriminé publié dans Le Mague le 2 juin 2004 en cliquant sur le lien situé à la fin de cette page.

J’ai choisi mon camp de raison (car même la raison est multiple).
Battisti serait-il une crapule à vrai dire je m’en f.… ce n’est même
pas le problème.

Le problème politique très grave qui se pose à propos de Battisti
c’est la souveraineté des Etats comme diversité du monde émergent du
néoconservatisme dans le monde globalisé avec de nouvelles différences
après Bush.

Si l’Italie ne voulait pas perdre Battisti elle ne devait pas le
laisser fuir… Mais une fois sa fuite consommée, s’il ne vivait pas
en clandestinité mais sous un registre public d’autorisations
représentatives — comme Persichetti, comme Petrella, tous
publiquement installés car vivant légitimement en France : ces
citoyens n’appartenaient plus à l’Italie.

D’ailleurs, l’italie au temps de ce pacte avait pris accord avec
Mitterrand pour cette solution, comme une parmi les autres solutions
du rétablissement de la paix civile. Je dis bien : accord de principe
entre le premier ministre italien et le chef d’Etat français au moment
où la décision de la parole donnée fut prise, consensuellement.
Seulement ce premier ministre est mort depuis longtemps et ne peut
donc plus en attester. Il y avait un vide sur l’insoumission dans les
droits de l’homme en annexe de la constitution en France, à cause de
sa révocation par Mitterrand en 1989, pour convenir à l’Europe, mais
son statut dans le cadre de la république présidentielle l’autorisait
à procéder comme il l’a fait, pour pallier à son imprévision.

De là, ce n’est pas parce que Battisti est un écrivain qu’il a été
défendu car bien avant que Fred Vargas ne prenne sur elle de le
défendre, il y avait beaucoup d’intellectuels et d’activistes de la
mouvance socialiste, et même d’autres personnalités politiques, devant
la Santé, pour protester au nom de "la parole donnée", puis pour
l’accueillir à sa sortie, et aussi beaucoup de monde au long des
étapes du procès.

Fred Vargas n’est intervenue que plus tard — je le sais pour avoir
suivi toute cette affaire et de plus m’étant trouvée dans les locaux
de France Culture pour débattre en sa présence dans le cadre d’une
émission de la série "Le vif du Sujet", où se trouvait également Maître
Jean-Jacques de Felice. C’est une femme formidable et de défi jusqu’au
bout, elle ne fuit pas les conséquences de ses engagements — d’ailleurs elle a contribué aussi financièrement de son propre tribut
pour la famille de Cesare — ; elle s’en est mêlée dans le cadre du
réseau des écrivains du polar puis a mené l’enquête elle-même, quand
elle a compris que le concernant la position de défense collective ne
le mènerait nulle part sinon à être kidanppé, compte tenu des raisons
très glauques qu’il fut recherché plus particulièrement par les
services de renseignement liés à l’ancien Gladio, pour lesquelles les
italiens le voulaient. Et si Battisti savait des choses très
compromettantes mais qu’il garderait secrètes et qu’on ne voudrait pas
qu’il publie — ou du moins et si on put penser cela même s’il ne
savait rien, comme de plus il commença par fuir au Mexique ?

Alors oui, si Fred et Cesare ne s’étaient pas croisés dans le réseau
très solidaire du polar qui comprend des personnalités anciennement
marginales ou transverses ou radicales — Fred est sans doute une des
plus officielles, qui émerge du CNRS —, sans doute Battsiti n’aurait
pas pas été défendu par des écrivains pour être lui-même écrivain.
Mais de toutes façons, toute tautologie mise à part, chacun agit et
s’engage sur son propre terrain, c’est la tradition de toutes les
luttes d’auto-défense héritées des résistances et des luttes de
classe, l’auto-détermination dans son propre environnement : "compter
sur ses propres forces". Marina a mené une lutte par sa "grève de la
vie", mais elle fut soutenue pour ne pas aller jusqu’à la mort, non
pas médicalement (elle refusait tout) mais politiquement et
solidairement. Chacun se bat selon sa personnalité, il n’y a pas de
modèle. Battisti ce fut chaque fois la fuite, mais après tout Henri
Laborit n’avait-il pas fait l’éloge de la fuite, et sur un autre plan
un des plus grands résistants polonais ne fut-il pas ce leader du Bund
qui plutôt que se suicider réussit à se sauver du ghetto après s’y
être farouchement battu ?

Même si Marina mena un combat à mort avec elle-même, ce n’était pas un
chantage mais un renoncement, et en appeler à la solution posthume de
son sacrifice pour libérer les autres réfugiés de poursuites
semblables, comme les 10 de l’IRA qui périrent dans la prison de Maze,
et Bobby Sands après 61 jours seulement — suite aux privations et aux
mauvais traitements antérieurs — de grève de la faim et de la soif.
Il reste à craindre que sans l’intervention de Valeria Tedeshi
l’issue put être fatale (à vrai dire Marina était déjà très détruite
physiologiquement par sa grève de la faim et de la soif prolongée,
quoiqu’elle fut perfusée).

Mais de plus, cette lettre ouverte, contre laquelle je m’élève,
tendrait à faire disparaître le rôle considérable des avocats des
Italiens, de sacrés personnalités de défense des droits de l’homme et
des causes politiques, et ils n’ont pas chômé, comme le haut avocat
que fut Jean-Jacques de Felice, illustre défenseur des activistes du
FLN et de leurs soutiens, pendant la guerre d’Algérie, et son
assistante Irène Terrel qui mena seule les négociations pour la
libération définitive de Marina. Il a fallu des interventions de
pouvoir pour en finir, mais c’est la continuité persistante de la
défense et du soutien collectifs et personnels, le fil de cette lutte,
qui a mené jusqu’à trouver les bonnes circonstances, et rendre ces
négociations possibles. Quelles que furent les circonstances de ces
rencontres opportunes in extremis, elles furent à la fois
déterminantes et anecdotiques et il y eut des messagers entre la
défense et les accusés : Carla, Valeria, Toni, etc.

Conforté par des accords internationaux liberticides au nom du Patriot
Act du gouvernement Bush étendu à la grande unité du monde — le monde
unitaire global, néolibéral et néocons des lobbies du nouvel ordre
mondial, fut d’abord celui des polices secrètes et des armées. C’est
dans ce cadre précis que ces demandes d’extraditions furent posées par
l’Italie : d’abord Persichetti, puis Battisti — au moment où l’Italie
présidait à son tour la commission européenne, jusqu’à aller faire
changer des inscriptions aux fichiers européens qui avaient pourtant
été réalisées préventivement par le gouvernement Jospin. Là, tout
le monde était sur ses gardes après ce qui était arrivé à Persichetti.
Puis ce fut le tour de Petrella.

Il y a eu des marchés et des enjeux financiers posés dans la balance
de récupérer Battisti, un véritable "objet de valeur", des accords sur
l’armement, et l’accès de Bolloré à la banque des banques en Italie
pour ce qu’on a pu en supposer et le reste qu’on reste à ne pas
supposer.

Rien que le droit international des peuples à disposer d’eux-mêmes
prescrivent les demandes d’extraditions exprimées comme des pressions
contre les souverainetés nationales, a fortiori émergentes à la fin de
la domination américaine de Bush ou juste après ; ces pressions sont
inacceptables dans leur principe politique lui-même : à savoir que le
monde n’est pas un mais plusieurs et que ces multiples se respectent
comme des individualités civiques dialectiques, ou le monde se
mortifie dans la reproduction du même — alors que tous savent ces
différences ne seraient-ce que climatiques ou géologiques, et autres
inégalités interférentes ou conséquentes…

Par conséquent, je considère que cette lettre ouverte si elle est
légitime est aussi aveugle, notamment de ce que tous les résistants du
monde furent toujours considérés comme des malfrats et des criminels
par le pouvoir dominant auquel ils s’opposaient. Et il est vrai que
des résistants comme minorité sous-armée ou réprimée soient souvent
amenés à commettre des exactions : exécutions des indicateurs, vols à
main armée, crimes politiques, etc. mais ils ne peuvent pas être
fauteurs de "crimes de guerre" puisque la lutte armée n’est pas celle
d’une armée mais celle de cityoyens en armes, contre l’armée du
pouvoir. Qu’il s’agisse de la résistance face aux nazis, or même les
communistes commencèrent officiellement par le meurtre d’un gradé de
l’armée allemande dans le métro de Paris, par le colonel Fabien, quand
d’autres firent sauter des trains de ravitaillement qui
n’intéressaient pas toujours que les nazis, qu’il s’agisse du
Viet-Cong, et même du "Hamas" comme mouvement de résistance pluriel à
Gaza, succédant aux yeux d’israël à la criminalité antérieure du Fatah
puis de l’OLP (pourtant les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa ne sont
pas des rigolos et pendant la guerre civile de 2007 ils furent la
milice armée "légitime" en soutien de la police du président Abbas,
particulièrement meurtrières)...

La question dans ce cas est de le savoir, sans pour autant refuser de
considérer qu’il y ait un camp légitimé de se battre par les
spoliations symboliques ou matérielles qui lui furent infligées. En
Palestine c’est une des dernières luttes anticolonialistes (comme à
Ceylan). En Italie c’était la grande masse des travailleurs syndiqués
grévistes, avec des manifestations et des grèves insurrectionnelles,
dont leurs avant-gardes ou les avant-gardes critiques, dans la grande
réccession de l’industrie italienne, face au fascisme latent de la
droite et à la mafia. Ce fut la lutte armée en auto-défense des
violences des grands attentats terroristes (Milan, Bologne), et des
assassinats politiques des syndiqués, par le pouvoir et sa police liés
à la loge P2 et à Gladio (dans le cadre de la guerre froide) et face à
cela, dans la crise économique, l’idée ultime d’une révolution
anarcho-léniniste possible, et ses débordements et manipulations. Aldo
Moro est mort parce qu’il allait s’allier avec les communistes (PCI et
Démocratie chrétienne), et c’est Andeotti et Cossiga qui ont fait en
sorte que cela se produise. Pour les services secrets américains
ingérents dans la politique italienne depuis la guerre, ce pays ne
pouvait se donner une république de gauche avec des communistes même
gramscistes qui d’après eux auraient ouvert la porte d’une
prédominance soviétique en Europe libre du sud. On ne peut pas
comprendre cette situation en France, parce que de Gaulle nous avait
sortis du pacte atlantique et justement sa politique extérieure
anti-impérialiste inquiétait, et il avat dévalué la monnaie dans un
événement scrupuleusement tenu secret qui ne permit pas de délit
d’initié. Quand l’italie était en inflation et en recession, nous
étions en plein boum économique et social, nous avions du surplus et
nous voulions le partager sans entraves. Mai 1968 ne fut pas les
années de plomb de la pénurie, mais le résultat d’une abondance qui
mena à l’intégration des revendications et des libertés — certes bourgeoises — en France.

Il faut savoir tourner la page de l’histoire et de ses crimes
colatéraux en proclamant l’amnistie générale. Cela nous l’avons fait
en France plusieurs fois depuis la seconde guerre mondiale, et nous
savons aujourd’hui que ce fut la seule façon de sauver la paix civile
républicaine — vous voyez, je ne parle même pas de la capacité
révolutionnaire de poursuivre qui mena certains résistants après la
guerre (dont je viens de parler), à se faire tuer par des balles
perdues sur le front de l’Est, dans l’armée régulière qu’ils avaient
rejointe, et notamment le colonel Fabien lui-même, mais il y en eut
d’autres.

Tout a été dit sur Battisti depuis son arrestation en France, il n’y a
plus qu’à tourner la page, ou, pardonnez-moi, finir par donner
l’impression qu’on aime se vautrer dans les excréments qu’à laissé le
fil médiatique nourri de pathos d’opinions et d’émotions sans accroche
de discernement, faute de références, comme on se trouvait en pleine
conscience de la fin des références dans le nouveau cadre de la
délocalisation apolitique des organisations communautaires et
internationales, qui se sont trouvé avoir eu lieu de façon syncrhone,
au long de toute cette histoire des italiens réfugiés — et sans doute pas par hasard quant à ces changements, sinon ces réfugiés n’auraient pas fait d’histoire et seraient restés parfaitement intégrés
socialement où ils avaient été reçus, selon des convenances locales
particulières officielles et publiques.

Et si nous regardions plus loin… nous aurions peut-être davantage
d’idées pour faire face à la crise générale (pas seulement financière
et économique car elles ont des raisons existantes) à laquelle nous
sommes confrontés.

En réponse/non réponse à la Lettre ouverte à Fred Vargas du 2 juin 2004.