Tout est possible avec Paul-Loup Sulitzer

Tout est possible avec Paul-Loup Sulitzer

Nicolas Sarkozy voulait liquider mai 68, mais avec le procès de l’Angolagate, il s’agit de mettre au pilon les années quatre-vingt, dont il est devenu l’un des représentants emblématique. Face à cette charge et pris dans le tourbillon de ce scandale politico-financier, Paul-Loup Sulitzer qui les incarne avec panache, n’entend pas se laisser faire et conserve une grande aptitude à rebondir. Qu’on en juge !

En 1983 et contre toute attente, l’actuel président de la République française arrache la mairie de Neuilly-sur-Seine à Charles Pasqua, candidat désigné par le RPR. Il n’a que 28 ans et fait ses débuts dans la politique. C’est également cette année-là que Paul-Loup Sulitzer publie Le Roi Vert, un succès de librairie qui succède à la série des Franz Cimballi dont la France, puis le monde entier se sont entichés.

C’est alors qu’un revers électoral majeur décide le chef de l’État de l’époque, François Mitterrand, à infléchir sa politique et à tourner la page de la redistribution sociale pour se consacrer aux restructurations et à la modernisation du pays. C’est le début des années fric, de l’affairisme et de l’argent-roi dont s’emparent avec délices nombre de partageux du Parti socialiste en migrant des cabinets ministériels vers la direction des banques et des grandes entreprises nationalisées. On connaît la suite…

Paul-Loup Sulitzer n’en fait pas partie, quand bien même il apparaît comme un symbole de la réussite sociale à l’époque. Parti de rien dans la vie, spolié de son héritage paternel, le jeune homme a fait fortune au cours de la décennie précédente en vendant de la bimbeloterie. Il est à 21 ans le plus jeune P-DG de France ! L’année précédant l’arrivée des socialistes au pouvoir, il propose aux éditions Denoël qu’on l’associe à un écrivain pour produire un western financier, un roman d’aventures de finance-fiction. De là viendront les succès littéraires et commerciaux de Monney, puis de Cash !, promu livre de l’été en 1981.

Mais Paul-Loup Sulitzer, véritable Alexandre Dumas du XXème siècle, n’en reste pas moins un homme d’affaires avisé autant que redoutable. Il commence à rendre de menus services à prix d’or comme consultant financier international. Parallèlement à ces activités où l’ombre est cent fois préférable à la lumière, il mène grand train dans la jet set et fait la couverture des magazines en compagnie des plus belles femmes de la planète. Ça ne me dérange pas qu’on dise que je date des années 1980, confie-t-il à Gérard Davet pour Le Monde : on ne peut me retirer ce que je suis. Paul-Loup Sulitzer, depuis l’âge de 17 ans, il a marqué son temps.

Et c’est justement ce qu’on reproche à Paul-Loup Sulitzer ! Mis en cause dans le dossier de l’Angolagate dont le verdict doit être rendu en mars, l’infraction pour laquelle il est poursuivi n’est pas vraiment établie à l’heure actuelle. Il est convaincu avec d’autres personnalités de la sphère politico-financière comme Charles Pasqua, Pierre Falcone, Jacques Attali, ou encore Jean-Christophe Mitterrand, d’avoir participé à un gigantesque trafic d’armes à destination de l’Angola, où la guerre civile se poursuit depuis l’indépendance du pays en 1975.

L’écrivain et homme d’affaires a tenté de convaincre le tribunal que les quelque 380.000 euros que lui a versés Pierre Falcone n’étaient que la juste rémunération de ses talents de conseiller et lobbyste pour avoir utilisé son relationnel dans le monde entier. Aux enquêteurs, il avait expliqué que Pierre Falcone et son associé Arcadi Gaydamak l’avaient embauché pour s’occuper de la presse, qui commençait à les accuser de trafic d’armes, et plus généralement pour gérer leur image, jusqu’aux conseils d’habillement.

Mais une lettre du ministre de la Défense Hervé Morin, datée du 11 juillet 2008, et adressée à l’avocat Pierre-François Veil, défenseur de l’homme d’affaires Pierre Falcone, vient tout remettre en cause : Il résulte de l’examen du dossier de mon ministère à la lumière de vos observations, écrit le ministre, qu’en l’absence de transit par le territoire français la législation relative aux opérations de ventes d’armes et de munitions (…) ne s’appliquait pas, aux dates retenues par le dossier de l’instruction, à l’activité exercée par M. Pierre Falcone.

Toute cette histoire rocambolesque est abondamment contée par Paul-Loup Sulitzer dans son dernier roman Le Roi Rouge, aux Éd. Du Rocher, paru l’été dernier. L’homme se livre dans ce roman vrai comme il ne l’avait peut-être jamais fait. Expliquant le destin de son héros, dans lequel on croit discerner celui de son associé Arcadi Gaydamak, il en profite pour livrer sa version des faits et les dessous d’une affaire d’État. Grâce à cet ouvrage, chacun peut enfin se faire une opinion en son âme et conscience, et découvrir les rouages du monde des affaires, de ses codes et de ses dangers…

Je n’ai encore jamais rencontré un homme comme Paul-Loup Sulitzer. Dans cet appartement de 130 m² de l’avenue Wagram à Paris, qu’un ami lui prête, il y a des tonnes de bouquins, uniquement les siens, des tableaux en pagaille, à son effigie, et des photos des grands de ce monde, souriant à l’objectif en compagnie… de lui-même ! Un homme comme lui est increvable, indéfendable parce qu’inattaquable. Et les valeurs qu’il incarne sont juste les nôtres.

Avec l’aimable et précieux concours de Yannick Boutot.