Cesare Battisti évadé au Brésil avec un vrai-faux passeport ?

Cesare Battisti évadé au Brésil avec un vrai-faux passeport ?

L’ancien militant de l’ultra-gauche italienne affirme qu’il a été aidé dans sa fuite au Brésil par des membres des services secrets français qui lui ont fourni un passeport à cet effet.

Cesare Battisti est poursuivi par la justice de son pays et passible de la prison à perpétuité. Il a été condamné par contumace par un tribunal italien pour 4 assassinats, pour lesquels il affirme ne pas avoir eu de responsabilité. Trouvant refuge en France avec plusieurs de ses camarades, il s’installe comme gardien d’immeuble et publie des romans policiers pendant 20 ans, franchement mauvais, inspirés de ses aventures personnelles.

Son groupe, l’Organisation des Prolétaires armés pour le Communisme ont commis des hold-ups et 4 meurtres ont été revendiqués. Le fils d’un bijoutier tué lors d’une fusillade est demeuré paraplégique. Dans plusieurs textes publiées des années plus tard, Cesare Battisti indique avoir renoncé à la lutte armée en 1978, à la suite de l’assassinat d’Aldo Moro et se dit innocent des quatre assassinats revendiqués par les PAC.

Le 4 octobre 1981 des membres de PAC organisent son évasion de la prison de Frosinone et Cesare Battisti s’enfuit d’Italie pour rejoindre la France puis le Mexique en 1982. Après plusieurs mois d’errance, il profite que François Mitterrand propose d’héberger sur le sol français les activistes italiens qui ont renoncé au terrorisme pour s’installer en France. Son implication dans les faits qui lui sont reprochés reposent sur les aveux de ses camarades qui ont bénéficié pour cela de la clémence des juges italiens, mais ils demeurent fortement contestés par un certain nombre de soutiens de Cesare Battisti.

Dans un livre, Guillaume Perrault liste les éléments que la cour d’assises a recensé comme preuve : analyses balistiques, documents retrouvés dans la planque de 1981, et recoupements de témoignages extérieurs et de repentis des PAC. Selon Fred Vargas et d’autres auteurs, tels que Valerio Evangelisti ou même Bernard-Henri Lévy, aucune preuve matérielle, y compris les analyses balistiques, n’incriminerait l’accusé et d’indiquer que ce procès aurait été entaché d’irrégularités, en particulier par l’usage de la torture, et le fait qu’aucun témoin n’était, selon eux digne de foi. Sur la requête du procureur adjoint de Milan, Armando Spataro, qui était déjà procureur à l’époque et avait participé aux procès de Cesare Battisti, et du gouvernement italien présidé alors par Sylvio Berlusconi, Cesare Battisti est à nouveau arrêté à Paris le 10 février 2004.

Un imbroglio judiciaire se poursuit pendant plusieurs années en France, pendant lequel un comité de soutien animé par des intellectuels s’oppose à Jacques Chirac, chef de l’État et à son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Le 21 août 2004, Cesare Battisti se soustrait à son contrôle judiciaire, et annonce qu’il reprend la clandestinité. Il est alors recherché par la police française. Un décret d’extradition est signé par le Premier ministre. Les avocats introduisent un recours en annulation devant le Conseil d’État français, qui confirme le décret d’extradition le 18 mars 2005. Il est retrouvé et arrêté au Brésil le 18 mars 2007, vraisemblablement à cause de l’imprudence d’un membre de son comité de soutien venu lui rendre visite à Rio de Janeiro, mais il se savait également soumis à une discrète surveillance des services brésiliens.

Finalement, au terme de complications juridiques, les autorités brésiliennes décident le 14 janvier dernier d’accorder le statut de réfugié politique à Cesare Battisti, une décision qui crée une forte tension diplomatique avec Rome, et aussi Paris. Après la décision brésilienne, la presse italienne avait attribué à l’épouse du chef de l’État français un rôle dans le refus du Brésil d’extrader Cesare Battisti, rapprochant cette situation de celle de Marina Petrella, également condamnée à perpétuité en Italie. Dimanche 25 janvier, invitée par la télévision italienne, Carla Bruni-Sarkozy a démenti être intervenue en sa faveur.

Dans un portrait réalisé par le magazine brésilien Istoe à l’activiste italien, Cesare Battisti revient sur les conditions de son évasion. Il affirme que des membres des services secrets français l’ont aidé en 2004 à fuir la France pour se réfugier au Brésil. C’est un membre des services secrets français qui a émis l’idée de ma fuite au Brésil, explique-t-il. Selon lui, dans le bureau de ses avocats, l’un d’eux m’a parlé du Brésil, rappelant qu’il y avait de nombreux réfugiés italiens au Brésil, avant d’ajouter qu’une semaine plus tard, il a envoyé une autre personne m’apporter un passeport avec ma photo et mes données personnelles.

Mais c’est surtout l’occasion pour Cesare Battisti de dédouaner la 1ère dame de France. Il assure également que l’épouse du président français, Carla Bruni Sarkozy, n’est pas intervenue pour que le Brésil lui octroie en janvier le statut de réfugié politique. Je pense que c’est un mensonge. Carla Bruni n’avait aucune raison d’intervenir en ma faveur, a-t-il déclaré dans cet entretien réalisé depuis sa prison de Brasilia et publié jeudi par Istoe sur son site Internet. Ainsi se clôt l’une des pages les plus troubles de l’histoire de la diplomatie secrète où l’action de la France a été marquée par une série d’atermoiements et d’attitudes contradictoires.