Les observateurs divisés sur le décompte des manifestants socialistes

Les observateurs divisés sur le décompte des manifestants socialistes

En dépit de la bataille de chiffres avancés par les organisateurs et les autorités, la journée de mobilisation sociale a été un tel succès que même l’Élysée s’est fendu d’un communiqué conciliant. Mais la véritable controverse est venue du nombre estimé de militants socialistes, vraisemblablement gonflé par des médias empreints de compassion.

En gros, selon la CGT et Force ouvrière, plus de 2,5 millions de salariés du public et du privé ont défilé dans tout le pays à l’appel de tous les syndicats, pour une fois unis. Le ministère de l’Intérieur a comptabilisé pour sa part 1,08 million de manifestants dans les 195 cortèges recensés, rapporte le quotidien de référence au soir de la journée de grève nationale et de manifestations du jeudi 29 janvier pour le pouvoir d’achat et la défense de l’emploi. La tendance est plus difficile à suivre en ce qui concerne le Parti socialiste, qui semble avoir passé en tout et pour tout une heure sur un carré de trottoir boulevard du Temple, près du Cirque d’Hiver.

Les échos qu’en font la presse donnent au fil des heures de moins en moins de relief à la mobilisation socialiste. Avant de rejoindre la banderole du PS installée devant le cirque d’Hiver, la première secrétaire a donné rendez-vous aux leaders syndicaux près de la Place de la Bastille. Mais dans la cohue, Aubry parvient juste à croiser Bernard Thibault de la CGT, nous présente d’abord Le Parisien. Le journal local atteste pourtant de l’accueil pour le moins réservé que les manifestants font à l’état-major du parti de Jean Jaurès… ou de ce qu’il en reste !

La plupart des magazines, comme Le Point, reprennent les dépêches d’agence : flanquée du maire de Paris, Bertrand Delanoë, et du président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, Martine Aubry se voulait "au soutien des Français qui en ont assez de ce président qui considère qu’il a raison contre tout le monde, contre son pays, mais aussi contre les gouvernements voisins qui relancent, eux, la consommation". Un compte-rendu sans aspérité, destiné aux journaux comme aux ministères et aux sièges des partis politiques, qui sont leurs clients.

Les radios sont les plus enclines à ménager des gens qu’elles invitent afin d’animer les débats qui font la part belle dans leurs audiences. Europe1 rappelle que la direction du Parti socialiste a tenu à s’afficher aux côtés des manifestants. "Dans le fond, ils ont raison. Lorsque nous avons un peu perdu notre âme, nous n’étions plus là. Aujourd’hui, nous avons retrouvé nos valeurs", a répondu Martine Aubry. Un peu plus loin, Jean-Luc Mélenchon, ex-membre du Parti socialiste qui a fondé le Parti de gauche, ironisait sur la présence de ses anciens camarades venus "faire une petite cure de vitamines". Pour RMC, entourée d’une meute compacte de photographes, interpellée par les manifestants, la maire de Lille cachait pourtant mal son anxiété — "il est où le service d’ordre ?" — alors que Benoît Hamon, porte-parole du parti, prenait plaisir dans cette mêlée digne, selon lui, "d’un bon match de rugby".

Mais la surprise vient des blogs édités par les mêmes organes de presse, et alimentés par des journalistes des rédactions. Leurs rapports sont beaucoup moins élogieux, mais plus conformes à la réalité du PS à l’heure actuelle : des caciques empruntés, pas très fiers d’être là et pressés d’en finir. Mais la compassion de tout un chacun se fait jour sous une plume un peu mal à l’aise, pour ces ténors jetés à terre par leur propre pusillanimité. Quant à Ségolène Royal, son absence programmée n’a ému personne. Elle s’était opportunément éclipsée pour briller au forum social mondial de Belém, au Brésil !

 

 


Nous les avons saisis debout sur le trottoir :
Les voilà bien en ligne et près du purgatoire
En regardant passer leur classique auditoire,
Mais ils sont restés là et comme à l’abattoir.

Car ils sont éreintés par les coups de boutoir
D’un adversaire atroce au ton comminatoire,
Montrant que leur courage est trop aléatoire
Toujours interrompu par l’os de leur histoire.

Prouvant leur ridicule en tel bond méritoire,
Usant de précautions tout dans l’art oratoire,
Nous les voyons alors perdus dans le foutoir.

Devant ce déficit d’ailleurs vraiment notoire,
Avec la corde au cou mais la rose en sautoir,
Leur comédie en cours devient un exutoire !